Salon international du livre d’Alger
Un hommage appuyé a été rendu, lundi à Alger, au dramaturge et homme de théâtre, Abdelkader Alloula, à travers une évocation de son parcours exceptionnel d’intellectuel en perpétuelle écoute de sa cité, soucieux de donner à la pratique du 4e art, les outils didactiques nécessaires qui lui permettent de répercuter sur les planches, la réalité et les préoccupations de la société algérienne.
Invitée à une rencontre en marge du 24e Salon international du livre
d’Alger (Sila), sur l’œuvre “inachevée” de Abdelkader Alloula, la
professeure et spécialiste de la littérature maghrébine, Najet Khadda a
estimé que celui qui se voyait déjà, “héritier d’Ould Abderrahmane Kaki et
Kateb Yacine”, avait “mis en place une réelle réflexion théorique sur le
théâtre algérien”, saisissant dès le départ, la nécessité d'”adapter” sa
formation faite dans les “méthodes occidentales” à “sa propre culture”.
Faisant part de la vision du dramaturge par rapport aux notions de,
l’espace, le temps et l’action, trois éléments constituant la règle des
trois unités dramaturgiques, l’oratrice, soutenant son propos par une série
d’anecdotes vécues par Alloula, a évoqué le souci de celui-ci, à
s’imprégner du “terrain” pour, a-t-elle dit, “esquisser l’identité et
l’essence du Théâtre algérien”.
S’appuyant sur une expérience vécue par l’homme de théâtre, où des
paysans, venus assister à une de ses représentations en pleine montagne,
loin du modèle de l’architecture du “théâtre à l’italienne”, ont mis les
chaises de côté pour s’assoir à même le sol et en forme arrondie, ont
provoqué l’imaginaire du metteur en scène qui adoptera la “Halqa” comme
premier “trait” du théâtre qu’il recherche.
C’est avec “El Ajwed”, passant par “Legwal” que Abdelkader Alloula,
poursuit Najet Khedda, parvient, après de longues recherches, à une
conception d’une scénographie minimaliste, quasiment sans décor, faite
d’une combinaison judicieuse de la “halqa et l’architecture du théâtre à
l’italienne”.
La disposition du public en forme de cercle, incitera le comédien Alloula
à tirer profit de cette proximité pour créer le personnage du “Gouwal”, qui
apparait après un brouhaha provoqué par des comédiens en déplacements dans
tous les sens, puis qui s’arrêtent et se taisent brusquement. Dans ce bel
élan de recherche, Alloula ira jusqu’à faire participer quelques
spectateurs, auxquels seront confiées les premières répliques du spectacle
qui poseront les termes du sujet à traiter et mettront en situation le
public, explique encore la conférencière.
A chaque représentation, ses enseignements et les différentes expériences
vécues en temps réel par le dramaturge avec le public, aiguiseront
davantage son sens de l’observation, lui permettant ainsi de saisir la
prépondérance de la “temporalité de la prestation” (temps présent), sur
celle de l’auteur de l’œuvre originelle, ajoute l’intervenante.
Et c’est avec le verbe, le texte, la langue dialectale “châtiée” et la
poésie du Melhoun, considérés par le “Géant des planches”, comme des
éléments “importants” dans la dramaturgie, que Najet Khadda, conclura sa
contribution, racontant à l’auditoire l’anecdote qui conduira Alloula à se
défaire de la linéarité dans le déroulement d’une trame faisant de
l’interaction avec les spectateurs une de ses priorités, et à s’investir
dans l’un des plus importants chantiers de son œuvre: la quête de la
“langue intermédiaire”, à travers une recherche approfondie et minutieuse
de la parole juste, puisée du terroir et à la portée de tous.
L’écrivain et romancier sénégalais, Pape Samba Kane, deuxième invité à
rendre hommage à Abdelkader Alloula, disparu le 14 mars 1994, victime d’un
attentat terroriste, soulignera la ressemblance, dans l’un des genres de
théâtres au Sénégal, de la disposition en cercle du public, avec celle
pratiquée dans la Halqa, confirmant l'”importance du rôle de l’interaction
des comédiens avec le public” dans ce genre de configuration.