“En Vrac” par Madjid Khelassi : le cimetière des rêves.

23 jeunes candidats à l’émigration clandestine, partis d’une plage de Bejaïa, sont portés disparus depuis plus de deux semaines. Partis le 17 décembre dernier, ils n’ont plus donné signe de vie. Corona ou pas, la ruée vers les côtes européennes ne connaît pas de répit.
En 2019, 11 000 Algériens ont rejoint clandestinement les côtes espagnoles, 1 458 les côtes italiennes sans compter ceux qui débarquent à Malte, Chypre ou Athènes.
El Harga ou quand des milliers d’Algériens veulent écrire la page définitive de leur existence : partir pour un ailleurs meilleur ou périr en mer ! Le cœur déjà fauché par le désespoir.
Chaque jour que dieu fait, des dizaines d’Algériens s’essayent à la Harga : jeunes, moins jeunes, célibataires, mariés, en solo, en famille…Tous habillés de l’espoir d’un ailleurs meilleur mais nus devant un danger qu’ils bravent sans hésiter.
Tous s’estiment expulsés de la « genèse » algérienne. Car dégoûtés de la « moraline » menteuse de ceux qui les gouvernent. Et du jusant décourageant de leur avenir. Les côtes algériennes bruissent chaque nuit de ces candidats à la Harga, amputés volontaires des souvenirs et de nostalgie. Et qui ont oublié de vivre dans leur pays. Chaque nuit, une felouque, un zodiaque, une embarcation de fortune, met le cap vers un eldorado imaginaire. Eldorado érigé sur les débris de la malvie, et sur les pans douloureux d’une souffrance sans fin. Pas d’école, pas d’université, pas de boulot…hors Harga point de salut. L’olympe est au bout du voyage.
Chaque nuit, une famille algérienne est amputée d’un de ses membres parti vers un autre destin. Chagrins sans mot d’une famille qui part en lambeau et que rien ne consolera.
La nuit est froide par ces journées de l’inconstant hiver algérien. La mer encore plus.
La mer, devenue le belvédère de l’espoir pour des milliers d’Algériens, mais aussi le cimetière des rêves d’une jeunesse oubliée par ses aînés.