“En Vrac” par Madjid Khelassi : Eau hisse                   

Certaines cités à Ain Bénian retrouvent l’eau dans leurs robinets après plus de 15 jours de… stérilité.
Ouf ! La régression au stade têtard est évitée de justesse.
Grand bien nous fasse, la SEAAL a décidé de payer tout le monde en liquide…régulier. Eau hisse !
Mais avant d’arriver à ce paradis perdu, que d’aventures ! Que d’histoires !
Dans les quartiers pop, hier seulement, se mouiller avait valeur d’immersion. Se laver restait un rêve.
Quand une giclée de pression traverse les tuyaux le matin, on se prend alors à rêver. Ah ! le bon vieux bain sacrifié sur l’autel des jerricans ! Le bain matinal d’antan, transformé en trempette dans un seau, tourne à la névrose.
A la Casbah, qu’une promise mouille ses «blighate» dans certaines fontaines (con) sacrées par la légende et elle aura toutes les chances d’enfanter.
Dilemme Kasbadji : on peut noyer son âme dans une fontaine sacrée et pas dans un jerrican grossier.
Dans l’Algérie de l’urbanisme siglé : AADL, LPP, LPA, l’humain vivant dans sa condition de plus en plus décadente ne semble rêver que de 2 choses : un toit et l’eau courante. Pour le toit, le choix n’est possible qu’entre le bina’ el-faoudhaoui et l’attente, dans un désespoir intact, de l’attribution d’un logement social.
Pour l’eau, à part quelques quartiers “Hydra-tés”, les Algériens sont à  peu près tous logés à la même conduite !
Et là, c’est la grande mare qui accentue les disparités et génère à chaque fois des révolutions de palais… asséchés. Et provoque la ruée sur des eaux de source redevenues minérales via une bouteille aguichante. En été, l’ampleur du degré Celsius est inégalement combattue. Dans les quartiers huppés, l’esprit se fait gosier et disserte à plein tuyau : les riches disent que l’eau du robinet fait rouiller la tuyauterie intestinale et qu’elle n’est bonne que pour accélérer le jaillissant d’un Jacuzzi.
Chez eux, l’eau reste égale à elle-même : dansante, ductile et dorlotante.
Chez les autres, elle est cahotante dans le roulis des tuyaux, stridente dans le diapason des chasses d’eau bredouilles et absente du souvenir des siphons. En sera-t-il de même dans l’eau…delà ?