L’Algérie partage “entièrement” les préoccupations exprimées par les Nations unies quant à la récente mobilisation des forces dans diverses régions de la Libye, appelant les parties libyennes à “la sagesse et à la retenue”, a indiqué samedi un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger.
“L’Algérie partage entièrement les préoccupations exprimées par les Nations unies quant à la récente mobilisation des forces dans diverses régions de la Libye et tout particulièrement en direction de ses régions méridionales et occidentales”, soutient le communiqué du ministère.
“Face au nombre, à la diversité et à la complexité des obstacles auxquels se heurte encore la recherche d’un règlement pacifique à la grave crise que vit ce pays frère, la cessation des affrontements fratricides est un acquis précieux qu’il faut préserver à tout prix”, poursuit la même source.
“En conséquence, l’Algérie appelle toutes les parties libyennes à la sagesse et à la retenue pour épargner à leur pays et à leur peuple les retombées tragiques d’une reprise des affrontements dont les premières victimes sont toutes désignées : la solution pacifique de la crise, la réconciliation inter-libyenne, la réunification des institutions et en particulier les institutions sécuritaires, l’arrêt des ingérences étrangères et l’avènement d’une nouvelle ère de sécurité, de stabilité et de prospérité en Libye”, assure le ministère des Affaires étrangères.
Que se passe t-il en Libye
Des informations circulent depuis le début de la semaine dernière que les soldats du maréchal Khalifa Haftar, « le seigneur » de l’est de la Libye, font route en direction de zones du Sud-Ouest contrôlées par le gouvernement rival installé à Tripoli et reconnu par l’ONU, ce qui ravive le spectre de la guerre civile quatre ans après un cessez-le-feu.
De leur part, les autorités de Tripoli ont annoncé la mise en alerte de leurs forces dans le Sud-Ouest. « L’adjoint du chef d’état-major (…) a donné des instructions aux unités de l’armée d’être en état d’alerte et d’être prêtes à repousser toute éventuelle attaque » dans le Sud-Ouest, a annoncé une source de l’état-major des forces du « gouvernement d’union nationale » (GUN) à la chaîne Libya Al-Ahrar.
Khalifa Haftar, avec le soutien militaire d’alliés étrangers, dont l’Egypte et les Emirats arabes unis, avait lancé une offensive brutale, d’avril 2019 à juin 2020, pour s’emparer de Tripoli. Il avait été stoppé in extremis en périphérie de la capitale par les forces du GUN, appuyées par la Turquie. Même si les querelles politiques persistent et dégénèrent fréquemment en affrontements meurtriers entre groupes armés, le cessez-le-feu, signé en octobre 2020 après la déconvenue des troupes du maréchal Haftar, est largement respecté.
Jeudi dernier, le Haut Conseil d’Etat (HCE), sis à Tripoli et qui fait office de Sénat, a dit « suivre avec grande inquiétude les mobilisations militaires des forces d’Haftar dans le Sud-Ouest, visant clairement à renforcer son influence et étendre son contrôle sur des zones stratégiques communes avec nos voisins ». « Ces mouvements [de troupes] sont susceptibles de nous renvoyer aux affrontements armés et sont une menace directe pour le cessez-le-feu » de 2020, sapant tout « effort visant à réunifier l’institution militaire » et causant « l’effondrement du processus politique », a ajouté le HCE dans un communiqué.
L’objectif de Haftar est, vraisemblablement la prise de l’aéroport de Ghadamès, à 650 kilomètres au sud-ouest de Tripoli, actuellement sous contrôle du GUN. La prise par les forces pro-Haftar de Ghadamès, zone stratégique à l’intersection des frontières de la Libye avec l’Algérie et la Tunisie, « marquerait la rupture du cessez-le-feu de 2020 ».
Le contrôle de Ghadamès aurait « plusieurs avantages » pour le camp Haftar : « Empêcher tout mouvement des partisans [d’Abdel Hamid] Dbeibah vers le sud, isoler Dbeibah et retirer à Imad Trabelsi [son ministre de l’intérieur] l’atout précieux » du contrôle de cette zone frontalière, analyse pour l’AFP Jalel Harchaoui, chercheur associé à l’institut britannique Royal United Services. Les forces d’Haftar « convoitent depuis plusieurs années » l’aéroport de Ghadamès et ses alentours, car son contrôle « renforcerait de manière notable la donne territoriale d’Haftar face à l’Algérie, à la Tunisie et au Niger », selon M. Harchaoui. Le camp de l’Est aurait ainsi le contrôle sur tout le Sud, d’est en ouest.
Sid Ali/agences