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Carnet de voyage : Djanet m’a jeté un sort

Un tableau céleste aux couleurs chaudes. Une mystérieuse musique rythmée qui transperce l’âme. Une odeur réconfortante de bois brûlé. Un goût de viande grillée tendre et épicée. Et les caresses du sable fin qui s’écoule entre mes cinq doigts. Je vous emmène avec moi au cœur du majestueux Sahara algérien, à Djanet, la terre des transformations et des renaissances.
Je me réveille avant l’heure habituelle. Mon cœur bat vite. Adieu, le sommeil. L’air est humide. Il fait froid. Un matin d’hiver qui suit une nuit pluvieuse. N’empêche ! L’aventure commencera sous peu. Elle durera six jours et cinq nuits. Premier voyage en avion. Première visite au désert. Première découverte de l’année.
L’avion est légèrement en retard, puis c’est le décollage. J’abandonne mon stress sur un banc de l’aéroport Houari-Boumediene. Vue d’en haut, Alger paraît sublime. Tout ce qui me semblait grand devient à présent infinitésimal. Les maisons paraissent minuscules sous des nuages imposants jusqu’à la démesure.

Moins d’une heure de vol, et voilà les premières dunes de sable. À des kilomètres d’altitude, les montagnes ressemblent à de petits rochers. Le sable s’étend à l’horizon et aucun signe de vie humaine.

Nous marquons une escale à Tamanrasset avant d’arriver, quatre heures de notre départ, à l’aéroport Tiska de Djanet. Un courant d’air chaud frôle mon visage. Il fait doux et sec. La végétation a disparu, laissant place au sable et aux herbes sèches.

 Chèche et Tisseghnest

Surprise ! Le port du masque hygiénique n’est pas obligatoire. La Covid-19, elle aussi, a disparu. Les gens mènent une vie normale. Ce qui me manquait.
Exténuées, ma mère et moi rejoignons les quartiers où nous séjournerons durant les prochains jours. Bonne nuit de Djanet. Le silence est total.
Un peu plus tard, le soleil se lève. Une belle journée s’annonce. Je décide d’explorer les environs. A Ifri, une petite ville à neuf kilomètres du centre de Djanet, j’entre dans une supérette pour faire quelques emplettes.
En comparaison avec le Nord, la différence de prix est surprenante. Tout est plus cher ici et les produits sont moins disponibles comme en témoignent les étagères vides. Un marchand de légumes m’explique que le transport jusqu’à Djanet est coûteux. Je comprends. La majorité des usines et des centres de distribution se trouvent dans les grandes villes du Nord.

Je poursuis ma balade sous un soleil printanier. Je note d’abord les tenues. Les hommes se couvrent le visage et la tête d’un chèche, une étoffe de lin qu’ils n’enlèvent jamais à l’extérieur. Les femmes, elles, se drapent entièrement dans une tenue colorée : la Tisseghnest.

L’architecture attire également mon attention. Pas de bâtiments ni de villas, seulement des maisonnettes et des magasins qui se fondent dans un décor de roches et de sable.

Le lendemain, une fièvre acheteuse s’empare de moi. Comment résister ? Le marché est achalandé de tissus, de bijoux, et de créations en cuir ; tout est unique et authentique et souvent confectionné à la main, sous les yeux des clients. Le choix est difficile et les prix aléatoires. Parfois, ils diffèrent pour le même produit. En bonne négociatrice, ma mère arrive tout de même à faire de bonnes affaires. La gentillesse et l’hospitalité des habitants de Djanet lui facilitent la tâche et nous évitent des conflits.

Nos sacs remplis de souvenirs et de cadeaux, nous sortons du marché. Une boucherie, tiens ! Pourquoi ne pas essayer la viande de chameau ? Surtout que le marchand nous en offre une quantité. Le taxi qui nous ramène à Ifri, refuse lui d’être payé. Cet esprit accueillant me met à l’aise. Je me sens chez moi plus que dans mon quartier.

On s’habitue vite à la culture de Djanet et au va-et-vient entre le centre-ville et le marché. Il ne faut pas non plus rater l’occasion de prendre une photo indiquant les frontières de la Libye et du Niger.

Le grand moment que j’attendais arrive enfin. Dernière soirée à Djanet, mais première sortie dans le grand désert. Dix-sept heures s’affichent sur l’écran de mon téléphone quand un 4×4 se gare devant la porte. Ma mère qui, elle aussi, attendait cette aventure depuis notre arrivée me prend par la main, un grand sourire au visage. Elle m’entraîne avec elle à bord du véhicule ou nous retrouvons un groupe de médecins qui seront nos compagnons lors de ce voyage. Le conducteur, un Targui de grande taille, affiche un sourire chaleureux. Il nous met en confiance et nous promet une expérience inoubliable.

