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“En Vrac” par Madjid Khelassi : les héroïnes oubliées

Une des premières militantes de la cause nationale s’en est allé cette semaine. Annie Steiner a tiré  sa révérence mercredi dernier. Née en 1928 à Marengo ( actuelle Hadjout) ,Annie Steiner , issue d’une famille de 3 générations de pieds-noirs,  se vit confrontée  dès son jeune à l’injustice que subissaient les populations autochtones…considérées  dans les textes et dans les faits comme indigènes.

Algérienne de naissance et européenne de souche. Universitaire et diplômée  en 1949 , elle est recrutée dans les services sociaux algériens- créés par Germaine Tillon ( résistante française et ethnologue anticolonialiste)- avec pour mission de soigner et d’alphabétiser les populations «indigènes». Et c’est dans ces labos vivants de l’injustice, et de l’oppression, que naît sa décision de lutter toute sa vie contre le criminel système colonial.

Le déclenchement de la révolution en novembre 1954 embarque  dans son giron Annie Steiner.

Elle quitte ses proches et se consacre corps et âme au mouvement indépendantiste.

Arrêtée en 1956 pour «activités subversives», elle sera condamné à 6 reprises et incarcérée à la prison de Barberousse.

A l’indépendance , elle opte pour la nationalité algérienne et occupe différents postes au sein de la nouvelle organisation administrative de l’Algérie indépendante. Après plus de 30 ans  de bons et loyaux services elle prend sa retraite et assiste à l’inattendu virage que prend l’Algérie post-indépendance.

Le reste n’est que lambeaux de souvenirs  qui l’emmènent  chez ses ex sœurs de combat, comme Djamila Bouhired , qui aimait  la taquiner sur la ruralité de ses origines,  en lui brandissant sa citadinité kasbadjie ,dans des échanges emplis d’humour et d’affection.

Mais qui connaît Annie Steiner ? Il est plus que prouvé que 99% des algériens ne savaient rien d’elle jusqu’à sa disparition récente.

Le système post-indépendance, qui avait une conception patriarcale de l’histoire, se prostra  dans une posture misogyne de la révolution, et ignora sciemment  les femmes de l’Algérie combattante.

Car mis  à part les  Djamila…Bouhired , Bouazza, Boupacha, Zohra Drif, Hassiba Ben Bouali etc…

Qui connaît Baya Hocine, Danielle Minne , Zahia Khalfallah, Djouher Akrour,  Z’Hor Zerari , Nassima Hablal, Jacqueline Guerroudj , Safia Bazi, Meriem Belmihoub, Fadila Mesli et tant d’autres ?

Si la majorité des algériens  ignore jusqu’à leurs existences, le souvenir de leur combat est figé dans  un immonde oubli.

Et la révolution mangea toutes ses filles… ou les héroïnes invisibles : Cantate sur le grotesque du déni, et sur le silence digne des oubliées, dans un carnage flagrant du mérite.

A propos LA NATION

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un commentaire

  1. Des femmes exceptionnelles que rehausse un texte d’une sublime beauté . La Nation toujours au top.
    Allel Blidi

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