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Front social : la hantise du couffin

A trois semaines du ramadan, les Algériens affichent, dans leur majorité, une mine morose. Penser aux dépenses que le mois sacré occasionne sape le moral des chefs de ménages.  

Même si l’allocation chômage aux primo-demandeurs sera effective à partir du 28 mars, la cherté de la vie et la modestie des salaires ne prête à l’enthousiasme. Il est loin le temps où, grâce à la manne pétrolière, les membres de la classe moyenne préparaient dès l’hiver les vacances à Nabeul, Sousse, Istanbul et Charm El Cheikh. Ils visitaient également en masse le salon de l’automobile et pouvaient s’acheter les berlines de moyenne gamme avec les économies de quelques années seulement. Avec un peu de pistons, des milliers de jeunes ont pu bénéficier d’un crédit bancaire dans le cadre de l’Ansej que certains d’entre eux n’ont même pas remboursé profitant des yeux mi-clos des autorités.

Le pouvoir de l’époque avait trouvé l’équation pour se maintenir sans tracas en achetant la paix sociale qu’un baril de pétrole au plus haut finançait. Il construisait des HLM, à tour de bras, pour caser dans l’urgence des cohortes d’habitants des quartiers précaires et des bidonvilles. L’Etat se montrait ainsi généreux, mais, dans les faits, il dilapidait des ressources qui auraient pu sortir rapidement le pays du sous-développement en créant richesse et emploi.

Au lieu de cela, l’embellie a profité à un happy few qui s’est enrichi à une vitesse supersonique. L’oligarchie naissante pompait l’argent public en captant et monopolisant des pans entiers de l’économie tout en faisant tourner les usines à l’étranger avant d’importer leurs produits en les surfacturant. Ce groupe fermé qui a gonflé comme une truffe après une saison humide a ainsi hypothéqué pour longtemps le développement industriel de l’Algérie et diffusé dans la société un modèle de réussite basée sur le gain facile, la rapine et la corruption.

Aujourd’hui, après des années de disette, les Algériens se réveillent groggy et désargentés alors que les postes de dépenses se sont décuplés. Avant, ils vivaient certes à l’étroit mais partageaient la même marmite et, souvent, ne payaient pas de loyer ou des charges d’habitation. Peu d’entre eux possédaient un téléphone portable, un climatiseur et d’autres objets la plupart du temps facultatifs mis sur le marché par des producteurs de besoins.

Les surcoûts liés au consumérisme moderne ont considérablement grevé les budgets des ménages et des individus. Il est vrai que, de nos jours, pour exister et se faire respecter en société il faut faire montre de certains signes de richesse même si on n’a pas de quoi dîner.

Au regard du niveau des salaires et en comptant les occasions récurrentes durant l’année de les dépenser (ramadan, les deux Aïd, la rentrée scolaire…), il ne faut pas sortir d’Oxford pour savoir que la majorité des Algériens ne rêvent que de sous.

Parmi les signes qui ne trompent pas, la multiplication des points de vente, sur les trottoirs ou dans des marchés improvisés, des fripes de bas de gamme ou d’objets usés et les queues à la mi-journée devant les gargotes où l’on déjeune pour moins de cent dinars. La mendicité a également explosé ainsi que les petits larcins comme le vol de téléphones portables ou les agressions pour de petites sommes.

La détresse de ne pas pouvoir joindre les deux bouts se lit, toutefois, sur les visages. Il est de plus en plus rare de rencontrer des faces rayonnantes, des sourires et de la bonhomie. Les regards chargés de colère sont plus courants.

Avec le cours des hydrocarbures qui remontent en flèche, l’Algérie revit, à quelques détails près, l’amorce de l’embellie financière de 2004. Les caisses de l’Etat se remplissent graduellement de nouveau. Mais que fera-t-on de cet argent ? C’est la réponse à cette question qui va déterminer les prochaines années de l’Algérie.   

Mohamed Badaoui       

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