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Algérie-France, c’est pour quand des relations économiques normales ?

Au lendemain de la célébration du 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, une visite d’un président français en Algérie est toujours perçue comme un évènement « spécial », singulier, paradoxal. Elle est attendue avec empressement et espoir par certains et avec amertume et déception par d’autres. A 60 ans de la déclaration d’indépendance, nous sommes à mi-parcours de la durée de la colonisation (130 ans) ; faut –il attendre encore 70 ans pour solder tous les comptes ? Sur le plan politique et surtout sur le plan de la mémoire et celui des blessures, 60 ans c’est peu, tant cette occupation était la plus barbare, la plus sauvage et la plus destructrice des temps modernes.

Au plan économique et commercial, l’accumulation des années, le report des échéances, la rupture des chaines de relations n’ont pas les mêmes significations, les mêmes impacts, les mêmes conséquences.

Les relations économiques et commerciales sont des relations d’intérêts à court, moyen et long terme ; et elles sont ouvertes à tous les pays qui se mettent en compétition sur les différents marchés. Les questions mémorielles, symboliques, de souveraineté politique, sont plutôt dans une forme de duel entre deux nations, des jeux à somme nulle. Au plan économique, on cherchera toujours à éviter les relations en la forme de jeux à somme nulle, sauf dans de rares cas où la position de force de l’un impose à l’autre un tel jeu. Avec la France, sur les questions économiques, nous sommes souvent dans ce genre de duel et chacun des pays, profitant de sa position du moment impose à l’autre les conditions de l’échange. C’est ce qui explique que les relations sont inscrites dans le court et le très court terme. Pas d’IDE significatifs français en Algérie, mais beaucoup d’échanges commerciaux, malgré la proximité, la langue, les relations humaines, les habitudes de consommation, …les IDE français sont en Egypte, au Maroc et en Tunisie pour ce qui est de notre région Nord-Africaine. Ce qu’a reçu l’Algérie comme IDE français (juste avant la crise sanitaire) ne représente que respectivement le 1/8 et le 1/4 de ce qu’ont reçus l’Egypte et le Maroc. Par contre Les représentations commerciales et les sociétés d’importations et de distribution françaises sont très nombreuses en Algérie.

Posons alors la question : La situation actuelle est-elle la conséquence de l’Histoire récente et/ou immédiate entre l’Algérie et la France ou est-ce la conséquence des conditions purement économiques présentes dans chacun des deux pays ?

Il est vrai aussi que l’histoire est aujourd’hui présente, au-delà de son volet mémoriel, par la communauté algérienne en France. Ce qui devrait être un facteur favorable à la densité des relations économiques. Les communautés à l’étranger jouent souvent un lobbying puissant en faveur de leur pays d’origine, la communauté algérienne en France, victime de sa grande taille et de sa diversité ou de sa faible organisation ne joue pas suffisamment ce rôle dans le domaine économique. Son lobbying politique est quasi nul comparé à la communauté marocaine ou tunisienne. 

Revenons maintenant à l’actualité immédiate en rapport avec la visite du président français.

La lecture du compte rendu du Briefing des conseillers du président face à la presse à la veille de la visite du Président français (23 08 2022) donne un avant-goût de cette visite. D’emblée, un conseiller annonce : « il n’y aura pas dans le domaine économique d’annonces de grands contrats ou de grande négociation de ce type. …ce n’est pas l’objet de ce déplacement. L’Algérie est effectivement l’un des fournisseurs de gaz de la France, mais là, il ne s’agit pas de cela. Ça reste pour l’Algérie, comme pour d’autres pays, une priorité de nos autorités de s’assurer que nous avons assez de gaz dans le cadre de la crise, de la guerre en Ukraine, mais ce n’est vraiment pas l’objet de cette visite. Même si, pour montrer notre intérêt, celui du Président de la République, il y aura dans la délégation la PDG de Engie.»

Sur une question sur la coopération économique bilatérale, un journaliste pose les questions suivantes : « Est-ce que ce déplacement ne manque pas d’ambition ? L’Algérie est en train de revoir sa feuille de route économique avec des perspectives de libéralisation, des développements miniers et énergétiques très importants, notamment d’hydrogène et de métaux rares dans les années à venir dont on aurait besoin, est-ce que ça ne nous intéresse pas ce secteur de coopération avec l’Algérie ? Est-ce que ces dossiers stratégiques pour nos deux pays vont être abordés ? Les réponses d’un conseiller sont très évasives : « D’abord, il faut quand même se souvenir que les relations économiques entre la France et l’Algérie sont très importantes. En 2019, le premier partenaire commercial de l’Algérie, c’était la France, avec près de 10 milliards de dollars d’échanges et la première destination des exportations algériennes. En 2020-2021, il y a eu un ralentissement du commerce du fait de la conjoncture internationale, mais nos échanges restent vraiment très importants, y compris pour les entreprises françaises qui ont fortement investi. J’ai donné quelques exemples de représentants d’entreprises françaises qui sont dans la délégation. Mais il y a d’autres entreprises qui sont très actives en Algérie et évidemment que ces questions-là vont être abordées. Bruno LE MAIRE est dans la délégation du Président de la République. Il a un programme spécifique qui est en train d’être construit avec les Algériens et évidemment que l’ensemble de ces sujets vont être abordés. Quand j’évoquais tout à l’heure la coloration, l’orientation que le Président de la République voulait donner à cette visite, c’est pour aller de l’avant sur la base de ce qui existe déjà. Donc, il ne s’agit pas de négliger les questions énergétiques qu’on a évoquées tout à l’heure, les questions minières, les questions de production automobile, etc. Mais c’est ne pas s’en contenter et aller plus loin. »

On remarquera aisément que les questions économiques ne sont pas à l’ordre du jour de la visite ou elles n’ont pas encore été bien préparées par les deux parties et donc elles ne peuvent pas faire l’objet d’annonces.

Il est vrai que l’économique et l’investissement en particulier sont très influencés par la stabilité institutionnelle et législative d’un pays, les relations de confiance entre partenaires, c’est ce qui permet de s’engager sur le long terme. Et si cette visite apporte un tant soit peu sur ce registre, c’est déjà un succès.

Il y a donc des problèmes objectifs qu’il faut traiter avec le maximum d’objectivité et sérénité si l’on veut dépasser les relations économiques d’aujourd’hui tournées vers le commerce de l’énergie et du blé pour parer au plus urgent : sécurité alimentaire pour l’Algérie et sécurité énergétique pour la France. Les conditions objectives, les opportunités, les enjeux et les nécessités de recomposition imposent de faire mieux. Les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. L’Accord d’amitié et de bon voisinage avec l’Espagne (2002) est là pour confirmer cette règle.

Anouar El Andaloussi

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