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Reportage : Alger garde son calme à la veille du deuxième anniversaire du Hirak

Un hélicoptère en position géostationnaire à quelques dizaines de mètres au-dessus du sol, un dispositif de sécurité formé de centaines de policiers et de dizaines de véhicules, des agents en civil à tous les coins de rue, bienvenue à Alger, un vendredi qui précède le deuxième anniversaire du Hirak.

Les pales tournoyantes de l’Augusta de la Sûreté nationale figé au-dessus de la flèche de l’ex-église Saint-Charles, aujourd’hui mosquée Errahma de la rue Khelifa-Boukhalfa, font un bruit assourdissant. Ils masquent la voix traînante et le débit lent de l’imam pourtant diffusée par une dizaine de haut-parleurs destinés à l’écoute extramuros. Entre de longues pauses, il parle du «Massih eddadjel» (l’Antéchrist de la religion chrétienne) et prévient les fidèles des menées de ce malin qui habiterait, selon lui, dans une île inconnue et attendrait le moment de sortir tenter les fidèles. Bien que musulmans, les policiers, eux, sont plutôt préoccupés par un autre type de menaces : Un probable meneur –ou des meneurs- susceptible de déclencher une manifestation au cœur d’Alger après une trêve sanitaire d’une année.
En nombre impressionnant, ils surveillent, concentrés et vigilants, tout ce qui bouge dans la rue Didouche- Mourad et ses alentours. La fin de la prière peut, en effet, constituer le détonateur d’une nouvelle vague de protestations hebdomadaires dont personne ne peut aujourd’hui prédire la durée et les conséquences.
Les autorités ne semblent vouloir prendre aucun risque. Tout au long de l’artère principale de la capitale, un appareil de sécurité digne des grands jours de l’année 2019 est déployé pour faire face à toutes les éventualités.

Foisonnement d’uniformes

A la Grande-Poste, casque sur la tête, bouclier au pied, gilet de protection, matraque à la main, les éléments de la Brigade d’intervention attendent les ordres. Ils ne sont pas les seuls sur le terrain. Des uniformes de la BMPJ, de la BRI et d’autres services foisonnent également. Les agents des renseignements généraux, reconnaissables à leur jean, à leur baskets et à leur attitude, guettent, eux aussi, le début d’une possible bronca. Il n’en sera rien. A la fin de la prière, les fidèles se dispersent en silence et aucun militant laïque ne se trouve comme à l’accoutumée dans la rue.
Lors des grandes marches de 2019, on s’en souvient, la stratégie des manifestants consistait à occuper dès le matin le perron de la Grande-Poste. Un groupe de toutes les obédiences prenait alors place pour scander des slogans, mais ce n’est qu’après la prière du vendredi que la scène s’animait réellement. A la sortie des mosquées puis avec l’arrivée des habitants des quartiers éloignés du centre-ville, un magma humain se formait par la fusion de toutes les tendances, de toutes les idéologies.

Possible retour du Hirak le 22 février

Deux ans après, en ce vendredi 19 février, les Algérois ont préféré vaquer à d’autres occupations. Personne ne sait s’ils battront le pavé le 22 février et renouer ainsi avec la contestation. En tout cas, la réaction des autorités indique clairement que la date anniversaire du 22 février ne passera pas sans bruit. Car non seulement la crise politique, qui a suivi la destitution de Bouteflika, n’est pas encore résolue, il faut ajouter une année de restrictions des libertés, en partie dues à la pandémie, en plus d’une descente aux enfers économiques d’un grand nombre d’Algériens. Tout laisse donc augurer d’un retour du Hirak.
Le discours du président Abdelmadjid Tebboune n’a visiblement pas convaincu l’ensemble des citoyens. Surtout pas ceux qui vivent avec 20 mille dinars par mois, soit 100 euros au change parallèle, donc 3 euros par jour alors que le pouvoir d’achat du dinar ne cesse de se détériorer. Ces six millions d’Algérie qui constituent près de 15 % de la population ont vu leur situation se dégrader depuis une année. Rien ne les convaincra que la « Nouvelle Algérie » est si différente de l’ancienne.
L’avenir proche du pays se jouera cette semaine à Alger dans un débat singulier. Il mettra aux prises deux visions contradictoires du droit, du développement, de la citoyenneté et de la dignité. Celle du pouvoir qui pense qu’un remaniement ministériel, une dissolution de la Chambre basse du Parlement et des élections législatives suffiront et celle d’une partie de la population qui réclame un changement radical et la fin du système rentier.

Mohamed Badaoui

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