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L’Algérie perd un homme d’envergure : la mort d’un juste

Ali Yahia Abdenour, le militant, le politique, l’avocat et le défenseur des droits humains ne laisse personne indifférent. Durant toute sa vie, il a défendu des principes et alimenté le débat public avec des idées pour régler la question de la légitimité du pouvoir.

C’est un véritable livre d’histoire qui vient de se fermer. Ali Yahia Abdenour, le politique, l’avocat et militant des droits humains vient de décéder à l’âge de 100 ans sans voir se réaliser son rêve d’un Etat algérien où nul n’est persécuté pour ses opinions ou son engagement politique.

L’infatigable promoteur de la démocratie s’est donc éteint hier à Alger après avoir assisté au réveil des consciences et le début de la lutte populaire pacifique pour réclamer la justice, la transparence, le respect et le règne de la raison.

Des valeurs que le défunt a passé sa vie à défendre avec courage et intelligence. Un combat qu’il a commencé très tôt, au sein du Mouvement national, lorsqu’il a intégré le Parti du peuple algérien puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques.

Cet engagement pour la libération de l’Algérie lui coûtera la prison en 1957 et la persécution des autorités coloniales jusqu’à la veille de l’indépendance. C’est durant ces années qu’il forgera le caractère qu’on lui connaîtra plus tard. Un caractère qui ne laisse ni le pouvoir, ni l’opposition indifférents.

Député dans l’Assemblée constituante de 1962, il choisira de se battre contre le système autoritaire que feu Ahmed Ben Bella était en train d’installer en remontant au maquis mais cette fois-ci contre d’anciens compagnons de guerre. Il a ainsi rejoint, en 1963, une autre personnalité trempée dans l’acier, Hocine Aït Ahmed, pour s’opposer les armes à la main contre ce qu’il considérait comme la naissance d’une dictature.

Toutefois, après une rapide analyse de la situation, il a préféré se rallier au président nouvellement élu et entamer ainsi une carrière politique légaliste qui se poursuivra sous Houari Boumediene en tant que ministre des Travaux publics et des transports, puis de l’Agriculture et de la réforme agraire avant de quitter le gouvernement en mars 1968.

Fondateur de la Ligue des droits de l’homme

Il s’est ensuite inscrit au Barreau en qualité d’avocat et ne tardera pas à prendre en charge des affaires qui dépassent le droit commun. Ses activités ont déplu à Chadli Bendjedid qui le jettera en prison entre 1983 et 84 mais dès sa sortie, il a renoué avec la lutte émancipatrice à laquelle il a consacré sa vie en créant, en 1985, la première Ligue des droits de l’homme en Algérie.

C’est à ce titre qu’il s’est dressé contre l’annulation des législatives de 1991 dont les conséquences allaient plonger, pendant une décennie, le pays dans la violence et la destruction. Ali Yahia Abdenour, le démocrate, n’a dès lors pas hésité à défendre les têtes du Front islamique du salut, dont Ali Belhadj, auquel on prêtait la responsabilité du déclenchement des hostilités. En dépit des critiques dont il a fait l’objet en acceptant ce dossier, il a maintenu le cap en faisant prévaloir son éthique d’avocat.

Parallèlement, en homme politique, il a mené plusieurs actions pour trouver une solution pacifique au conflit fratricide qui embrasait son pays. Il a ainsi pris part, en 1995, à la conférence de Sant’Egidio à Rome en vue de mettre un terme à la spirale meurtrière qui ravageait l’Algérie. Mais, là aussi, il a été mitraillé de critiques par les tenants du pouvoir de l’époque et par certains médias qui le présentaient comme une sorte de traître à la nation. Il en fallait cependant plus pour venir à bout de la détermination qui animait ce coriace guerrier pacifique aux convictions chevillées au corps. Imperturbable, il a continué son combat pour les droits collectifs et individuels avec honnêteté intellectuelle et sans dévier de sa trajectoire. Une attitude qui a fini par désarmer ses détracteurs et lui conférer l’aura de l’homme de principes et la stature de personnalité nationale digne de respect.

A 98 ans, il a assisté au déclenchement du HIrak et alors que d’autres personnes de son âge auraient pensé à leur petit confort de fin de vie, lui prend une dernière fois position en soutenant ouvertement le mouvement populaire. Il a ainsi appelé les autorités à laisser les citoyens exprimer librement leurs revendications et conseillé à ces derniers de manifester dans le calme et la sérénité.

Durant toute sa vie, Ali Yahia Abdenour a subi les attaques et les quolibets sans répliquer. Certains l’ont accusé d’être un berbériste, d’autres d’être un élément du pouvoir. Durant la décennie noire, il a été l’objet d’une campagne qui le présentait comme un pro-islamiste ou même un soutien du terrorisme. Il a également été voué aux gémonies lorsqu’il avait participé à la conférence de bons office organisée par la communauté catholique de Sain’Egidio. On lui a alors reproché d’attenter aux intérêts supérieurs de la nation et presque indexé d’agent de l’étranger, mais l’homme qui restait fidèle à sa vision du droit et de la démocratie ne s’était jamais personnellement défendu. Il l’a fait une seule fois quand des personnes mal intentionnées voulaient l’exproprier à plus de 95 ans de son logement.

Mohamed Badaoui

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