L’Algérie demeure nostalgique d’un monde arabe uni par des liens de sang, par l’histoire, la langue et la religion. Or, cette partie du monde ne cesse d’évoluer sous la pression des événements géopolitiques changeant à vue d’œil d’identité.
Deux pôles s’y opposent et la balance penche depuis au moins trois décennies au profit des Etats les plus conservateurs. Les pays de cette région qui ont choisi un modèle de développement basé sur le progrès social ont tous échoué, à commencer par la Syrie, l’Irak, le Yémen et l’Egypte ont tous fondateurs de la Ligue arabe. Les trois premiers ont même subi des guerres civiles violentes, une perte de la souveraineté et un changement géographique.
L’Egypte, ce mastodonte de plus de 100 millions d’habitants y a échappé de justesse mais se débat dans des problèmes socio-économiques inextricables ce qui le contraint à quémander l’aide extérieure pour garder la tête hors de l’eau.
La Libye et le Soudan qui ont rejoint la Ligue après leur indépendance vivent aussi le calvaire de la division et des luttes intestines entre plusieurs clans rivaux ainsi que la dislocation de leur État central. La Tunisie se tient le ventre en pensant à l’avenir incertain qui la guette et le Liban risque la faillite.
Ce sont donc les pétromonarchies qui s’en sortent le mieux pour avoir acheté le développement et la sécurité auprès de leurs alliés occidentaux en contrepartie de l’or noir. Ces régimes qui vivent idéologiquement dans un passé mythique mais, dans les faits, dans un post-modernisme clinquant veulent commander le monde arabe. En construisant des villes futuristes et en acquérant des moyens de propagande très avancés, ils font maintenant rêver les peuples des autres nations arabes dont les populations sont pourtant plus instruites et cultivées.
Il s’agit évidemment d’un modèle importé clé en main qui a permis aux membres du Conseil de coopération du Golfe de brûler les étapes pour projeter leurs sociétés, en un temps record, de l’archaïsme vers la modernité artificielle. Une organisation schizophrénique où la tradition rigoriste cohabite avec un consumérisme féroce et de type occidental. Une ville comme Dubaï se rapproche ainsi de Las Vegas et de Reno que de Damas et de Bagdad.
Aussi, il est légitime à ces peuple de ressentir l’orgueil d’avoir accompli une œuvre qu’ils veulent imposer à leur voisins et frères par la persuasion sinon par la force comme au Yémen et en Syrie. L’attitude du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salmane, est à inscrire dans cette logique.
L’Algérie demeure le seul pays de la Ligue arabe à échapper à cette emprise au regard de son histoire faite de combat contre le Titan du colonialisme européen, mais aussi grâce à sa relative richesse et au dynamisme de sa population.
Elle continue à promouvoir les valeurs d’égalité sociale, du progrès, du nationalisme jaloux de sa souveraineté et de résistance à l’ordre mondial qui perdure depuis le siècle dernier. Une vision qui peut déranger les tenants de la hiérarchisation des humains suivant le degré de possession et la naissance.
C’est pourquoi, il lui est presque impossible de faire entendre sa voix sur des dossiers qui concernent le Moyen-Orient qui obéit aujourd’hui à des maîtres autoproclamés. La soumission de Bachar Al Assad, président de la République arabe de Syrie à la volonté de Mohamed Ben Salmane démontre où se situent aujourd’hui et comment agissent les rapports de forces dans le monde arabe.
L’Algérie qui a subi une tragédie destructrice à tous les niveaux durant les années 1990 a su garder sa dignité en se rappelant qu’elle a vaincu une puissance militaire mondiale avec des moyens dérisoires. C’est ce capital qui la maintient debout. Elle ne peut cependant expliquer aux autres pays arabes la nécessité de lutter contre plus fort que soi pour arracher sa liberté.
Ali Younsi-Massi