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Les enjeux d’aujourd’hui, les crises de demain.

Par Anouar El Andaloussi

Les enjeux sécuritaires reviennent en force avec la crise sanitaire et la crise ukrainienne. Mais attention, il s’agit de nouveaux types de sécurité. La sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, la sécurité hydrique, la sécurité numérique entre autres. Les pays se retournent vers leurs territoires, leurs ressources naturelles, leurs potentiels technologiques, etc… La mondialisation s’essouffle, les marchés mondiaux s’emballent, le système de Bretton-Woods n’est plus crédible. Le retour des nationalismes en économie se renforcent. Les IdEs sont en chute dans plusieurs secteurs. La méfiance s’installe, ce qui n’est pas de nature à donner de la confiance aux investisseurs. La faillite de 3 banques américaines et d’une banque suisse en est un signal fort, malgré les explications données par les banques centrales et les responsables politiques de ces pays.

Premier enjeux planétaire, l’alimentation préoccupe tous les pays, riches ou pauvres. En effet, « comment nourrir plus d’êtres humains » est loin d’être une préoccupation récente, mais ce n’est qu’au 20e siècle que la question est traitée dans une perspective internationale plutôt que local. La révolution verte mise en place dans les années 60 disait vouloir y répondre par une intensification de l’agriculture, particulièrement dans des pays densément peuplés ; maximisation de la production de variétés de céréales à haut rendement, mécanisation des procédés, utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse… Le milieu agricole s’est vu poussé vers l’adoption de nouvelles pratiques, soutenues par de nombreuses politiques publiques. Cette nouvelle productivité s’est accompagnée d’une augmentation des échanges commerciaux : les aliments servent de moins en moins à nourrir les populations qui les produisent et sont plutôt destinés à l’exportation. Nous avons assisté à l’émergence d’un système alimentaire mondialisé. Avant même d’atteindre les objectifs attendus de cette mondialisation (nourrir toute la population mondiale à des coûts/prix raisonnables), on songe déjà à retourner vers la recherche de l’autosuffisance alimentaire dans un pays ou dans une région donnée.

Le concept d’autonomie alimentaire est parfois confondu avec l’autosuffisance alimentaire. Ce dernier terme désigne «la capacité d’un pays à satisfaire les besoins alimentaires de la totalité de sa population à partir de sa propre production». L’autosuffisance alimentaire ne peut être réaliste dans aucun pays.  Alors le besoin d’échanger avec les autres est toujours présent. Sauf, que l’équation devient plus complexe, car la population augmente et les conditions d’augmentation de la production se durcissent (eau, sécheresse, érosion des sols, changement climatiques, inondations,…). Chacun cherchera à trouver l’équilibre de son alimentation au niveau national ou dans la proximité immédiate.  Des déséquilibres régionaux vont apparaitre, particulièrement pour certains produits considérés comme stratégiques en raison de leurs volumes de consommation (céréales et blés en particulier).

Deuxième enjeu planétaire aussi, la question de l’eau est réellement préoccupante, en raison des usages multiples pour lesquels elle est destinée (consommation directe, agriculture, élevage, industrie, énergie, foresterie, …). Source de croissance économique, d’écosystèmes florissants et de vie, l’eau est cruciale pour la bonne santé des populations et de la planète. Pourtant, plus de 2,3 milliards de personnes sont privées d’eau potable. La crise mondiale de l’eau menace aujourd’hui le développement. Le coût économique mondial de l’insécurité hydrique est estimé à près de 500 milliards de dollars par an (estimation de la Banque Mondiale). L’aggravation des sécheresses et des inondations due au changement climatique et à l’explosion démographique ne fait qu’exacerber le problème. Mercredi dernier, c’était la Journée mondiale de l’eau, l’occasion pour certains de se rappeler qu’ils ont de la chance d’avoir de l’eau courante. En Algérie, les ressources en eau sont destinées à plus de 65% à l’agriculture, ce qui montre l’importance du défi à relever pour soutenir la sécurité alimentaire.

Les châteaux d’eau de l’Afrique (le Fouta-Djalon en guinée alimente les fleuves de l’Afrique de l’Ouest, Sénégal, Gambie, Koliba…) distribuent de l’eau à des millions d’habitants ; on constate déjà leur limite. Dans la région des lacs et dans le plateau éthiopien, les guerres et la surexploitation menacent les équilibres entre les besoins de pays dits sources et les pays dits de passage. L’Egypte est menacée par la mise en exploitation du barrage hydroélectrique éthiopien « la Renaissance ». Au Maghreb, région fortement affectée par le stress hydrique, la situation est réellement préoccupante. La Guerre de l’eau a commencé dans plusieurs régions du monde (Afrique de l’Est, Sahel, Asie, Moyen Orient…).

Les menaces qui pèsent sur notre système alimentaire et celui de l’Eau nous invitent à réfléchir.

La création (mars 2023) d’une Agence Nationale de Dessalement d’Eau de mer, augure-t-elle d’une prise en charge du problème. Cette dernière doit être dotée en ressources financières, technologiques et humaines conséquentes pour devenir l’instrument pivot de la politique de l’eau en Algérie. Aujourd’hui, le problème dépasse largement les compétences et les capacités d’une Agence.

Face à ces enjeux, il ne s’agit pas uniquement de programmer des actions, aussi pertinente soient elles, mais il s’agit surtout de DÉFINIR UNE VISION COLLECTIVE, GLOBALE, TRANSVERSALE et A LONG TERME.

Quelques extraits d’un rapport (2023) de l’université de Montréal, qui résume bien la démarche qu’il faut suivre : « Défi alimentaire, Comment accélérer ensemble la transition socio-écologique du système alimentaire d’ici 2040 ? ».

Une approche prospective, qui permet d’explorer une diversité de futurs possibles en dehors des dynamiques actuelles, semble tout indiquée pour relever ce défi. « Cette approche permet de se détacher momentanément du présent et d’anticiper l’avenir, dans le but de se doter d’une vision pour le futur ». Face à des bouleversements écologiques sans précédent, à une prise de conscience des injustices sociales et à l’anxiété que cela génère, un tel exercice se révèle essentiel, car il nous donne la permission de rêver à un avenir meilleur et de mobiliser nos forces pour agir collectivement et dans la même direction. « La définition d’une vision facilite le passage à l’action, car elle implique de parvenir à une destination commune tout en respectant un objectif de temps. Dans le cadre de notre méthode, la vision établit des principes clés permettant d’identifier une direction sur un horizon de 20 ans, sans être trop précise ni impérative, afin de rester à l’échelle d’un système et d’éviter de devenir obsolète. L’avenir étant par nature incertain, il est essentiel de garder une marge de manœuvre pour s’ajuster en chemin, tout en gardant le cap. C’est pourquoi développer une vision collective du futur est si pertinente : pour éviter une addition sans réelles cohérence et perspective à long terme de solutions réfléchies en silo. Une destination choisie ensemble, ce n’est plus un simple point d’arrivée, c’est un point de rendez-vous. »

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