36e vendredi du Mouvement populaire pour le changement
Alger, la matinée de ce 36e vendredi du mouvement citoyen renvoie l’image d’un changement de saison. C’est la fin d’un été long et épuisant. Et c’est l’automne avec sa nature versatile qui arrive. Cela rappelle les débuts du hirak il y a 8 mois. C’était vers la fin de l’hiver.
La topographie est simple : partout, la couleur bleu domine le paysage. Un nombre incalculable de véhicules de la police était stationné, en file indienne le long des grandes artères. Vers midi, le ciel commence à se charger lourdement. La pluie, qui s’annonce, semble inquiéter plus d’un. Les uns se sont précipités vers les mosquées les plus proches, d’autres ont pressé le pas vers ce qu’ils pensent être des abris. Des riverains ont vite gagné leurs domiciles dans le but de récupérer leurs parapluies. Mais, pas de panique, les vendeurs à la sauvette assurent le service : à chaque saison son commerce. Dans le hirak, on y trouve de tout y compris les parapluies…
Plus de peur que de mal, le ciel s’est vite dégagé redonnant de l’espoir aux fidèles des manifestations. En haut de la rue Didouche-Mourad, des centaines de non-pratiquants attendent le signal qui arrive des mosquées. Ils accordent le temps aux pratiquants d’accomplir la prière hebdomadaire de vendredi. Dès la fin de la prière, la foule se précipite dans la rue. Des Allah-Akbars se mêlent aux youyous et beaucoup d’autres acclamations… Les échos du tumulte arrivant en un éclair, poussent les membres de la police anti-émeute à ajuster leurs boucliers et à se tenir en ordre bien serré.
Pour celui qui se tenait au milieu de la rue Didouche, la procession des marcheurs a duré une bonne demi-heure. Difficile, cependant, de faire un décompte… certes, on est loin des premiers vendredi, mais la mobilisation reste importante. Le qualificatif de grande manifestation reste de mise.
Le premier carré, s’il nous est permis de parler de carrés, s’annonce avec le cri d’Allah Akbar, Aoulad novembre (fis de novembre). Il ne s’agit nullement d’islamistes. Il semble qu’Allah Akbar est devenu plus une interjection aidant à formuler les rimes plus qu’autre chose. Les islamistes, en dépit de leurs présence évidente, garde une attitude discrète. La photo du défunt Hocine Aït Ahmed annonce un carré d’une tendance du FFS. Une autre tendance est présentée par Ammar Laskri (membre dirigeant de l’actuelle direction). Mohcen Belabes, lui, est à la tête de militants RCD. Cela, il reste difficile de distinguer des carrées malgré la volonté des militants de tel ou tel parti groupuscule politique, à l’instar des trotskistes et autres. Mokri, Djaballah sont absents, Benflis est occupé par les élections. Les activistes, tels que Bouchachi, Assoul, Lalmas et autre Aït Larbi …etc, se font de plus en plus discrets.
Le thème central est le même : Impossible de voter ou de donner une autre chance au système de se perpétuer. C’est là un slogan et un mot d’ordre. Toutes les banderoles, toutes les pancartes versent dans le même topo, celui d’un refus sans appel des présidentielles. Viennent, ensuite, les causes de ce refus. Sous toutes les formes possibles, les manifestants revendiquent un Etat civil, une démocratie constitutionnelle. Les photos des détenus d’opinion sont partout, celles de simples citoyens, la plupart des anonymes comme celles des activistes connus à l’instar du commandant Lakhdar Bouregaa.
Les images du président par intérim, Abdelkader Bensalah, et sa prestation devant le président russe, semblent mettre le feu aux poudres. Se sentant humiliés au plus degré, les manifestants ont particulièrement houspillé cet homme « qui représente indignement un grand pays comme l’Algérie,» déclare un marcheur. Un autre a écrit, sur une pancarte de fortune : «Poutine ricane, Bensalah chicane.»
Hamma Sadek