 La vache qui pleure

Nous nous éloignons de la ville. Les barres du réseau téléphonique disparaissent, l’une après l’autre, du téléphone. Le guide met la radio sur une fréquence qui diffuse de la musique saharienne. Émerveillée, un sourire se fige sur mon visage. Je contemple pour la première fois de ma vie ce paysage divin, en direct, sans l’intermédiaire d’un écran de télévision. Une œuvre d’art en taille réelle. Une histoire que la nature raconte par le biais de ses pierres, ses dunes et son soleil.

Premier arrêt : « La vache qui pleure”. Le nom m’intrigue, mais je ne tarde pas à en comprendre le sens. En descendant de la voiture, j’aperçois de grands rochers séparés de quelques mètres, ainsi que des herbes sèches parsemées, ici et là, sur le sol.

Je m’approche d’un bloc de granit entouré de pierres. Je distingue des gravures de vaches dont l’une verse une larme qui roule le long de son visage. Cette illustration représente, d’après l’explication du guide, la tristesse des troupeaux en temps de sécheresse.

Nous nous aventurons dans le sable jusqu’au sommet d’une dune de couleur ocre. Au milieu de cette mer de sable, je perds le sens de l’orientation. Je saute, cours et me laisse tomber sur le tapis moelleux qui a la consistance de la semoule. Bien que je sois de nature calme et peu active, je me transforme, par la magie du désert, en une personne spontanée et expansive.
Les minutes passent. Le ciel change graduellement de couleur, tandis que le soleil se met à décliner derrière les dunes lointaines. Des nuages rose et orange forment une sorte de barbe à papa géante en camaïeu dans un ciel indigo. Bleu. Rouge. Rose. Mauve. Orange. Aucun pinceau ne saurait reproduire cette merveille. Aucune photographie ne pourrait en fixer la splendeur. J’en frissonne. L’instant s’achève. Le silence règne. Les souvenirs se gravent. Les sourires se dessinent.

Nous quittons l’endroit pour un autre encore plus désert. Nous nous installons sur des matelas autour d’un feu de bois. Au-dessus des braises rougeoyantes, des brochettes de foie enveloppé dans une fine couche de graisse grillent. L’odeur me caresse les narines. Je ne résiste plus à l’envie d’en goûter. Et comme s’il lisait dans mes pensées, le cuisinier me tend un morceau. Divinement bon.

Nous discutons et rions. On me passe une guitare. Je me mets aussitôt à enchaîner les airs. Il fait déjà très noir, une obscurité dense. Aucune pollution lumineuse n’atténue le scintillement des étoiles dans le ciel. Il y en a des millions. Pas un seul nuage, ni bâtiment pour couvrir la majestueuse fresque. Des constellations par millions, petites, grandes, lointaines, brillantes, jonchent le firmament. L’univers dévoile sa gloire.

Le repas est prêt. De bonnes odeurs d’épices et de viande rôtie embaument l’air mais mon esprit est ailleurs, voguant dans l’infinité du ciel. Nous nous agenouillons autour d’une grande nappe remplie de délices.

Nos accompagnateurs Touaregs servent à chacun de nous un bol de soupe avec le feu pour unique source de lumière. Je suis surprise par le goût. Je fouille ma mémoire olfactive mais ne trouve rien de comparable à cause d’une épice inconnue de mes sens.

Nos hôtes allument des lampes et, contrairement à mes attentes, je découvre une soupe blanche dans mon bol. Sous mes yeux, s’étalent un festin multicolore de salades, de viande grillée parfumée aux épices locales et des dattes.

Après le dîner, nous sirotons un thé au parfum floral. Il nous réchauffe un peu et nous garde éveillés car la soirée vient tout juste de commencer.

Tamachek, une langue en voie d’extinction

Les membres du groupe prennent ensuite chacun un instrument et se mettent à nous faire découvrir leur culture en toute authenticité. La majorité des chansons sont en tamachek, une langue qui, selon eux, est en voie d’extinction. Elle rajoute cependant de la beauté aux mélodies mystérieuses qu’ils jouent à la guitare, à la mandoline et à la derbouka. Leurs visages affichent la fierté. Ils nous ont fait découvrir leurs terres et leur culture. Leurs histoires, et leur amour pour Djanet.

Ma mère et moi avons vécu une expérience extraordinaire comme on nous l’avait promis. Aucun mot ne pourra décrire notre amour pour cet endroit, aucune caméra ne saurait capturer la beauté de ses lieux enchanteurs, aucune vidéo ne pourrait résumer la magie de ces instants. Une des meilleures soirées de ma vie clôture un voyage des plus inoubliables.

Ainsi s’achève mon aventure ; une semaine de délices, de joie, de paix, de renaissance et de souvenirs inoubliables. Je reviens à Alger le cœur lourd et en partie enterré dans le sable fin, sous le ciel étoilé de cette ensorcelante terre qui m’a, à jamais, envoûtée.

Maria Belhamissi

Sous la supervision de Mohamed Badaoui

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