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A son 108 mardi de contestation : le Hirak étudiant donne des signes d’essoufflement

Les étudiants semblent avoir tiédi pour la contestation politique dans la rue. Leurs manifestations ne drainent guère que des centaines d’individus. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette démotivation.

Le Hirak estudiantin qui a fait de mardi sa journée de manifestation semble donner des signes d’essoufflement depuis le retour des marches, le 22 février. Hier, comme la semaine dernière, ils étaient, en comptant large, quelques centaines seulement à investir le centre-ville de la capitale. Alger, il est vrai, était sévèrement bouclé par un imposant dispositif policier. Ses accès ouest et est ont été cadenassés dès la veille par des barrages de la Gendarmerie nationale ce qui a provoqué de très longs bouchons.

Ces mesures dissuasives n’expliquent pas, cependant, la léthargie qui s’est emparée de ce fer de lance de la contestation qui a animé, dès le premier jour, le Hirak. Par sa vitalité, son organisation et sa clairvoyance, le mouvement estudiantin donnait même du courage au reste de la population. Ses sorties du mardi suscitaient l’admiration des aînés qui voyaient la relève militante assurée puisque, disait-on, les cadres de demain ont pris leur responsabilité envers l’émancipation du pays avant même la fin de leurs études.

Que s’est-il donc passé ? La pandémie et ses conséquences sont à mettre en tête des raisons de la tiédeur observée ces derniers temps parmi les étudiants. Les vacances forcées de plus d’une année ont distendu les liens entre les groupes qui activaient dans tous les établissements de l’enseignement supérieur. Les examens de fin de semestre organisés ces dernières semaines peuvent également expliquer leur démobilisation pour l’action politique. Après une saison universitaire totalement perturbée par la fermeture des campus et l’arrêt des cours en amphi ou en classe, les futurs diplômés ont eu certainement peur de rater l’année.

Vase clos

Toutefois, il existe une variable sociopolitique à prendre en compte. La population universitaire vit en vase clos et elle est encadrée par des leaders, des meneurs, par des syndicats et des associations. Il ne s’agit pas d’une masse informe comme celle qui manifeste les vendredis dans les rues du pays. Nous sommes donc face à une force organisée mais en même temps canalisée. Il suffit donc de «prendre en charge» la tête pour que le corps suive. D’ailleurs, bien avant l’interruption des marches à cause du Covid-19, les mardis ne drainaient pas autant de monde qu’aux premières semaines du soulèvement populaire contre la tentative d’une cinquième reconduction d’Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays.

Le Hirak général, lui, continue d’être «anarchiste» parce qu’il n’obéit à aucune autorité, à aucune direction, à aucun parti. C’est un mouvement hétérogène et traversé par tous les courants et les contradictions enfouis dans la société. Pour cette raison, il demeure irrécupérable pour l’instant même s’il est infiltré dans certains de ses compartiments par des «porteurs de projets» unificateurs et donc orientés vers des intérêts particuliers. Aussi, il suffit d’imaginer une structuration du Hirak comparable à celle du mouvement estudiantin pour anticiper son évolution.

Quoi qu’il en soit, la situation du pays demeure floue et imprévisible même si les autorités bataillent pour la ramener à la «normale» en convoquant le corps électoral pour un scrutin législatif à la fin du printemps. Le pouvoir commence à s’entourer d’un aréopage de partis et d’associations, dont certains avaient travaillé d’arrache-pied pour maintenir Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat pour un cinquième mandat.

Le véritable ennemi de l’ordre établi

Toute cette agitation se passe sous les yeux des instances et des puissances internationales qui semblent laisser le jeu se faire en se contentant d’avertir contre un quelconque dérapage non contrôlé. Avec l’arrivée du ramadan qui provoquera, à coup sûr, le renchérissement des produits alimentaires, il y a un risque d’une réaction intempestive de la population qui pourrait être plus dommageable qu’un Hirak pacifique et patient. Les citoyens ne défendront alors plus des valeurs universelles et revendiqueront l’émancipation. Ils sortiront dans le désordre pour réclamer leur quignon de pain et le droit de leurs enfants de bien s’alimenter puis de bien s’habiller le jour de l’Aïd. C’est cette escalade qui est plus à craindre si elle venait à avoir lieu.

En fait, le plus grand ennemi de l’ordre établi n’est pas le peuple intransigeant qui, chaque fin de semaine, scande des slogans «insolents» et provocateurs. Le vrai danger peut venir du cartel des spéculateurs et des trafiquants en tout genre qui se prépare à faire flamber le prix des produits de première nécessité. Il peut venir aussi d’une administration qui ne sait plus gérer le pays et se mettre au service du citoyen comme c’est le cas des postes désargentées et désorganisées au moment où les salariés viennent retirer leur maigre pension ou l’Algérienne des eaux qui régulièrement coupe l’eau et alimente ainsi le stress national. C’est aussi de cette mafia que les Algériens veulent définitivement se débarrasser.

Mohamed Badaoui

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