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L’Etat et la société parfaitement en accord sur la question : la place prépondérante de la religion en Algérie

Pendant que les autres pays musulmans tentent de se moderniser et de s’inspirer de modèles universels, en Algérie, l’Etat et la population s’agrippent avec force aux valeurs religieuses. Cela se traduit par une sorte d’autarcie culturelle et cultuelle dont on ne trouve pas d’équivalent dans le monde arabe et musulman.

Lorsqu’on visite pour la première fois la ville de Dubaï, on a du mal à croire qu’elle se situe dans le monde arabe et musulman. La cité qui n’était, jusqu’au années 1980, qu’un bourg coincé entre mer et désert s’est convertie à partir de 1995 à la religion du gigantisme post-moderne. A tel point que Burdj El Arab, qui était le symbole de la volonté de puissance de l’Emirat, devient aujourd’hui un immeuble nain, presque banal, devant la majestueuse silhouette de Burdj Khalifa.

Dubaï attire maintenant les jet-setteurs et importe les modes, les nouvelles tendances du monde entier. La mégalopole s’est imposée comme l’une des plus grandes de la planète et consomme avec avidité tout ce qui bouge, innove, rayonne. Elle a même convaincu le musée du Louvre à installer une dépendance sur son sol et fait courir les plus célèbres enseignes internationales qui veulent toutes s’y implanter. Sa « folie » a contaminé toute la région du Golfe pourtant connue pour son rigorisme religieux et son ancrage dans une tradition jadis méfiante de tout ce qui est étranger. Doha au Qatar, Manama à Bahreïn, Riyadh en Arabie Saoudite se comparent aujourd’hui aux villes des pays occidentaux et asiatiques les plus avancés.

L’Arabie Saoudite projette d’aller plus loin avec Neom, une agglomération futuriste faite de démesure. Le projet pharaonique qui est en train de sortir du désert s’étendra sur une superficie de 26 000 km2, soit 250 fois la taille de la ville de Paris. Il s’agira d’un centre urbain entièrement géré par l’intelligence artificielle et la technologie de dernier cri.

Ouverture des mentalités

Toutefois, plus que le progrès technique que les pays de Golfe cherchent à acquérir, c’est l’ouverture rapide des mentalités de leurs habitants qui est à noter. Sans renoncer à une interprétation de l’islam qui remonte à plusieurs siècles, ils embrassent, sans complexes, des influences glanées aux quatre coins de la Terre.

D’autres pays musulmans veulent franchir un pas plus radical. Ainsi, le soudan s’apprête à passer, sans transition, d’un régime théocratique qui a duré des décennies à un Etat laïc en 2021. En Egypte, les autorités ont affronté lors d’un face-à-face violent l’islamisme politique et ne cessent de bousculer les ordres et les sectes qui veulent perpétuer une vision passéiste du monde.

La Turquie qui est ouvertement laïque n’a jamais remis en cause, même sous le pouvoir de Justice et développement, parti d’obédience islamiste, le système instauré par Mustapha Kamal Atatürk. L’Iran inonde, pour sa part, les cinémas du monde par des films d’avant-garde parfois osés et commence à ébrécher la carapace dans laquelle l’a engoncé l’Ayatollah Khomeiny.

Au Maghreb, la Tunisie, le Maroc ont entamé leur mue pour s’ouvrir davantage et la Libye, une fois la stabilité retrouvée, se révoltera à son tour contre l’idéologie qui a risqué de la diviser.

En Algérie, la religion demeure, officiellement, prépondérante et parfois décisive dans la gouvernance du pays ainsi que dans sa législation. Le ministre des Affaires religieuses et du waqf se prononce sur toutes les questions y compris sur le caractère licite ou illicite de la vaccination contre le Covid-19. Youcef Belmehdi a, en outre, souvent pesé de tout son poids symbolique pour donner des orientations politiques à telle ou telle occasion.

Hier, lors d’une visite à M’sila, il a estimé que l’ouverture d’écoles coraniques et de nouvelles zaouïas constitue « une preuve de l’attachement des Algériens à leur religion et à leurs valeurs spirituelles ».

C’est un fait que l’enseignement religieux a pris de l’ampleur ces dernières années, bien que les Algériens soient musulmans depuis 15 siècles. Ces établissements ont effectivement changé le rapport au monde des citoyens. Les jeunes générations sont plus attachées au dogme que celles de leurs parents et même de leurs grands-parents. La réalité est, chez eux, déterminée par l’exégèse que par l’examen de la raison. Les jeunes considèrent que les influences venues d’ailleurs comme un danger contre la cohésion sociale et l’identité du pays.

2487 medersas coraniques

En plus de l’éducation religieuse dispensée par les école publiques et privées, il existe 2487 medersas coraniques à travers le territoire national. Environ 2000 d’entre elles sont annexées à des mosquées, pour 507 autonomes. Elles forment plus d’un million d’élèves, dont 21 000 âgés de 4 à 6 ans.

Ces établissements participent également à l’alphabétisation de 80 000 apprenants et accueillent des adultes (retraités, femmes au foyer et étudiants) désireux d’apprendre la récitation du Coran.

Ces chiffres, lorsqu’on les compare à ceux de l’enseignement artistique, corroborent les propos de M. Belmehdi. En effet, l’Etat algérien semblent prioriser depuis plusieurs années la formation théocratique par rapport à celle des arts et des lettres. Ainsi, le nombre de conservatoires de musique et les instituts d’enseignement des Beaux-Arts est très faible au regard de la taille de la population.

La musique, la danse, la sculpture, la peinture demeurent des activités suspectes aux yeux de nombreux Algériens car considérées déviantes, licencieuses et contraires aux préceptes de l’islam.

L’Algérie actuelle a donc fait le choix de fonder sa culture sur des valeurs ancestrales et non sur la modernité par crainte de dissolution des mœurs. La société, elle-même, est convaincue que la voie du salut réside dans une forme d’autarcie culturelle et cultuelle à même de préserver la pureté de sa foi. Elle croit que toute remise en cause du dogme, aussi infime soit-elle, est un mal intrusif qui doit être combattu.

Au quotidien, les choses sont un peu plus nuancées et permissives. Cet écartèlement entre le discours et la réalité, entre le credo et le comportement, divise le cerveau entre l’idéal théorique inculqué aux enfants d’Algérie dès leur jeune âge et ce qu’ils voient en société. Certains d’entre eux résolvent le dilemme en prenant la mer vers l’Occident au péril de leur vie, d’autres en se réfugiant dans les psychotropes, la délinquance ou l’extrémisme tandis qu’une autre partie, la plus nombreuses, ne sait plus sur quel pied danser.

Mohamed Badaoui  

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