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Risque d’une crise alimentaire mondiale : l’Algérie n’est pas à l’abri

Avant la découverte du pétrole dans son sous-sol, l’Algérie était une terre essentiellement agricole. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont justifié sa colonisation. Avec la crise, le secteur primaire reprend une place de choix. Enjeu : la sécurité alimentaire du pays.

La guerre en Ukraine et la possible perturbation des exportations des céréales en provenance de ce pays et de la Russie peuvent provoquer une grave crise alimentaire dans le monde, particulièrement en Afrique où de nombreuses régions sont menacées de famine. Les opérations militaires d’un côté et, de l’autre, les sanctions appliquées par les alliés occidentaux contre Moscou vont soustraire des marchés une grande quantité de nourriture. Les deux belligérants fournissent 30 % du blé et 20 % du maïs aux marchés internationaux.

Plus de 400 millions de personnes dans le monde sont ainsi ravitaillées par les agriculteurs ukrainiens. D’où les inquiétudes exprimées par l’Onu et par le Programme alimentaire mondial. Le secrétaire général des Nations unies a même prévenu, le 14 mars dernier, contre “un ouragan de famines”. Selon lui, “45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie”. Si un tel scénario se produit, il affectera également le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. L’Egypte importe 80 % de ses besoins de Russie et d’Ukraine. Le Liban, la Libye, la Syrie et le Yémen sont, eux aussi, fortement dépendants des deux puissances agricoles. Depuis le début du conflit, les prix mondiaux du blé ont augmenté d’environ 21 %, l’orge de 33 %, et le prix de certains engrais a presque doublé.  

Il va sans dire aussi que l’Algérie qui est un grand importateur de céréales sera, d’une manière ou d’une autre, affectée par la pénurie de ces denrées et par le renchérissement de leur cours.  D’ailleurs, les autorités, à commencer par le président de la République, ne cessent depuis un temps de parler du spectre de l’insécurité alimentaire susceptible de toucher le pays. Et, comme à quelque chose malheur est bon, les consciences commencent à se réveiller et les spécialistes se mettent à s’exprimer sur la question.

Certains d’entre eux recommandent de lancer une réflexion pour le développement de l’agriculture organique (biologique), un patrimoine ancestral qui tend à disparaître au profit des procédés chimiques pour le traitement des sols et des végétaux.

Changement de mentalité et de méthodes de travail

Doubi Magui, experte en certification des produits bio, préconise de transformer le pays en exportateur de fruits et légumes sains par un changement de mentalité et de méthodes de travail. Selon elle, ce type de produit est très demandé sur le marché international, notamment en Europe, surtout après la propagation de la pandémie de Covid-19 qui a amené de nombreux consommateurs dans le monde à rechercher des aliments propres et sans traitement chimique. La préparation des superficies, explique-t-elle, s’étale sur une période allant de 1 à 3 ans, en parallèle à des analyses en laboratoire pour déterminer si le sol est adapté à cette culture.

Magui a, en outre, souligné l’existence d’instituts spécialisés en Algérie qui agissent dans ce sens. Néanmoins, dira-t-elle, leur activité reste encore limitée, au vu du manque d’intérêt accordé par les investisseurs à ce type d’agriculture.

De son côté, Abed Fateh spécialiste dans le même domaine à l’Université d’Oran, a appelé la tutelle à être “un incubateur” des recherches menées sur cette agriculture et à œuvrer pour leur concrétisation sur le terrain, à travers le renforcement de son cadre légal.

“L’agriculture biologique a son propre cahier des charges et vise à préserver la santé, les ressources naturelles du pays (sols et eaux souterraines) et la fertilité des terres, ce qui la rend synonyme de développement durable car préservant l’aspect écologique”, a-t-il affirmé.

“Nous avons perdu beaucoup d’expertise en matière de produits biologiques en Algérie”, a-t-il dit, en soulignant que “beaucoup de sols non adaptés peuvent être traités par des engrais bio et préparés pour ce type d’agriculture”.

D’après Fateh, “de nombreux agriculteurs pensent à tort que le recours aux engrais chimiques est de nature à améliorer le rendement agricole. Or, celui-ci dépend de tout un processus technique et pas seulement des engrais”.

Le danger d’une crise alimentaire mondiale a également conduit le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, à réunir les dirigeants des Instituts techniques et de la recherche scientifique pour les associer à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie pour le secteur.

La rencontre a notamment porté sur la dotation de ces établissement “d’un nouveau système les habilitant à participer pleinement à l’application de la nouvelle stratégie sectorielle visant à augmenter la production et la productivité, à réduire les importations, à créer la richesse et les opportunités d’emploi”, selon un communiqué du ministère. Henni a, en ce sens, exhorté ces interlocuteurs “à adapter leur mode de travail et à adopter une vision économique dans leurs travaux de recherches et de développement”.

Le péril est donc en la demeure et c’est maintenant qu’il faut faire preuve de volonté, voire d’audace et, surtout, de créativité.

Mourad Fergad

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