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Bonne gouvernance : entre discours et réalité

La bonne gouvernance est un concept qui est servi à l’opinion depuis des années comme remède à tous les maux. Durant la campagne électorale actuelle, ce leitmotiv revient souvent comme l’expression d’une pensée magique. Qu’en est-il dans la réalité ?

Latifa, une jeune cadre âgée d’environ 25 ans, raconte, avec une expression où se mêlent le dégoût et l’ahurissement, une mésaventure qui lui est arrivée en rentrant chez elle par rail dans sa banlieue de l’Ouest d’Alger.

«Le train devait venir à 15 heures. Il est finalement entré en gare à 17 heures. Nous sommes restés à l’intérieur du wagon bondé, en suffoquant de chaleur pendant près d’une heure».

Une autre banlieusarde rapporte un fait plus tragique qui a eu lieu avant-hier : une altercation entre des voyageurs qui s’est achevée par des coups et blessures graves. Le même jour, à Mouzaïa, un contrôleur a été violemment agressé par un groupe de fraudeurs. L’incident a provoqué une forte émotion chez les cheminots qui s’est traduite par des perturbations dans le réseau ferroviaire et des retards. La SNTF à même publié un communiqué pour dénoncer l’acte et préciser que les membres de son personnel ont déclenché un mouvement de protestation en solidarité «avec leur collègue, victime de cet acte inadmissible ». L’homme, poursuit le communiqué, «a été sévèrement blessé et évacué vers l’hôpital».

La situation que vit le chemin de fer en Algérie est-elle due uniquement à l’incivisme de sa clientèle ou renseigne-t-elle aussi sur la gestion de l’entreprise et son image auprès du public ? Bien que ce type de transports ait connu un certain bond en avant, les retards, l’accueil, l’hygiène à l’intérieur des voitures demeurent en deçà des normes internationales.

Pour prendre un exemple extrême, même si comparaison n’est pas raison, le 16 mai dernier, une enquête a été ouverte au Japon après qu’un train à grande vitesse est arrivé avec une minute de retard en gare de Mishima. Cette anomalie a été causée par l’absence pendant trois minutes du conducteur qui était allé aux toilettes en raison d’un besoin urgent. Son remplaçant, un chef de bord, non habilité à prendre les commandes a été l’auteur de cet incident qui est « le premier du genre » au pays du Soleil levant. La compagnie a dû s’expliquer devant le ministère des Terres, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme. «C’était un acte extrêmement inapproprié » a indiqué Masahiro Hayatsu, un haut fonctionnaire de l’entreprise, avant de présenter ses excuses.

Un responsable du ministère des Transports a également déclaré qu’il était «regrettable que les règles du gouvernement n’aient pas été pleinement respectées» et que «la sécurité des passagers est la priorité ».

Le Japon ne se trouve pas sur une exoplanète et ses habitants ne sont pas des extraterrestres. Ils suivent seulement des règles de bonne gouvernance et mettent l’intérêt général au-dessus de toute considération.

C’est pourquoi, ils placent à la tête de leurs entreprises et institutions les éléments plus compétents puis les soumettent à une pression permanente pour qu’ils gardent un haut degré de performance. Voilà la raison qui préside à la qualité irréprochable des biens et services produits dans des pays comme l’Allemagne et le Japon.

Je-m’en-foutisme et déliquescence

En Algérie, les conditions de la bonne gouvernance et du maintien dans le temps des bonnes pratiques de gestion ne sont pas encore réunies. Au contraire, c’est le je-m’en-foutisme et la déliquescence qui gagnent du terrain.

Exemple, cela fait plus d’un an que le métro d’Alger est à l’arrêt sans que la société qui le gère ne donne des explications aux usagers. L’alibi sanitaire ne tient plus puisque tous les autres moyens de transport fonctionnent, y compris les trains et les tramways qui sont d’ailleurs souvent bondés aux heures de pointe. Et, malgré les annonces répétitives stipulant le respect des gestes barrière diffusés à longueur de journée dans les cabines, les passagers sont collés les uns aux autres et ne portent pour la plupart pas de masque.

Le métro où il est facile de contrôler le flux des voyageurs demeure inexplicablement fermé. Les rumeurs vont bon train mais celle qui est la plus communément admise prétend que les ingénieurs algériens sont incapables de remettre la machine en marche depuis que leurs homologues français ont quitté les lieux.

A La Nation, nous avons tenté, il y a de cela quelques semaines, de connaître les véritables motifs de cette paralysie mais les responsables de l’entreprise étaient aux abonnés absents.

Par ailleurs, la vox populi considère que les coupures fréquentes d’eau dans la grande région de la capitale relèvent aussi de l’incompétence. Selon ce son de cloche, les cadres algériens de Seeal n’ont pu prendre efficacement la relève des ingénieurs de la française Suez partis pour fin de contrat ou de litige commercial.

En fait, pour s’inscrire en faux contre ces allégations, la compétence technique est aisée à maîtriser mais l’effort intellectuel pour organiser le travail l’est moins. Il s’agit d’une culture qui s’acquiert dès les premières années de la vie, notamment à l’école. Or, le système éducatif algérien ne stimule pas cette faculté chez les élèves. Il réfrène plutôt l’esprit d’initiative, d’entreprise et de pensée critique au profit d’un apprentissage scolastique.

L’autre facteur qui pourrait expliquer la médiocrité des services réside dans la vision qu’ont les préposés des institutions et des entreprises publiques de leurs usagers. En dépit de slogans tels que «l’administration est au service du citoyen», «l’amélioration des prestations», et toute la littérature de ce genre, le citoyen est déconsidéré. Les guichetiers et les agents sont souvent recrutés sur d’autres bases que leur capacité de veiller au bien public. Beaucoup d’entre eux décrochent leur poste par népotisme et se sentent au-dessus des contribuables qu’ils sont censés servir. L’absence d’un système de sanctions pour punir les contrevenants encourage ce genre d’attitude qui, tant qu’elles perdurent, ne permettront jamais l’instauration d’une bonne gouvernance.

Mohamed Badaoui 

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