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Brahim Guendouzi (professeur en économie) : «les mesures incitatives du PLF 2024 renforcent l’acte d’investir»

En plus d’une dotation budgétaire colossale jamais connu par le pays depuis l’indépendance, le projet de loi de finances 2024 contient toute une batterie de mesures pour faire face à la spirale inflationniste que connait le pays ces dernières années et venir en aide aux couches défavorisées. D’autres mesures sont prévues en faveur des opérateurs économiques avec pour but d’encourager l’acte d’investir.  Dans cet entretien, le professeur en économie, Brahim Guendouzi, nous guide pour plus d’éclairage  

La Nation: Quelle lecture faites-vous du PLF 2024 ?

Brahim Guendouzi : Le PLF 2024 répond principalement à deux préoccupations touchant des agents économiques majeurs que sont les ménages et les entreprises.

Il s’agit pour le premier cas, de soutenir l’effort déjà fourni par l’Etat en vue de renforcer le pouvoir d’achat des citoyens, dont la dégradation s’est accélérée depuis l’apparition du processus inflationniste en 2021. Deux catégories de mesures sont prises à ce titre. Sur le plan des revenus, tout d’abord, une hausse des salaires des fonctionnaires est prévue, complétant celles qui ont eu lieu en 2022 et 2023, pour atteindre une augmentation globale de l’ordre de 47% sur les trois années. Ensuite, il y a la volonté de réduire les prix des produits de large consommation sur le marché national avec la suppression temporaire, jusqu’au 31 décembre 2024, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée aux légumineuses, aux viandes blanches et aux œufs. Il s’agit donc de plusieurs mesures en relation avec la consommation des ménages.

Dans le second cas, le fait qu’il n’y ait pas de nouvelles taxes plus la suppression de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP), décriée par les chefs d’entreprises car elle était assise sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le résultat, font qu’il y ait moins de pression fiscale sur les entreprises, particulièrement les PME, déjà malmenées par la spirale inflationniste. Aussi, l’incitation à l’investissement et la consolidation de la production nationale, figurent comme principales préoccupations à travers les énonciations contenues dans plusieurs articles. Toujours est-il, la marge de manœuvre existante en matière de recettes budgétaires, a rendu possible un ensemble de mesures prises dans le PLF 2024, lui imprimant son orientation plutôt conjoncturelle pour soutenir une croissance économique, caractérisée jusque-là de molle.

Le PLF 2024 a prévu une dotation budgétaire record de 15.275 milliards (Mds) de DA, un niveau jamais égalé depuis l’indépendance du pays. Quelles sont, selon vous, les motivations socio-économiques qui sous-tendent un tel budget ?

Plusieurs actions sont budgétisées pour l’année 2024. Les recrutements opérés dans certains secteurs comme l’éducation nationale, l’enseignement supérieur ou la santé, ainsi que les régularisations de nombreux travailleurs recrutés dans le cadre de ce qui est appelé auparavant le filet social. La plupart de ces recrutements sont dans la fonction publique. En second lieu, les augmentations de salaires et la revalorisation de certains, en font un poste de dépense important. Quoique l’on dise, le train de vie de l’administration reste encore élevé par rapport à des exigences en matière de rationalisation des dépenses publiques. Même si c’est constaté, n’empêche qu’aucune mesure concrète dans ce sens n’est prise. Enfin, le poids des transferts sociaux dans le budget de fonctionnement se fait ressentir d’année en année. La conjugaison de ces éléments, peut expliquer en partie, la dotation budgétaire constatée, même si, par ailleurs, il y a amélioration du niveau des recettes budgétaires, particulièrement grâce à la fiscalité pétrolière. Au demeurant, l’accumulation du déficit budgétaire et de la dette interne du Trésor, sont susceptibles d’alimenter le processus inflationniste, à moyen terme.

Beaucoup de mesures sociales sont prises dans le cadre de la PLF 2024. Pourront-elles, de votre point de vue, avoir impact réel sur le niveau de vie des Algériens, notamment les couches défavorisées dont le pouvoir d’achat s’est sérieusement érodé ?

Le maintien du système des subventions, directes et indirectes, contribue de fait à freiner la forte hausse des prix qui touche particulièrement les produits de large consommation. Les augmentations de salaires dans la fonction publique ainsi que les pensions des retraités, auxquels il faut ajouter l’allocation chômage distribuée à des milliers de jeunes, en font un véritable amortisseur vis-à-vis de la hausse généralisée des prix. Cependant, la faiblesse constatée dans la lutte contre le processus inflationniste, rend à maints égards insuffisantes les mesures prises en faveurs des couches sociales démunies et même des classes moyennes, qui font face à la dégradation du pouvoir d’achat, annihilant ainsi les efforts consentis en matière de valorisation des revenus fixes.

Un des objectifs du PLF 2024 est d’enrayer le cycle inflationniste que connait le pays ces dernières années.  Peut-on, selon vous, atteindre un tel objectif, sachant que, toutes les mesures prises jusqu’ici par le gouvernement, n’ont pas eu un grand impact sur le taux d’inflation qui se maintient toujours à un niveau élevé?

L’adoption d’une véritable politique économique visant à combattre efficacement l’inflation dès son enclenchement a fait défaut. Le rapport annuel 2022 de la Banque d’Algérie considère que la persistance de l’inflation « notamment d’origine importée, reste un défi majeur à court et moyen termes », avant qu’elle ne se transforme en spirale incontrôlable et dommageable pour la société toute entière. Au demeurant, l’économie nationale, de par sa spécificité reposant essentiellement sur les hydrocarbures, et compte tenu de la conjoncture internationale favorable aux pays pétroliers et gaziers, l’Algérie se retrouve avec des équilibres macroéconomiques appréciables lui permettant d’amortir le choc de l’inflation.

Les mesures prises en faveur de l’investissement et des entreprises dans le PLF 2024 ou la nouvelle loi sur l’investissement sont-elles suffisantes pour sortir le pays de sa dépendance quasi-totale aux hydrocarbures et permettre aux exportations algériennes hors-hydrocarbures d’atteindre le cap des 30 milliards de dollars à horizon 2029 comme annoncé par le ministre du Commerce?

La loi relative à l’investissement et celle récente consacrée au foncier économique, si elles venaient à être mise en œuvre dans des conditions optimales, sont susceptibles d’enclencher une dynamique de diversification et de densification du tissu économique national. Le renforcement de la production nationale demeure une condition pour sortir progressivement de la dépendance des hydrocarbures. Les mesures incitatives prises dans le cadre du PLF 2024 renforcent évidement l’acte d’investir. A ce titre, les constructions servant aux activités exercées par les promoteurs d’investissements, au titre des différents dispositifs, sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il en est de même pour les incitations à l’exportation puisqu’il y a la réouverture du compte d’affectation spéciale intitulé Fonds de soutien pour la promotion des exportations alimenté par 5% de la taxe intérieure de consommation (TIC). Les ressources prévues par ce fonds sont destinées à prendre en charge certains frais au profit des exportateurs. Toutefois, en l’absence d’un renforcement et d’une diversification de la production manufacturière, il est peu probable d’aller vers des montants élevés à l’export sur le moyen terme. D’où l’exigence de réussir la mise en œuvre de la nouvelle politique d’investissement, seule garante du processus de diversification de l’économie nationale.

Entretien réalisé par Arab Chih

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