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L’intégralité de l’interview accordée par Abdelmadjid Tebboune au journal français “L’Opinion”

Dans une interview à l’Opinion, Abdelmadjid Tebboune assure que « l’Algérie est incontournable pour la France », et vice-versa. Il promet d’entraîner son pays « sur le chemin d’une démocratie responsable »
Abdelmadjid Tebboune : « La mémoire ne peut être estompée et nous ne pouvons pas en faire ce que nous voulons. »Abdelmadjid Tebboune : « La mémoire ne peut être estompée et nous ne pouvons pas en faire ce que nous voulons. »

Six mois après sa prise de fonction, Abdelmadjid Tebboune accorde un long entretien exclusif à l’Opinion. Le président algérien souhaite aller de l’avant avec son homologue français, particulièrement sur les questions mémorielles, après les querelles diplomatiques des derniers mois. Il compte aussi s’impliquer davantage dans les crises du voisinage, en Libye et au Mali. Il promeut enfin d’importantes réformes politiques et économiques au moment où la crise sanitaire et la baisse des cours des matières premières ont réduit les réserves de change du pays.

Abdelmadjid Tebboune est président de la République algérienne depuis le 19 décembre 2019. Il a été élu huit mois après la démission, sous la pression de la rue, d’Abdelaziz Bouteflika, dont il avait été brièvement Premier ministre en 2017.

Vous avez eu jeudi un entretien téléphonique avec le président Macron. Ensemble, vous avez décidé de poursuivre le travail commun sur les questions mémorielles. En quoi ce travail de réconciliation va-t-il consister ?

Nous avons évoqué cette question avec le président Macron. Il connaît bien les évènements qui ont marqué notre histoire commune. L’historien Benjamin Stora a été nommé pour accomplir ce travail mémoriel du côté français. Il est sincère et connaît l’Algérie et son histoire, de la période d’occupation jusqu’à aujourd’hui. Nous allons nommer son homologue algérien dans les 72 heures. Ces deux personnalités travailleront directement sous notre tutelle respective. Nous souhaitons qu’ils accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente. L’Algérie est incontournable pour la France, et la France l’est pour l’Algérie. Il faut affronter ces évènements douloureux pour repartir sur des relations profitables aux deux pays, notamment au niveau économique. La mémoire ne peut être estompée et nous ne pouvons pas en faire ce que nous voulons. La remise récente des restes mortuaires des combattants qui se sont opposés, il y a un siècle et demi, à l’installation de l’armée coloniale constitue un grand pas. D’autres crimes méritent d’être racontés, comme la prise de l’oasis de Zaatcha où les troupes françaises du général Emile Herbillon ont massacré les combattants du cheikh Bouziane. Le maréchal de Saint-Arnaud a aussi perpétré de nombreux massacres, qui ont fait plus de victimes qu’à Oradour-sur-Glane. Beaucoup d’historiens français traitent ces évènements historiques en toute honnêteté. Une fois ces problèmes de mémoires dépassées, nous pourrons avancer avec beaucoup de sérénité. Il existe une coopération humaine, scientifique et économique entre les deux pays. La France vient de perdre sa première place de pays fournisseur de l’Algérie mais ce n’est pas irréversible. Nous avons aussi une très forte communauté en France que nous voulons également servir et préserver.

En 2017, le candidat Macron avait parlé de la colonisation comme un crime contre l’humanité. Cette qualification justifie-t-elle, selon vous, des compensations ?

L’histoire algérienne ne peut être jugée par mimétisme par rapport à ce qui s’est fait ailleurs, notamment quand la Libye a demandé des excuses à l’Italie qui a ensuite payé une dette coloniale. Les Algériens tiennent beaucoup plus à la reconnaissance de l’Etat français de ses actes qu’à une compensation matérielle. La seule compensation envisageable est celle des essais nucléaires. Les séquelles sont encore vives pour certaines populations, notamment atteintes de malformations. Et certains sites n’ont toujours pas encore été traités.

