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Par Anouar El Andaloussi : d’une année à l’autre, les vulnérabilités persistent.

L’année 2024 sera une année charnière pour les réformes économiques tant le contexte économique national et international exige de mettre l’économie national sur les rails de la croissance hors hydrocarbures. La conjoncture internationale est dominée par un contexte très conflictuel et une géopolitique en mutation. L’année 2023 a été la première année de retour à la situation d’avant Covid (2019). Mettre le cap sur les réformes économiques devrait être le mot d’ordre à tous les niveaux du système de décision. Les réformes ont un coût (à court terme) mais aussi et surtout un bénéfice (à moyen et long terme). C’est cet arbitrage temporel qui doit être pris en charge au plan politique et communicationnel. Beaucoup de réformes ont été lancées, mais elles n’ont pas atteint un niveau de maturité et un stade d’irréversibilité.  C’est pourquoi, il faut les consolider et les amarrer aux grandes questions de développement.

Au plan économique, les conditions à minima sont réunies pour soutenir les réformes en cours et en engager d’autres de consolidations. Le positionnement sur les chaines de valeur mondiales doit se préparer maintenant. Les nouveaux acteurs de l’économie mondiale (Inde, Afrique, Philippines, Vietnam, Malaisie, Indonésie,…, Europe de l’Est, Amérique latine….) sont aussi performants que les anciens acteurs et en plus bénéficiant de l’avantage d’une population jeune, souvent de matières premières et de grands partenaires mondiaux. L’Algérie a tous les atouts pour réussir un saut qualitatif de son économie. Cependant, les atouts de l’Algérie se présentent encore sous la forme de « Rente » : Une position géographique privilégiée, face à l’Europe vieillissante ; du gaz à volonté ; du soleil à profusion ; une jeunesse dynamique et ambitieuse qui ne cherche que la perspective d’un horizon d’espoir et de réalisation de soi.

La situation économique est acceptable, mais demeure caractérisée par des vulnérabilités structurelles liées à la forte concentration de notre économie sur les hydrocarbures.

  • « Au premier semestre de l’année 2023, la position extérieure de l’Algérie enregistrait un solde positif de 6,1 milliards US$ contre 5.1 au 1er semestre 2022 et 45,3 milliards à US$ à fin 2021, les réserves de changes se sont élevées à fin décembre 2022 à 60.39 milliards US$, à 68.03 à fin juin 2023, soit 13.4 mois d’importation.  Elles pourraient atteindre, à fin 2023, 85 milliards de dollars. »

Bien qu’enregistrant une baisse de 42%, le solde de la balance commerciale reste positif. L’année 2023 s’est clôturée avec un prix moyen du Baril de 82.5 US$, ce qui laisse présager d’un excédent commercial, certes moins important que celui de 2022 mais confortable.  Le solde de la balance commerciale hors hydrocarbures est cependant structurellement déficitaire. Il est financé par le solde structurellement excédentaire des hydrocarbures.

  • La circulation monétaire/fiduciaire hors banques a progressé de 7% entre le 1er semestre 2022 et le même semestre 2023 contre 4% pour la masse monétaire. Elle représente encore près de 50% de la masse monétaire.  La présence d’une économie informelle importante est attestée par cette masse.  Par ailleurs, la faiblesse des moyens de paiements impose aux ménages de détenir des encaisses pour les transactions quotidiennes. Cette masse représente un véritable défi de l’inclusion financière dans tous ses aspects. L’économie informelle est réellement un fléau. Non seulement elle n’obéit à aucune régulation ni à aucune contribution à l’effort en matière fiscale, mais elle neutralise l’action de l’Etat et réduit le pouvoir des instruments de régulation (subventions, taux de change, taux d’intérêt, incitations fiscales et autres règlementations).
  • « D’habitude, les crédits à l’économie représentent la part la plus importante du crédit intérieur. Cette tendance s’inverse à partir de 2021 et elle devient le fait essentiel des crédits à l’Etat dont la part s’est élevée à 55.1%.  A fin 2023 la part des crédits à l’Etat reste nettement supérieure à celle de l’économie ». Au plan purement économique, cette situation pourrait être qualifiée d’anomalie. Avec la mise en place des nouvelles législations sur l’investissement, la demande de crédit à l’économie devrait augmenter de manière significative.
  • La loi de finances (2023) prévoyait des recettes totales de + 7.000 milliards de dinars et des dépenses de 13.000 milliards de Dinars dont + de 9.000 milliards DA pour le fonctionnement et 4.000 milliards DA pour les dépenses d’équipement.  Comparativement à 2022, les dépenses de fonctionnement devraient augmenter de 26.9% contre 2.7% pour l’équipement. Cette tendance est encore observable dans le budget pour 2024. La faible croissance du budget d’équipement ne doit pas être maintenue sur longue période. C’est la dépense d’équipement qui irrigue le territoire en facteurs de production, en rééquilibrage territoriale et in fine en attractivité.  C’est aussi la dépense d’équipement qui stimule l’activité des PME, crée de l’emploi et donne une vie aux villages et compagnes.

Au final, les vulnérabilités de l’économie nationale sont entretenues par le régime de croissance qui n’arrive pas à se défaire de la dépendance aux hydrocarbures et aux archaïsmes de l’administration et du système financier. Les réformes économiques doivent être accompagnées par des reformes de l’administration et du système financier global, dans ses deux dimensions : les finances publiques et le système bancaire. L’ouverture du capital du CPA peut donner une vie au marché boursier, mais elle reste insuffisante pour faire sortir le système de sa segmentation entre banques privées et banques publiques, avec un partage du marché sans concurrence et son besoin de modernisation.

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