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Conditions de vie : bas salaires et esprits déprimés

Le niveau des salaires en Algérie est parmi les plus bas au monde. Sans l’aide de l’Etat, la majorité de la population chuterait rapidement dans la misère. Cette situation crée également une démobilisation psychologique et freine la dynamique du développement du pays.

Un salaire de 150 mille dinars est considéré comme un haut revenu en Algérie. Pourtant, ce montant équivaut à 958 euros ou à 1080 dollars au change officiel et 750 euros ou 800 dollars au taux réel, celui en cours au marché noir.

Que dire, dans ce cas, de ceux qui perçoivent le salaire moyen, c’est-à-dire un peu moins de 42 mille dinars par mois, soit environ 210 euros au souk informel des devises au Square Port-Saïd d’Alger ? Avec un revenu aussi faible, lorsqu’il est converti en une devise étrangère, peut-on se nourrir décemment, se soigner, se déplacer, élever des enfants, louer une maison ou économiser pour acheter une demeure, une voiture ? Ceux qui touchent le salaire minimum ne sont même pas autorisés d’en rêver. Leur mensualité de 20 mille dinars rapporte 100 euros au marché parallèle, donc légèrement plus de 3 euros par jour.

Supprimer des subventions aux produits de premières nécessités et les remplacer par une compensation pécuniaire est, certes, prévu par les dernières annonces gouvernementales. Si le seuil de 120 mille dinars par mois est retenu comme plafond à l’éligibilité à l’aide directe, c’est pratiquement l’ensemble de la population qui en droit d’en bénéficier, car ils sont rares les employés qui touchent un tel montant.

Aïmene Abderrahmane a déclaré qu’il prévoit dépenser l’équivalent de 17 milliard de dollars par an en transferts sociaux. S’il distribue cette somme sur 40 millions d’habitants, ceux-ci obtiendront 425 euros en 12 mois, 35 euros en 30 jours et un peu plus de 1 euro par jour. Le salaire minimum grimpera ainsi à la bagatelle quotidienne de 4 euros et des poussières.

Ces chiffres indiquent clairement que la population algérienne figure parmi les plus pauvres de la planète et que, sans les aides de l’Etat, elle tombera vite dans la misère, y compris ceux qui touchent 150 mille dinars par mois. La situation socioéconomique que subit l’écrasante majorité est, en grande partie, responsable de la morosité et de la colère des citoyens.

En quelques années, des personnes sorties du peuple ont pu, grâce à des relations ou par des détournements et d’autres trafics, amasser des fortunes colossales qu’elles ont ensuite transférées à l’étranger. On parle de milliards de dollars parfois détenus par un seul bienheureux, alors qu’un homme ou une femme qui ont étudié pendant deux décennies, puis travaillé autant se contente du minimum et garde basse ses ambitions. Pourtant, c’est ce profil qui forme la classe moyenne, celle qui, dans les pays qui avancent, constitue la locomotive du développement.

En Algérie, depuis l’indépendance, cette catégorie qui regroupe les citoyens les plus instruits, les plus motivés, les décidés à faire de leurs enfants meilleurs qu’eux-mêmes joignent difficilement les deux bouts. Leurs préoccupations tournent aujourd’hui autour des fins de mois compliquées et leurs discussions sur les espoirs déçus ; une anxiété qui se transforme souvent à la retraite en un état dépressif permanent.

Un tel état d’esprit ne favorise pas une dynamique économique et sociale orientée vers la réussite. D’ailleurs, plusieurs détails visibles à l’œil nu démontrent la démobilisation générale et le sentiment de dégoût qu’éprouvent les Algériens. Ainsi, il est rare de voir des hommes costumés et cravatés dans les rues des grandes villes et, encore moins, de femmes en tailleur, comme c’est le cas dans les artères dans les grandes cités du monde. Le négligé recherché ou subi est devenu la norme en Algérie. L’autre indicateur concerne l’urbanisme. Le nombre important de constructions inachevées et non peintes renseigne sur la précarité psychologique dans laquelle se trouvent les propriétaires de ces logements.

Pour toutes ces raisons qui, au fond, sont dues à un substrat économique incapacitant, l’Algérie n’arrive pas à avancer ou devenir attractive pour les étrangers. Etant peu payés et ne pouvant pas envisager l’amélioration de leur conditions d’existence grâce à leur effort, les Algériens semblent inconsciemment ou par dépit se venger de leur pays en le sabotant. Les valeurs du travail et de l’effort, puisqu’elles ne sont récompensées que par une médiocre contrepartie,  sont partout démenties par un climat délétère qui pousse au découragement et, parfois, à l’autodestruction.

Mohamed Badaoui 

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