«Emmanuel Macron appartient à une nouvelle génération. Au moment de l’indépendance, il n’était pas né et il n’a jamais été en accointance avec les lobbies anti-algériens»

Emmanuel Macron a aussi demandé pardon à la veuve de Maurice Audin…

Il y a aussi presque 20 millions de Français qui ont eu, de près ou de loin, une relation avec notre pays de par leur service militaire et ou l’histoire de leurs aïeux. Le président Mitterrand a donné l’ordre pour faire guillotiner le premier Algérien ; Jacques Chirac a fait son service militaire dans notre pays pendant la guerre ; François Hollande a fait son stage de l’ENA à l’ambassade de France à Alger… Emmanuel Macron appartient à une nouvelle génération. Au moment de l’indépendance, il n’était pas né et il n’a jamais été en accointance avec les lobbies anti-algériens. Il a reconnu que la colonisation est presque aussi dramatique que la Shoah. De 1832 à 1962, nous avons comptabilisé plus de 5,6 millions de martyrs.

Diriez-vous, comme Mao Zedong, que l’avenir est radieux mais le chemin tortueux ?

Il est plus que tortueux. Et le président Macron doit lutter contre le parasitage de lobbies minoritaires mais très dangereux qui essaient de saper son travail, notamment des personnes revanchardes connues pour leur anti-algérianité. Ils pensent toujours que l’Algérie a été bradée et n’a pas été libérée, que le général de Gaulle est un traître. Il existe aussi un conglomérat hétéroclite qui pense que l’Algérie ne doit pas émerger et être tenue sous haute surveillance, en la maintenant dans une certaine faiblesse pour l’empêcher d’influer sur son environnement. C’est contre nature. L’Algérie a toujours influencé les événements au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Personne ne peut arrêter le cours de l’histoire. L’Algérie est en train de se développer, de retrouver sa puissance diplomatique. Elle a l’obligation et le devoir de jouer ce rôle-là.

Le Front de libération nationale (FLN) a longtemps incarné un nationalisme tiers-mondiste et anti-impérialiste. Serez-vous le promoteur d’un nationalisme plus démocratique, comme l’incarnaient Ferhat Abbas et Messali Hadj ?

Mon marqueur est plutôt le patriotisme. J’ai grandi dans une famille patriotique. Mon père a vécu douze ans de résidence surveillée car il appartenait à l’organisation des oulémas algériens. Je n’ai pas de modèle précis. Nous sommes au XXIe siècle et non plus au XXe, plus idéologique. Je raisonne plus comme un Algérien lambda qui a vécu, dans sa jeunesse, les affres du colonialisme et les privations, qui aime et vénère son pays. Notre pays a souffert. Les Romains y sont restés des siècles. Les Espagnols sont ensuite venus, puis les Turcs au nom du califat, et enfin des Français. Nous sommes aujourd’hui libres et entendons le rester. L’Algérie ne se laissera plus caporaliser par quiconque.

«L’Algérie a souffert de la maladie de l’ex-président et surtout du gaspillage des gangs qui l’entouraient. Elle doit retrouver sa place et son influence naturelle»

La diplomatie algérienne a pâti de l’affaiblissement du président Bouteflika, particulièrement lors de son dernier mandat. Quelle place souhaitez-vous redonner à l’Algérie dans le concert des nations ?

L’Algérie a souffert de la maladie de l’ex-président et surtout du gaspillage des gangs qui l’entouraient. Elle doit retrouver sa place et son influence naturelle. Nous restons un leader tiers-mondiste, un des pays majeurs du mouvement des non-alignés. Nous souhaitons accentuer notre africanité et renforcer nos actions diplomatiques en Méditerranée, au sud du Sahara et dans le monde arabe. Une étude américaine en 1994 avait conclu qu’il y avait trois pays pivots sur le continent : l’Algérie, le Nigeria et l’Afrique du sud. Nous avons été une porte d’entrée pour la colonisation, nous avons été de tous les combats pour les indépendances, nous avons ouvert la voie – à tort ou à raison – au régime de parti unique puis au multipartisme. Nous n’avons pas de visées géopolitiques comme d’autres puissances étrangères. Nous prônons une culture pacifique, menons des médiations et cherchons à établir la paix entre belligérants. C’est notre vocation, même s’il y a eu un recul dans une période récente. Nous avons effacé récemment 1,4 milliard de dollars de dettes des pays africains, sans le claironner sur tous les toits.

