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A la veille du mois de ramadan : Alger sous la menace de pénurie d’huile et de coupures d’eau

C’est une semaine de stress carabiné que vivent les habitants d’Alger. La terrifiante hausse du prix de l’huile de table, les annonces de coupures d’eau par Seaal, la cherté de certains aliments et la météo diluvienne des derniers jours ont créé un microclimat angoissant dans la capitale.

L’huile de table qu’on appelait jadis l’huile sans goût est devenue ces temps-ci la reine de la gastronomie. Son cours s’est rapidement enflammé sur le marché noir, atteignant près de mille dinars pour la marque la moins chère alors que les autres labels n’ont pas souffert de pénurie. Cette situation a poussé le P-dg de Cevital, Issad Rabrab, a réagir pour tenter de calmer les consommateurs que l’arrivée imminente du ramadan met sous pression. « On n’a pas de problème de production, a affirmé Rebrab, en marge de l’inauguration d’un salon des produits alimentaires à la Safex d’Alger. Il n’y a pas de problème de manque d’huile. Nous en avons plus qu’il n’en faut. Il n’y a absolument aucun problème, ni de production, ni de stocks ».

Son directeur de communication, Mouloud Ouali, a été plus nuancé. Pour lui, « il y a une crise mondiale des matières premières qui ont enregistré une hausse sans précédent ». Il a cependant tenu, lui aussi, un discours rassurant. L’huile de table « disponible couvrira les besoins du marché pendant le mois de ramadan », a-t-il promis.

Que s’est donc passé ? Y aurait-il eu une volonté délibérée pour organiser la rareté à des fins de spéculation ? Si on suit le doigt pointé par l’Union générale des commerçants et artisans algériens, on serait tenté de répondre oui. Dans un communiqué publié hier sur sa page Facebook, le syndicat a appelé les grossistes à approvisionner les détaillants, à inonder le marché d’huile et à déstocker ce qu’ils ont dans les magasins. Il a en outre mis en garde contre « les tentatives désespérées qui cherchent à semer les rumeurs, la confusion et les conflits en fabriquant des crises pour frapper la stabilité de la patrie et la tranquillité des citoyens et pour semer la confusion chez le consommateur, surtout à l’approche du mois sacré du Ramadan ».

Conséquences préjudiciables

L’heure est donc grave. La capacité de paiement de la majorité des citoyens est très affectée à trois semaines du mois sacré qui constitue toujours un pic de consommation. Si une inflation subite souffle sur le pays alors qu’il traverse une crise politique et économique majeure, les conséquences pourraient être extrêmement préjudiciables.

Khaled Belbel, le président de la Fédération nationale de l’agroalimentaire, a quant à lui mis la responsabilité des perturbations de l’approvisionnement en huile de table sur le dos des détaillants. Ils seraient, selon lui, les seuls coupables puisque, dit-il, ils refusent de facturer leurs avoirs auprès des grossistes.

Un autre liquide précieux, même vital, l’eau, est un sujet de préoccupation autrement plus sérieux. Les coupures annoncées récemment par Seaal ont provoqué un véritable vent de panique dans la ville. La perspective de rester quatre jours à sec a agi comme un stupéfiant sur les Algérois qui se sont mis à stocker l’eau dans tous les récipients qu’ils possèdent. Les plus angoissés se sont rués sur les jerrycans disponibles sur le marché créant ainsi une autre pénurie. D’autres ont sillonné la grande banlieue pour acheter des citernes et des moteurs et éviter ainsi la panne sèche.

Couac, rumeurs et soupçons

Le communiqué de la Seaal parlait en effet d’un arrêt complet de l’approvisionnement d’une quarantaine de communes en eau, de dimanche à mercredi. Cependant, la coupure n’a pas eu lieu ou, uniquement, en soirée.

Ce couac a aussitôt alimenté les rumeurs et les soupçons. « Il s’agit d’un coup politique », disent les uns. « Ils veulent nous faire peur », disent d’autres. « C’est à n’y rien comprendre », avouent les plus désabusés.

Il n’y a qu’hier que le directeur général de l’Algérienne des eaux, Hocine Zaïr, a daigné prendre la parole pour déclarer à la Chaîne III de la Radio algérienne que l’opération d’assèchement des robinets entrait dans le cadre d’une démarche d’économie d’eau. Seaal avait évoqué la nécessité de maintenance des installations notamment à la station de dessalement d’El Hamma. Il est dès lors difficile au citoyen lambda de ne pas croire qu’il y ait anguille sous roche.

Pour Hocine Zaïr, le stress hydrique que connaît le pays « nous impose de préserver les réserves existantes au niveau des barrages, ce qui va se traduire inévitablement sur le terrain par une réduction des plages horaires de distribution, sauf si les réserves se reconstituent d’ici le mois de mai prochain ». Allez comprendre quelque chose !

Caprice de la météo

Dernier motif d’inquiétude, le bulletin de météo spécial qui avait prévenu que des quantités astronomiques de pluie accompagnées de neige et de grêle allaient s’abattre sur plusieurs régions du pays. Certains avaient même peur d’être emportés par les fleuves en furie comme ce fut le cas à Bab El oued en 2001 ou récemment à Chlef. Mais le déluge n’a pas eu lieu sauf dans les esprits des citoyens qui n’avaient pas besoin d’une inquiétude supplémentaire.  En ces temps troubles, il faut garder un œil vigilant sur tout ce qui peut faire monter d’un cran le thermostat national. Surtout que le récent séisme qui a frappé Béjaïa a ravivé une terreur que tous les Algériens redoutent : les tremblements de terre. A tel point que beaucoup d’entre eux deviennent des géologues amateurs, au fait du mouvement des plaques tectoniques et  du positionnement de leur pays sur la « dorsale de feu ». La seule bonne nouvelle, en fait, c’est la réduction des cas de contamination par le Covid-19 et celui du nombre de morts causé par l’épidémie.

Il est vrai que les Algériens forment un peuple résilient et patient, mais force est de constater que ces dernières années on le nourrit de peur. En plus des risques géopolitiques qu’on lui rappelle chaque jour, de la crainte de la dislocation de l’unité nationale qu’on lui répète souvent, voilà que des responsables du secteur économique lui ajoutent de nouvelles raisons de perdre le sommeil.

Mohamed Badaoui  

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