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Par Anouar El Andaloussi / la géopolitique n’explique pas tout : se méfier de ses opportunités et de ses contraintes.

En début de cette année 2024, l’économie mondiale peine à maintenir  le rythme de croissance de l’année 2023. Il est vrai que l’année 2023 a été caractérisée par un retour au niveau de croissance de l’avant Covid19. Depuis le dernier trimestre de 2023, la conjoncture économique affichait un essoufflement dans les échanges mondiaux et un retournement de situation suite à des facteurs souvent exogènes à la sphère économique proprement dite. La guerre russo-ukrainienne s’exacerbe et les conflits périphériques s’élargissent vers d’autres zones (Pacifique, Afrique…).  Suite à l’offensive d’Israël sur Gaza, la situation économique de cette région (MENA) s’est encore dégradée malgré l’augmentation continue des prix des hydrocarbures. Le géopolitique impacte l’économie mais n’explique pas tout. Au sein d’une même région, on peut noter des niveaux de croissance assez différenciés. Habituellement, on constate une nette différence entre les pays exportateurs d’hydrocarbures et les autres. Mais depuis la crise sanitaire, on observe une nette réduction de l’écart entre les pays dans la région MENA par exemple, cet écart n’est que de 0.9 de point de pourcentage, alors qu’il était en moyenne entre 5 et 6 points de pourcentage. Les économies non exportatrices d’hydrocarbures ou de toutes autres matières premières à haute valeur, ont opéré des réformes radicales dans leur système d’allocation des ressources, de régulation, de facilitations administratives, de rationalisation des coûts logistiques, ce qui leur permet aujourd’hui d’être moins affectés par l’augmentation des prix du pétrole.

Selon le rapport publié dans le Bulletin D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2024  (Banque Mondiale), sous le titre « Conflit et dette dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord » : « L’impact du conflit au Moyen-Orient a pratiquement interrompu toute activité économique à Gaza. Au quatrième trimestre 2023, le PIB de la bande de Gaza était inférieur de 86 % à celui des trois derniers mois de 2022. Cet effondrement se traduit par un ralentissement de 25 % de la croissance du PIB réel en glissement annuel, ce qui est comparable à certaines des pires périodes de conflit de l’histoire récente. La baisse de la production ne rend pas compte du bilan humain du conflit, à savoir les morts, les déplacés et le grand nombre de Gazaouis qui vivent aujourd’hui dans la pauvreté et sont confrontés à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë. En outre, elle ne donne qu’une indication des destructions d’infrastructures et de services qui auront des effets durables sur le rétablissement économique et humain…Le conflit a également des répercussions à l’échelle mondiale, des navires commerciaux ayant été attaqués en mer Rouge pendant celui-ci. Ces attaques ont réduit le trafic par le détroit de Bab El-Mandeb et le canal de Suez, les affréteurs ayant dû dérouter leurs navires. Modifier les routes commerciales est coûteux, car il faut davantage de navires et de carburant pour maintenir le même flux de marchandises sur des itinéraires plus longs. Les tarifs d’assurance et d’expédition dans la région se sont accrus et les tarifs au comptant pour le transport de conteneurs ont augmenté à l’échelle mondiale, en particulier pour les itinéraires de l’Orient vers l’Europe. Depuis le 1er avril, la crise s’est propagée à l’Iran suite à l’agression israélienne du Consulat iranien à Damas et la riposte iranienne la nuit du 13/14 avril. La région est confrontée à de multiples défis politiques et économiques, dont le plus important est l’évolution des prix du pétrole. Bien que ce paramètre n’affecte pas de la même manière les différents pays de la région. Les pays exportateurs profitent d’une hausse alors que les importateurs tirent avantage d’une baisse des prix.

Fait remarquable, tous les pays de la région sont minés par deux phénomènes devenus structurels, l’inflation et l’endettement. On dira que ces deux phénomènes sont mondiaux, mais leurs impacts sont différents en fonction de la structure de chaque économie, comme la diversification économique, la politique du taux de change, la structure du commerce extérieur et les soldes de la balance de paiement.

Le même bulletin d’information économique de la région MENA note que « Des ratios dette/PIB élevés peuvent engendrer des conséquences économiques majeures. Lorsque les États empruntent, ils peuvent évincer les investissements du secteur privé, car la hausse des taux d’intérêt peut entraîner une augmentation du coût du capital pour ce dernier. En outre, des niveaux élevés d’endettement peuvent s’accompagner de paiements d’intérêts coûteux qui réduisent progressivement la capacité de l’État à réaliser d’autres investissements publics favorables à la croissance. Et puis, l’effet des dépenses budgétaires supplémentaires sur le PIB — ce que l’on appelle le multiplicateur budgétaire — est plus faible lorsque la dette publique est élevée. Tout a un coût lorsqu’il s’agit de sortir de l’endettement. Certes, le désendettement par la croissance et le désendettement par l’inflation sont présentés comme des scénarios prometteurs ».  La seule voie salutaire pour un désendettement public est celle d’une  croissance robuste et soutenue. Le désendettement par l’inflation est hautement risqué. L’inflation est qualifiée par les économistes comme l’impôt des pauvres et à ce titre, elle peut conduire à une détérioration du pouvoir d’achat et ainsi poser un problème de climat social et dont la réponse ne peut être que l’intervention de l’Etat par le budget et la création monétaire, ce qui aggrave encore l’endettement. C’est ce qu’on appelle la spirale inflationniste et son corolaire, craint par tout le monde, la Stagflation. La situation est certainement moins grave lorsqu’il s’agit d’un endettement interne (en monnaie locale) comparé à un endettement externe (fluctuations des taux de change des monnaies d’emprunts). L’Algérie est dans la situation d’un endettement interne et qui présente un moindre risque pour conduire des réformes budgétaires et monétaires soutenables. Mais une croissance forte et durable est la clé pour assurer une pérennité à notre système social re-distributif et solidaire. 

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