«La Chine et la Russie sont nos alliés naturels»

Vos alliés naturels ne sont-ils pas davantage la Chine, sur le plan économique, et la Russie dans le domaine militaire ?

Ce sont effectivement nos alliés naturels. La Chine a reconnu le gouvernement provisoire de la République algérienne le 20 décembre 1958, ouvrant la voie à des relations diplomatiques sans discontinuer. Nous avons été un des pays qui a bataillé le plus pour que la Chine soit admise à l’ONU. La Russie nous a aussi aidés au début de l’indépendance et nous poursuivons aujourd’hui cette coopération. Mais ce n’est pas un choix dogmatique ou idéologique. Nous entretenons aussi une relation étroite avec les Américains et tous les pays impliqués dans la crise libyenne.

Regrettez-vous que les Etats-Unis n’aient plus le même intérêt pour le monde arabe ?

Les Etats-Unis étaient hypermondialistes. Ils sont devenus isolationnistes. Le président Donald Trump a été élu pour cela. Nous respectons son point de vue. Mais le système de gestion politique américain et sa projection dans l’avenir ne s’incarnent pas forcément dans les dirigeants du moment. Il est transpartisan. Les Etats-Unis restent une grande puissance, une voix à l’ONU. Ils ont une vision géostratégique globale, s’intéressent à l’Afrique et au monde arabe, même si ce n’est plus avec la même intensité. La politique étrangère est souvent le corollaire de la situation intérieure. Il ne faut pas oublier l’impact de la crise financière de 2008-2009 puis de cette nouvelle crise sanitaire et économique. Toutes les puissances ont revu à la baisse leurs ambitions.

Comment jugez-vous le comportement de la Turquie en Libye, autre sujet de la discussion avec le président Macron ?

La Libye nous a aidés pendant la guerre de libération en accueillant sur son sol des moudjahidin. Il est de notre devoir de lui porter secours. Cela peut déplaire aux pays qui agissent au nom de leurs intérêts économiques. Le jeu de gagne-terrain militaire n’est pas la solution. Nous travaillons sérieusement à la pacification de ce pays avec lequel nous partageons certaines communautés tribales. L’Algérie est prête à accueillir sur son sol des pourparlers sous l’égide des Nations-Unies. Nous avons reçu les représentants des deux pôles belligérants et les chefs des tribus puissantes. Les Libyens veulent la paix. Toutes les solutions mises en œuvre depuis 2011 ont échoué. Il faut travailler à une nouvelle feuille de route menant à des élections apaisées d’ici deux à trois ans, sous la supervision de l’ONU et d’un gouvernement de transition issu d’un consensus national.

N’avez-vous pas peur que l’avenir de la Libye, comme celui de la Syrie, se négocient entre Ankara et Moscou ?

Le rétablissement de la stabilité de notre voisin est un enjeu de sécurité nationale. Nous sommes preneurs de toutes les actions qui peuvent permettre d’obtenir un cessez-le-feu. Mais le cessez-le-feu n’est que le début de la solution. Les voisins algériens, tunisiens et égyptiens sont le plus à même d’aider le pays à retrouver le chemin de la paix.

