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Mémoire : l’infranchissable obstacle

Soixante ans après les manifestations du 11 décembre 1960 qui ont constitué l’une des dernières étapes décisives sur le long chemin de l’indépendance nationale, la question mémorielle continue de rythmer les relations entre l’Algérie et la France.

La France fait tout pour solder, sans frais, son passif colonial et passe parfois à l’offensive dès qu’elle est mise au banc des accusés de l’histoire. Sans toutefois nier l’entièreté de sa responsabilité car réelle et documentée, elle minimise jusqu’à aujourd’hui les dégâts structurels que son occupation à infligé aux populations et aux terres qu’elle a dominées pendant des siècles.

Deux décennies plus tôt, elle affichait même une autosatisfaction de son œuvre civilisatrice dans les pays conquis. Son Parlement a failli adopter, le 23 février 2005, une loi stipulant dans son article 4, alinéa 2 : «Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit».

Pour rappel, dans le cas particulier de l’Algérie, après 132 ans de colonisation de peuplement, les Algériens qui subissaient alors le statut infamant d’indigènes étaient analphabètes à 90% et vivaient, dans la même proportion, l’extrême pauvreté. Durant cette longue nuit, des millions d’entre eux sont également morts par les armes, la répression, la torture, la faim et les maladies. Nombreux ont été aussi les dépossédés et les paysans expropriés transformés de force en métayers sur la terre de leurs aïeux.

Même les harkis qui ont choisi de collaborer avec l’ennemi contre leur propre pays ont vécu le calvaire une fois emmenés en France où ils ont été parqués, comme des animaux, dans des camps entourés de fils barbelés. Il leur a fallu attendre six décennies pour que l’Etat français, dans sa version Emmanuel Macron, leur exprime du bout des lèvres ce qui ressemble à des excuses.

Les nostalgiques de l’Algérie française dont les discours sont souvent relayés et amplifiés par des médias mainstream continuent jusqu’à maintenant d’assimiler le Front de libération national historique à un mouvement terroriste. Ils mettent son action en faveur de l’indépendance de l’Algérie sur un pied d’égalité avec celle de l’armée d’occupation ou encore avec les actes extrajudiciaires commis par les ultras du colonialisme, à l’instar de l’OAS.

Leur dernière trouvaille pour, en quelque sorte, punir cet esprit libertaire et souverain a fait l’actualité cette semaine seulement. A l’instigation de ces milieux qui ne démordent pas de retrouver «l’Algérie française», des voix s’élèvent, ça et là, pour dénoncer l’accord franco-algérien sur l’émigration signé en 1968.

Leur cause a même été entendue par le gouvernement. Il y a quelques jours, la Première ministre française, Elisabeth Borne, a annoncé qu’une renégociation de ce traité était «à l’ordre du jour». Ce texte confère, sur le papier uniquement, un statut favorable aux Algériens en matière de conditions de circulation, de séjour et d’emploi en France. Dans les faits, les citoyens algériens installés en France de manière légale ou clandestine ne bénéficient d’aucune faveur par rapport aux autres communautés, tandis que les visas sont délivrés au compte-gouttes aux Algériens qui désirent se rendre, pour tel ou tel motif, dans le même pays.

Cette atmosphère délétère, nourrie d’abord par la partie française, constitue le principal obstacle pour une amitié sincère, constructive, de part et d’autre de la Méditerranée.

Ali Younsi-Massi

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