Moins d’un million d’Algériens ont été vaccinés contre le virus. Les spécialistes s’alarment et les autorités demeurent avares d’informations sur la lenteur de l’opération.
Depuis le début de cette année, on juge le degré de puissance et de développement des Etats par leur capacité de vacciner leur population. Ce classement s’affine encore plus lorsqu’on lui ajoute la compétence de produire localement le traitement.
La Russie, la Chine, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ont tout de suite montré les muscles. Ces nations qui dominent le monde dans d’autres secteurs sont les premières à fabriquer le sérum anti-Covid.
La Chine est devenue rapidement le premier producteur de vaccins avec une part équivalente au tiers de l’offre mondiale. Elle se classe juste devant les Etats-Unis (25 % du total). L’Algérie, pour sa part, réalise le palmarès des pays qui n’ont même pas réussi à acheter des doses en nombre suffisant. Ainsi, moins d’un million de ses habitants a été vacciné pour l’instant, contre 13 millions chez le voisin marocain, dont 5 ont reçu la deuxième piqûre.
L’arrivée d’une nouvelle cargaison de 750 mille flacons a redonné quelque peu l’espoir aux millions de citoyens qui attendent de bénéficier de l’injection. Le ministère de la Santé a d’ailleurs publié hier un communiqué dans lequel il invite les personnes désireuses de se protéger contre le Covid-19 « à se présenter au niveau des structures de santé de proximité dédiées à cet effet ».
L’appel précise que « la priorité est accordée aux personnes âgées de plus de 60 ans et aux personnes présentant des comorbidités ». Il met cependant en garde que « « même vaccinés, il est nécessaire de maintenir les mesures barrières ». Il reprend enfin son slogan « faites-vous vacciner et dites aux autres : moi j’ai fait mon vaccin, et toi ? ». Des mots qui prêtent à sourire quand on les compare avec les inquiétudes récemment exprimées par les spécialistes et les praticiens.
Ainsi, le professeur Mohamed Yousfi, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de Boufarik, a, dans une interview accordée au site TSA, regretté que la vaccination soit « encore très faible, très timide » dans le pays. Il a en outre estimé que les 750 mille unités que l’Algérie vient de recevoir suffisent à peine à créer environ deux millions de doses. Or « tout le monde sait (…) qu’on a besoin d’au moins 30 millions de doses », a-t-il dit. « On est très loin concernant l’accélération de la campagne de vaccination, et aussi en termes de communication par rapport à la vaccination ».
Le professeur Youcefi a révélé par ailleurs que, avec l’apparition des variants, l’épidémie touche maintenant de plus en plus les jeunes. Il s’est, toutefois, abstenu de tout pronostic concernant l’Algérie. Le manque d’information sur le sujet ne lui a pas permis de dresser le tableau clinique de la situation. « L’Institut Pasteur d’Algérie communique une fois par semaine ou tous les dix jours sur le nombre de variants détectés dans le pays mais sans aucune précision dans quels services, quartiers, etc ».
De son côté, le docteur Mohamed Bekkat Berkani a mis à l’index « la lenteur de la campagne de vaccination anti-covid en Algérie ». Dans un entretien publié dans le même média, ce membre du Comité scientifique a déclaré « nous ne pouvons pas rester dans cette parenthèse ad vitam aeternam, ne serait-ce que dans les voyages et dans la possibilité que les Algériens viennent en Algérie et que ceux d’Algérie partent à l’étranger pour plusieurs raisons ».
Vous l’avez compris, l’Algérie qui se targue officiellement de posséder le « meilleur système de santé » en Afrique est, à l’instar d’autres pays du Tiers-Monde, en queue du tableau de vaccination.
Les autorités ont certes promis la fabrication sous licence du Sputnik V russe dans les labos du pays avant la fin de l’année pour couvrir la moitié de la population. En attendant, il faut prier pour que l’épidémie ne s’enflamme pas de nouveau.
Mohamed Badaoui