«Nous n’avons aucun problème avec le Maroc et sommes concentrés sur le développement de notre pays. Nos frères marocains ne semblent pas être dans le même état d’esprit» ​

On perçoit de nouveaux signes de crispation entre l’Algérie et le Maroc avec les projets de construction de bases militaires aux frontières…

Il y a toujours eu une surenchère verbale et politique entre nos pays. Mais nos peuples sont frères et se ressemblent. Nous avons une longue histoire commune et sommes voisins. Nous sommes condamnés à vivre ensemble. En ce qui nous concerne, nous n’avons aucun problème avec le Maroc et sommes concentrés sur le développement de notre pays. Nos frères marocains ne semblent pas être dans le même état d’esprit. La construction de bases militaires à nos frontières est une forme d’escalade qui doit s’arrêter. Pour eux, la République arabe sahraouie est de trop sur l’échiquier international. C’est à eux d’engager le dialogue avec le Polisario. Si les Sahraouis acceptent leurs propositions, nous applaudirons. Nous avons toujours soutenu les mouvements indépendantistes comme celui du Timor Est. C’est presque dogmatique. Nous aidons les peuples à exprimer leurs revendications. Nous l’avons fait au Sud Soudan, à Sao-Tomé-et-Principe, pour l’ANC dans la lutte contre l’apartheid…

Le Mali connaît une nouvelle crise sociopolitique déclenchée, à l’origine, par les revendications de l’imam Dicko. Avez-vous peur de l’émergence d’un islam politique au Sahel ?

L’islam politique est présent depuis plus de trois décennies dans la région. Nous sommes bien placés pour en parler après en avoir subi les conséquences dans les années 1990. Nous craignons surtout la dislocation des Etats africains présentant des faiblesses structurelles de leur appareil économique et de défense et au demeurant pris dans des contradictions tribales. Le Mali est le seul pays du sud du Sahara où nous avons ouvert un front de libération durant la guerre d’Algérie. Nous entretenons depuis une relation très proche. Le président malien m’a dit que « l’Algérie est le prolongement du Mali ». Je lui réaffirme régulièrement la réciproque. Depuis 1962, nous n’arrêtons pas d’intervenir pour régler les conflits, notamment avec les communautés locales du nord, au prix même de l’enlèvement et de l’assassinat de certains de nos diplomates, des crimes qui ne resteront pas impunis. La déstabilisation totale du Mali aurait des incidences sur notre pays. Il faut aller plus loin dans la mise en œuvre des accords de paix d’Alger. Mais à leur conclusion, le phénomène terroriste n’était pas aussi répandu.

«La lutte contre le terrorisme est légitime. Mais les solutions militaires n’ont jamais été idoines et pérennes»

Remettez-vous en cause la lutte antiterroriste menée par les armées occidentales dont la force Barkhane ?

La lutte contre le terrorisme est légitime. Mais les solutions militaires n’ont jamais été idoines et pérennes. A l’origine, il y a eu un terreau favorable à l’installation du terrorisme couplé à des ingérences extérieures pernicieuses. Il y a aujourd’hui entre 20 000 à 25 000 terroristes actifs entre le Mali, le Burkina et le Niger. Il faut bien sûr régler cette question mais surtout trouver des solutions politiques qui garantissent l’intégrité territoriale du pays.

L’avant-projet de Constitution prévoit un article vous donnant la possibilité d’envoyer des soldats à l’étranger, ce qui ne s’est plus depuis la participation de l’armée aux guerres de 1967 et 1973 contre Israël. Est-ce un changement de doctrine ?

L’Algérie est un pays pacifiste mais nos troupes pourront s’engager dans des opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, notamment au Mali ou dans d’autres pays africains. Cependant, elles ne pourront pas sortir sans obtenir l’aval et le contrôle du Parlement. Nous avons déjà participé à des missions techniques onusiennes au Tchad ou encore de délimitation de frontières.

«Mon ambition est d’aboutir à une constitution consensuelle et pérenne qui encadre les pouvoirs du chef de l’Etat et ne permette plus de tripatouiller les textes afin de s’éterniser au pouvoir ou de servir les desseins des uns et des autres. L’Algérie est encore une démocratie en construction»

La Constitution devrait aussi consacrer la mise en place d’un système semi-présidentiel…

