Face à un harcèlement omniprésent dans l’espace public, des dizaines puis des centaines de femmes algériennes – étudiantes, mères, jeunes filles – ont décidé de réagir. Munies de leurs téléphones, elles filment leurs agresseurs et diffusent les vidéos sur les réseaux sociaux sous le hashtag #لا_للتحرش_في_الجزائر (« Non au harcèlement en Algérie »). Ce mouvement, proche d’un #MeToo local, repose sur une méthode directe : exposer publiquement les harceleurs pour dénoncer l’impunité.
Dans les rues, les transports, les marchés ou près des écoles, les femmes subissent regards intrusifs, propos obscènes, filatures et agressions. Longtemps banalisé, ce fléau est désormais visé par une nouvelle génération qui refuse de se taire. Sur TikTok, Facebook ou Instagram, les femmes montrent les visages des agresseurs et lancent un message clair : la honte change de camp.
Cette démarche de « name and shame » – nommer et humilier – divise l’opinion. Certains saluent une riposte nécessaire ; d’autres invoquent la protection de la vie privée ou la légalité de filmer autrui sans consentement. En Algérie, filmer une personne sans son accord est effectivement encadré par la loi. Toutefois, le harcèlement de rue est un délit reconnu depuis 2015, puni par l’article 333 bis du Code pénal : de 2 à 6 mois de prison et jusqu’à 100 000 dinars d’amende, des peines doublées en cas de victime mineure.
Le mouvement a trouvé un écho au-delà des frontières. Des membres de la diaspora et des internautes du Maghreb expriment leur solidarité, rappelant que ce combat est universel. Influenceuses et pages militantes encouragent les victimes à ne plus subir en silence. Pour beaucoup, filmer devient un acte de légitime défense, surtout dans un contexte où les plaintes aboutissent rarement.
L’initiative a également permis de faire émerger une conscience collective, forçant médias et autorités à regarder en face une réalité trop longtemps ignorée. Si l’impact à long terme reste incertain, une chose est claire : un changement de paradigme est en marche, porté par une génération connectée, courageuse et déterminée à faire reculer le harcèlement.
Sid.A