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Par Anouar El Andaloussi : la souveraineté alimentaire en débat à Dakar

Du 30 octobre au 02 décembre 2023, un salon international de l’agroalimentaire a été installé à Dakar (Sénégal) par SIAGRO (Sénégal) avec une forte participation algérienne conduite par FilahaInnov à travers Afrika Food (plus de 25 exposants algériens). En marge de ce Salon, une conférence internationale a été organisée sur le thème « Développer des innovations agricoles et agroalimentaires pour atteindre la souveraineté alimentaire en Afrique ». Les présentations faites par des universitaires et des professionnels ont été étalées sur deux jours (1er et 2 décembre). Le pragmatisme et le bon sens africains nous ont éloignés des habituels discours et des rhétoriques sans fin dans les conférences internationales.  Les thèmes abordés couvrent des champs disciplinaires très variés allant des questions de territoire, avec un accent particulier sur les territoires ruraux et le rôle de la paysannerie,  aux exploitations innovantes des ressources génétiques végétales et animales en passant par la gestion durable et rationnelle des ressources rares ou en épuisement comme l’eau et les sols. Le tout doit être porté par la connaissance formelle et les savoir-faire traditionnels séculaires en Afrique.

En guise d’introduction, il était question de rappeler quelques notions de base. D’abord la définition de la souveraineté alimentaire. Nous avons retenu celle du Comité de la sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) 2009 :

« On peut parler de sécurité alimentaire quand toutes les personnes ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

Les quatre piliers de la sécurité alimentaire sont la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité ».

La souveraineté alimentaire désigne le droit des populations et de leurs États à définir leur politique agricole et alimentaire en toute liberté. »

La souveraineté alimentaire met en évidence une dimension politique de la sécurité alimentaire ; elle ne s’oppose pas aux échanges internationaux et ne signifie ni l’autarcie, ni un repli à l’intérieur des frontières.

Souvent la question de sécurité alimentaire renvoie à des programmes nationaux visant la production de produits agricoles sur des superficies ou des exploitations d’une certaine taille pour des raisons de rendements d’échelles et de processus techniques.

Le monde rural (paysannerie) est souvent mis à la marge de ces processus, en raison de ses faibles moyens, or la population rurale, mise en marge de ces politiques se retrouvent elle-même dépendante des marchés des produits alimentaires produits localement ou importés. 

Pourtant la paysannerie dispose d’atouts considérables pour contribuer à la sécurité alimentaire (production d’autoconsommation et même d’excédents mis sur les marchés) ; plus que ça, le rôle de la paysannerie sera décisif, dans le cadre de la souveraineté alimentaire, grâce à ses capacités spécifiques et singulières dans les savoirs faire traditionnels, la résilience et la capacité d’adaptation aux contraintes climatiques, sanitaires et économiques.

« Il ne peut y avoir de solution durable à la sécurité/souveraineté alimentaire sans mobilisation sociale et sans réappropriation collective et partagée du destin de la Nation ».  Le rapport à la terre va au-delà de la production agricole, il est le socle de la souveraineté alimentaire et de la sécurité tout court.

La population rurale a ses rites et ses pratiques qu’elle considère comme son patrimoine. 

Les savoir-faire paysans sont séculaires, se transmettent et s’adaptent à l’évolution des techniques culturales, mais dans les limites de la durabilité, de la préservation des ressources.   

A partir de ces considérations, la gouvernance des espaces ruraux et des activités suppose une implication forte des acteurs locaux dans une gouvernance ouverte, responsable et socialement acceptable.  

C’est pourquoi la gouvernance des territoires ruraux suppose un enracinement des acteurs sur ces territoires au plan institutionnel (règlementation et normes juridiques), au plan sociologiques (formes de représentation sociales et des normes sociales) écologique (durabilité) et économique (préservation et renouvellement des ressources naturelles). Considérer la gouvernance comme un processus d’apprentissage collectif, de bas vers le haut plutôt qu’un cadre prescriptif et autoritaire de haut vers le bas. Ce n’est qu’à travers cette gouvernance ouverte et enracinée que se développent les innovations tant organisationnelles que génétiques (croissance des rendements, croisement des races locales avec des races à haut potentiel, semences, nouveaux produits issus de la valorisation des vergers algériens comme le palmier dattier…) et dans l’usage rationnel et durable des ressources rares en voie d’épuisement. Le partage d’expérience et le partenariat intra africains sont les principales recommandations de cette rencontre.  Car la souveraineté alimentaire ne peut se concevoir que dans cadre continental ou au moins régional.

Il s’agit, in fine, de construire de nouvelles relations pour organiser et maîtriser les marchés agricoles, autant à l’amont (intrants, matériel, facteurs de production), qu’en aval de la production. Dans ce cadre, il est temps aujourd’hui de développer le système coopératif qui a, dans beaucoup de pays, favorisé l’équilibre des territoires et la saturation des marchés intérieurs.  Ces filières territorialisées en développement sont aussi en attente d’infrastructures logistiques (chaîne de froid, stockage, transport, conditionnement, transformation…).  Les bassins de production qui se développent dans les nouvelles régions agricoles doivent bénéficier en priorité d’investissements structurants que l’Etat peut favoriser. L’innovation, la recherche développement et l’organisation des exploitations, pour produire plus et pas n’importe comment, sont encore les points faibles des politiques visant la sécurité alimentaire et au-delà la souveraineté alimentaire.  

Anouar El Andaloussi :

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