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La «Galoufa» à l’assaut des chiens et des chats errants (Enquête)

La rumeur enfle sur une probable maltraitance des animaux.

Sur les réseaux sociaux et en société, de nombreuses voix évoquent depuis quelques jours une opération massive de capture de chiens et de chats visant à les exterminer.

Une angoisse étreint ces jours-ci les amis des animaux. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont fait état d’une vaste opération qui viserait les chiens et les chats errants. Selon des témoignages, des agents de la fourrière font la chasse à aux bêtes des rues pour les capturer avant de les acheminer vers des centres où elles seront tuées par décharge électrique avant d’être incinérées. Une méthode dénoncée par les spécialistes au regard des souffrances atroces qu’elle fait subir à l’animal. Celui-ci est effet aspergé d’eau, électrocuté ce qui provoque sa mort au bout d’une agonie de plus d’une demi-heure. Des personnes ont même parlé de chiens et de chats brûlés vifs par souci de gain de temps mais ces affirmations n’ont jamais été étayées.

La Nation a voulu vérifier ces informations auprès de l’Établissement de l’Hygiène urbaine et de la protection de la wilaya d’Alger (Epic Hupe) mais, à l’autre bout du numéro vert mis à la disposition du public, la voix d’un employé a réclamé une autorisation de sa hiérarchie car «avec la presse, on ne sait jamais», a-t-il dit. Malheureusement, le chargé de la Communication de la wilaya était absent pour récupération au lendemain de l’effort fourni lors des élections législatives.

En attendant une enquête à ce sujet, un coup d’œil sur le site de l’Hupe permet d’avoir quelques éléments. La structure est chargée de lutter contre les vecteurs de «propagation de certaines maladies à transmission vectorielle». Grâce à un rayon d’action qui couvre 57 communes, elle traque et détruit les insectes nuisibles : moustiques, mouches, insectes rampants et volants ainsi que les larves de certaines espèces. La désinsectisation se déroule au niveau du réseau d’assainissement (regards, avaloirs) et aussi en plein air (terrains vagues niches d’ordures) et dans les établissements et lieux publics tels que les lycées, les écoles primaires, les marchés, les mosquées et les centres de santés. Le champ de compétence de l’Hupe s’étend à d’autres terrains d’intervention y compris le littoral où l’organisme veille à la protection de la faune et la flore marines ainsi qu’à la qualité de l’eau de mer.

Concernant les mammifères jugés nocifs, les rats et les animaux porteurs de rage ou d’autres zoonoses arrivent en tête des préoccupations de l’Epic. Toutefois, si l’on se réfère au site de l’entreprise public, les chiens et chats errants mais sains ne figurent pas en haut de ses priorités. Elle se limite à les capturer et à les envoyer à la fourrière canine. Ce lieu qui existe depuis 1952 se trouvait jusqu’en 2007 au Ravin de la femme sauvage au Ruisseau avant d’être transféré dans le quartier de Boumaati à El Harrach.

Là-bas, les captifs sont mis en observation, suivant la condition dans laquelle ils arrivent et le diagnostic du vétérinaire. Ils seront restitués à leurs propriétaires s’ils existent ou euthanasiés puis enterrés dans une fosse chaulée.

«Stop Galoufa»

Le portail du Hupe ne rapporte aucune opération d’envergure en cours qui ciblerait les chiens et chats errants, comme il est mentionné ces derniers jours sur la toile à travers l’hashtag alarmiste «Stop Galoufa». Sa rubrique «Actualité» s’intéresse plus à la désinfection des lieux publics dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Alors d’où vient cette campagne de dénonciation de la maltraitance animale et de la destruction massive des animaux de compagnie sans maîtres ? Plusieurs hypothèses, les unes plus farfelues que d’autres, sont émises par la rumeur. L’une d’elle affirme que, comme dans les années 1980, les chats sont chassés pour être étripés. Leurs boyaux étaient à l’époque exportés à l’étranger par des malins qui avaient découvert que ces viscères servaient à la fabrication de fil chirurgical.

Le catgut est un fil fait d’intestins d’origine animale qui permet une série d’utilisations : armer un arc, un instrument à cordes ou une raquette de marche ou encore de tennis. Et parce qu’il est rigide mais dégradable, les médecins s’en servent pour effectuer les sutures et ligatures.

Le mot viendrait de «cattle (bétail en anglais)» et «gut (boyau)», toutefois cette appellation ne satisfait pas tout le monde. Selon une autre définition étymologique, il s’agit d’un terme dérivant de la langue arabe, «khit» qui désignait un instrument à cordes, et par extension, les violons. L’utilisation d’organes animaux pour produire des instruments remonte à la préhistoire. Le plus connu étant le nerf de bœuf qui provient pour sa part d’un autre siège.

La deuxième hypothèse totalement invraisemblable qui explique l’abattage massif des chats et des chiens errants est de type conspirationniste. Elle entre dans le climat de propagande entourant la situation politique du pays. Des esprits créatifs pensent que l’amplification soudaine de la rumeur est l’œuvre d’activistes qui veulent insinuer de manière subliminale que les opposants à l’ordre établi seront traités comme des animaux errants et convoyés dans des fourrières. Ce scénario de politique fiction s’appuie sur le fait que, durant la colonisation, l’expression «Galoufa» désignait dans le langage populaire l’estafette de police dans laquelle les autorités coloniales embarquaient les résistants ou leurs soutiens. Le vocable «Galoufa» serait, dit-on, une déformation de «Garufa» du nom d’un colon d’origine espagnole qui était spécialisé dans la capture des animaux nomades.

Quoi qu’il en soit, cette affaire a provoqué une forte émotion dans le public. Elle révèle une tendance sociale inédite. Les Algériens ont depuis quelques années développé une forte empathie envers les animaux. Les chats étant leurs préférés tandis que les chiens sont frappés d’ostracisme à cause d’une interprétation religieuse imprécise qui fait du canidé une bête impure.

On voit en outre se multiplier les groupes et les associations vouées à la protection des animaux qui réclament pour eux merci et clémence.

Mohamed Badaoui

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