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Le Hirak, entre craintes et espoirs

Dans moins de dix jours, l’Algérie a rendez-vous avec une date qui est définitivement entrée dans l’histoire : le 22 février. Deux ans d’espoir et de craintes qui ont mûri les consciences et cristallisé les opinions.
La pression monte à l’approche du deuxième anniversaire du déclenchement du mouvement populaire qui a permis de destituer Abdelaziz Bouteflika et renverser son aréopage. L’événement sera certainement « fêté ». On ignore cependant quel aspect prendront les festivités.
Quoi qu’il en soit, les autorités et la population se préparent à un face-à-face, si possible pacifique et joyeux comme le souhaitent de nombreux avis d’internautes publiés sur les réseaux sociaux et des discussions citoyennes dans la rue.
« J’ai passé une année très difficile, dit un chauffeur de taxi clandestin en faisant référence à 2020 et à ses conséquences économiques. Je ne suis pas payé depuis neuf mois. Si je n’avais pas cette brouette (voiture), je n’aurais pas pu nourrir ma famille. » L’homme regrette cependant que les policiers pourchassent « ceux qui ramassent des miettes pour survivre». Pourtant, dit-il, « nous ne faisons rien de mal. Les transports manquent et nous aidons les gens qui ne trouvent plus de moyens pour rentrer chez eux, surtout le soir. »

Un client, assis près de lui sur le siège avant, prend alors la parole : « le Hirak n’a rien changé. Le système est diabolique. Il ne lâchera rien. » Le chauffeur a une autre opinion sur le sujet : « oui, mais il ne faut pas baisser les bras. Essamet yaghleb el kbih (l’opiniâtre finira par défaire le méchant). »
Les deux se mettent cependant d’accord sur la nécessité de patienter pour ne pas faire courir au pays le danger de la violence. « Notre force, c’est le pacifisme et l’unité. » Cette idée est largement répandue dans de nombreux statuts sur les réseaux sociaux notamment Facebook.

Silence du ministre de l’Intérieur

De leur côté, les membres du gouvernement multiplient les effets d’annonce et les déclarations d’apaisement sous forme de bonnes nouvelles, de lancement de projets, de promesses de bel avenir. Le seul qui garde paradoxalement le silence est le ministre de l’Intérieur. C’est peut-être le signal que le gouvernement veut à tout prix éviter une montée de l’adrénaline nationale surtout que l’affaire Walid Nekkiche n’a pas encore refroidi.
Kamel Beldjoud a cédé la place à un collègue dont la communication est le métier, Amar Belhimer qui a donné, lors d’une interview à notre confrère Le Soir d’Algérie publiée hier, son analyse franche sur comment le Hirak doit être perçu.
Ainsi, le ministre et porte-parole du gouvernement a fait part de ses craintes que des « résidus de l’ancien système » puissent pousser les citoyens à la « désobéissance civile ». Belhimer a qualifié ces parties de « magma contre-révolutionnaire rassemblant la chose et son contraire, financé et instruit par des cercles formels et informels de pouvoirs étrangers ». Celles-ci manœuvreraient, selon lui, « d’arrache-pied pour faire aboutir des mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence ».

Tebboune ne devrait pas tarder à parler

Il a, en outre, estimé que « le Hirak originel » est mort depuis qu’il a été « parasité » par « par des intrus, ceux qui ont pris le train en marche pour en prendre les commandes » espérant ainsi « un retour aux affaires et aux commandes à l’aide de marches quotidiennes ».
L’avis du ministre rejoint celui d’Abdelkader Bengrina, président du mouvement et candidat malheureux aux dernières présidentielles, qui dit : « nous avons constaté des manœuvres suspectes visant à dévoyer le Hirak de ses objectifs de mouvement politique militant pour le changement. C’est une tentative d’instrumentalisation néfaste pour le pays ».

Lui aussi a eu vent de « tentatives de remettre sur le devant de la scène l’option de la période de transition » par des
« parties travaillant pour des agendas qui cherchent à faire sortir le pays et ses institutions de la légitimité dans le but d’ouvrir la voie à l’immixtion étrangère dans les décisions souveraines de l’Etat algérien ».
Le reste des partis d’opposition observe pour l’instant le mutisme. Ni appel à manifester, ni appel à la prudence, ni appel à la retenue. Même les personnalités présentées, au début du mouvement comme ses leaders, se taisent.
Il est, toutefois sûr, que le président Abdelmadjid Tebboune ne va pas tarder à prendre la parole pour tenter de tempérer les ardeurs des uns et donner ses bénédictions au « Hirak originel » qu’il a par le passé qualifié de béni.
Durant son séjour en Allemagne, il a dû discuter de toutes ces questions avec ses hôtes et donner des assurances que l’Etat algérien ne réprimera pas une population qui réclame pacifiquement d’accéder à un ordre démocratique.

Mohamed Badaoui

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