Dans l’esprit de nos compatriotes, chaque président algérien depuis Ahmed Ben Bella a imposé une nouvelle loi fondamentale pour augmenter le nombre de mandats ou répondre à des situations conjoncturelles. Mon ambition est d’aboutir à une Constitution consensuelle et pérenne qui encadre les pouvoirs du chef de l’Etat et ne permette plus de tripatouiller les textes afin de s’éterniser au pouvoir ou de servir les desseins des uns et des autres. Le 22 février 2019, 13 millions d’Algériens sont descendus dans la rue pour exiger le changement. La pose de cette première pierre est la Constitution qui mettra fin aux dérives passées en atténuant le rôle du président et en renforçant le contrôle du Parlement sur l’exécutif. Les libertés publiques seront aussi renforcées. Nous n’avons pas opté pour un système purement parlementaire. Celui-ci poserait des problèmes de gestion de la démocratie car cela nécessite une pratique sur des générations, voire des siècles. L’Algérie est encore une démocratie en construction. Nous sommes sur le chemin d’une démocratie responsable.

Allez-vous aussi revoir le Code électoral ?

La deuxième pierre posée sera la réforme du Code électoral. Les Algériens ne croyaient ni en la légitimité ni en la propreté des élections, en raison des déviances observées par le passé. La loi électorale chassera l’argent sale des scrutins et freinera le pouvoir des lobbies. Les partis et la société civile pourront donc s’affronter dans les urnes à armes égales. Mon ambition est d’injecter du sang neuf dans les instances locales et nationales. Les jeunes représentent 75 % de la population. Il n’y a pas de raison qu’ils n’occupent pas les trois quarts des postes électifs. Il est temps qu’ils accèdent aux sphères du pouvoir et décident de l’avenir de leur pays.

«Je ne compte pas m’éterniser au pouvoir»

Vous avez été élu sans l’aide du FLN et du RND, les deux grands partis du pays. Allez vous créer une grande formation de la majorité ?

Je suis opposé à un schéma classique et me suis engagé à ne pas créer de formation politique. Il me faut néanmoins un soubassement populaire pour pouvoir appliquer mon programme présidentiel. Je me suis porté candidat à la présidentielle au nom de la société civile et des jeunes. Et je suis en train de construire des institutions, si le peuple les accepte, où ces deux composantes seront majoritaires. Donc, je n’aurai pas besoin de parti et je ne compte pas, non plus, m’éterniser au pouvoir.

Ne ferez-vous qu’un seul mandat ?

En principe, j’ai été élu pour un seul mandat. D’ici la fin de ce mandat, j’espère obtenir une situation apaisée où les problèmes sociaux et économiques seront en partie réglés. C’est une transition qui ne dit pas son nom. Il faudrait d’autres conditions pour que je réfléchisse à une nouvelle candidature.

Accorderez-vous de nouvelles grâces aux prisonniers du « hirak », le mouvement populaire qui a obtenu le départ d’Abdelaziz Bouteflika ?

Ces gestes vont se poursuivre et visent à l’apaisement. L’opposition et la société civile sont indispensables. La raison elle-même peut déraisonner si elle n’a pas ses barrières. Mais l’opposition ne doit pas se faire dans l’insulte, l’invective et l’appel au soulèvement. Seul un Etat fort et juste peut asseoir la démocratie, le contraire amène l’anarchie et le chaos. J’ai soumis à l’Assemblée un texte de loi condamnant la haine de l’autre, le racisme, le régionalisme. Il a été voté et s’appliquera, tout comme le Code pénal. C’est la condition pour vivre ensemble dans la concorde et l’intérêt de tous. Beaucoup pensent que nous sommes entrés dans une phase de répression. C’est faux. En matière de liberté d’expression, nous sommes le seul pays de la région à avoir plus de 160 quotidiens dont certains sont très caustiques. Nous les soutenons à travers la publicité et le tirage de leurs journaux par des imprimeries d’Etat. Ils ne se privent pas de porter la contradiction politique.

«Une partie de la population a encore besoin de l’aide étatique pour se loger, se nourrir, se soigner. Cela implique de mieux gérer nos ressources et de générer des plus-values»

Dans quelle situation économique avez-vous trouvé l’Algérie ?

