Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et trois ministres à la barre
Le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a entamé, mercredi, le procès d’anciens responsables et d’hommes d’affaires accusés dans des affaires de corruption.
Ces responsables, dont les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ainsi que d’anciens ministres et hommes d’affaires, sont poursuivis pour “dilapidation de deniers publics, abus de fonction et octroi d’indus avantages à autrui”, notamment dans l’affaire relative au montage de véhicules.
Ce procès, prévu initialement lundi dernier, a été reporté, vu que “les conditions nécessaires au procès n’étaient pas réunies”, selon le collectif de défense des prévenus.
Seuls les avocats sont autorisés à accéder dans l’enceinte du tribunal. Les citoyens, venus nombreux, certains de wilayas éloignées, se sont tassés dès les premières heures de la matinée devant l’une des portes d’entrée du tribunal, sous les arcades de la rue Abane-Ramdane. Les policiers, présents en force, gardent l’accès infranchissable.
Même pour les journalistes, venus eux aussi en nombre, ayant cru à la promesse d’un procès public et ouvert à tous faite en début de semaine par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. Cartes de presse en main, ils ont poireauté pendant près de deux heures devant une autre entrée, jouant des coudes et suppliant les policiers qui n’ont rien voulu savoir. « Nous avons reçu des ordres. Vous devez attendre », répète sans cesse un agent.
Peu avant onze heures, on les laisse entrer, mais une autre désagréable surprise les attend dans l’immense hall du rez-de-chaussée : l’escalier menant au premier étage, où se trouve la salle d’audience, est bloqué par des policiers qui ont reçu les mêmes instructions de ne laisser personne monter.
Les journalistes vont assister au procès, mais à partir d’une autre salle où est installé un écran de visioconférence. L’image est approximative et le son inaudible. On reconnaît à peine la silhouette d’Ahmed Ouyahia, debout, répondant aux questions du juge avec une certaine assurance. On ne saisit pas tout de ce qui se dit mais on comprend que certains avocats se sont retirés.
A l’ouverture de cette audience publique, le juge a indiqué que “trois dossiers ont fusionné en un”, tandis que le collectif de défense a estimé que “l’élément matériel pour le déroulement du procès n’est pas établi”.
Le juge du tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a procédé, ensuite, à l’interrogatoire des accusés.
Le premier à être passé à la barre est l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Une série de questions, lui ont été posées, relatives, notamment aux raisons et motifs du choix de certains opérateurs, en particulier dans l’affaire du montage de véhicules.
Au début, Ouyahia a demandé l’application de l’article 177 de la Constitution, stipulant “l’institution d’une haute Cour de l’Etat pour connaître des actes pouvant être qualifiés de haute trahison du président de la République, des crimes et délits du Premier ministre, commis dans l’exercice de leur fonction”, une demande qui a été rejetée par le procureur de la République.
Interrogé par le juge sur les faits qui lui sont reprochés, M. Ouyahia qui a nié “avoir recouru au népotisme” dans le dossier du montage de véhicules, “ni violé la loi”, a affirmé que “les avantages ont été octroyés conformément à la loi”, rejetant ainsi la charge “d’abus de fonction”.
Après avoir nié “l’octroi d’avantages à aucun opérateur”, le prévenu a dit que “les avantages ont été octroyés, dans le cadre de l’affaire du montage des véhicules, conformément à loi relative à la promotion de l’investissement”, affirmant “avoir appliqué la politique du Gouvernement en matière de promotion de l’investissement et de création de postes d’emploi”.
Après avoir interrogé Ahmed Ouyahia, le juge a procédé à l’interrogatoire de l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal qui a fait prévaloir sa défense laquelle s’est retirée de l’audience, arguant “l’absence des conditions nécessaires au procès”. Les questions du juge ont porté sur l’octroi d’indus avantages à des opérateurs dans le domaine de montage automobile, notamment à l’homme d’affaire Ahmed Mazouz, et sur le financement de la campagne électorale de l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika. En réponse à ces questions, Abdelmalek Sellal a nié “en bloc” les charges qui lui sont reprochées, expliquant que son rôle en tant que Premier ministre se limitait à la coordination entre les représentants du Gouvernement sur lesquels il “n’avait aucune autorité”, et c’est le cas, a-t-il dit “pour la gestion du ministère de l’Industrie à l’époque du ministre en fuite, Abdeslam Bouchouareb”. Il a ajouté, à ce propos, avoir demandé à Bouchouareb de revoir le cahier de charges, qu’il a élaboré sans le consulter. Quant à l’octroi d’indus avantages pour le projet d’investissement de l’homme d’affaires Mazouz Ahmed et l’implication de son fils, Sellal a indiqué n’avoir pas étudié ce dossier, affirmant “avoir acquis tous les biens immobiliers lui appartenant avec ses propres fonds”. Pour ce qui est du financement de la campagne électorale et de l’ouverture de deux comptes bancaires en son nom, Sellal a expliqué que “c’est le candidat qui désigne le chargé de l’aspect financier de la campagne”, niant “avoir eu connaissance d’un quelconque transfert de fonds relatif à la campagne, dont il ignorait l’origine”. Se sont ensuite succédé à la barre les anciens ministres, Abdelghani Zaalane, Youcef Yousfi, Mahjoub Beda, l’ancienne wali Zerhouni Nouria. A l’heure où nous mettons sous presse, les auditions se poursuivent. Ce qui donne à penser que le tribunal veut boucler l’affaire le plus tôt possible.
R.N/APS