La situation est difficile. Pendant des années, nos ressources ont été bradées et détournées. Puis nous avons vécu une période d’instabilité et nous devons aujourd’hui faire face à une double crise sanitaire et économique alors que notre pays ne peut se départir de sa fonction sociale. Une partie de la population a encore besoin de l’aide étatique pour se loger, se nourrir, se soigner. Cela implique de mieux gérer nos ressources et de générer des plus-values.

Pourquoi avoir récemment procédé à un remaniement ministériel ?

Le rajeunissement du gouvernement figurait parmi mes promesses de campagne. Les jeunes ministres sont au travail et donnent satisfaction. Pour certains secteurs vitaux comme les hydrocarbures, les mines et l’agriculture, il fallait davantage d’expérience. L’objectif est de valoriser toutes ces ressources alors que nous avons perdu 60 % de nos revenus pétroliers. Les réserves de change sont estimées à 58 milliards de dollars, sans oublier les apports annuels des hydrocarbures estimés cette année à 27 milliards de dollars, ce qui nous permet d’accomplir les réformes sereinement. Nous avons combattu la grande corruption. La surfacturation nous coûtait des dizaines de milliards par an. Et nous avons réduit le train de vie de l’Etat et de ses entreprises publiques. Ces économies devraient représenter 20 à 21 milliards de dollars à la fin de l’année. Enfin, nous lançons de nouvelles productions comme l’exploitation du gisement de fer de Ghara Djbilat dans la wilaya de Tindouf et de zinc à Oued Amizour dans la wilaya de Bejaia, auxquels s’ajoutent d’autres gisements à l’étude. Cela nous permettra de réduire nos importations d’acier et d’autres produits dérivés mais aussi d’exporter de la matière première.

«Plus de 450 entreprises françaises opèrent dans le pays. Elles sont appelées à jouer leur rôle dans la nouvelle Algérie»

Souhaitez-vous promouvoir le « made in Algeria » ?

Nous souhaitons substituer autant que possible les importations par de la production locale afin de créer des plus-values, y compris dans le domaine des hydrocarbures. Nous voulons réaliser plus de valeur ajoutée dans la chaîne automobile, l’agriculture et l’agroalimentaire, l’industrie lourde. Dans la loi de finances complémentaire de 2020, nous avons autorisé l’importation d’usines de moins de cinq ans. Beaucoup d’unités de production sont en train de mettre la clé sous la porte en Europe. Elles peuvent avoir une seconde vie en Algérie. Notre objectif est de fabriquer des produits finis. L’abrogation du 51-49 (obligation d’une majorité algérienne dans le capital des entreprises) nous permet d’attirer de nouveaux investissements. Nous étudierons, si nécessaire, l’ouverture du capital de certaines entreprises publiques. Nous relançons aussi le port d’el-Hamdania, en banlieue d’Alger, en partenariat avec la Chine. Ce port permettra de ravitailler le pays et les pays enclavés d’Afrique. Nous prolongerons aussi notre chemin fer vers le Mali et le Niger pour offrir une voie alternative au transport par la route, via la trans-saharienne. Nous souhaitons développer la filière sidérurgie à travers la production de rails. La relance l’économie nous permettra d’accomplir les réformes politiques et démocratiques.

Comptez-vous sur les entreprises françaises ?

Plus de 450 entreprises françaises opèrent dans le pays et se fondent même dans le paysage algérien. Elles sont appelées à jouer leur rôle dans la nouvelle Algérie. Pour rassurer les investisseurs, nous allons interdire toute réglementation d’une durée de vie de moins de dix ans car l’instabilité des réglementations a nui à l’essor des activités.

In : Journal l’Opinion

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un commentaire

  1. زرقينوح الخير

    اتمنا لك اشفاء العاجل والعودة الى ارض الوطن ومواصلةالجهد الذي
    واللعي اننا ننتضر بحق الرحمان ان تشفى من مرضك تقوم به من
    وذ اتجاه الوطن والموطنين واتكتمل رحة كل مواطن والله ارى فيكخلافة نبوية

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