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REMINISCENCES

Par  Mohamed  Khalfaoui

J’ai lu l’histoire lointaine de mon pays. Elle m’a appris que son peuple a subi la désunion qui a favorisé maintes et maintes fois son invasion et sa dévastation. On l’appelait la Numidie. Que ce peuple vaillant opposait une résistance farouche à ses ennemis avec des moyens souvent inadaptés par rapport à ceux des envahisseurs ai-je remarqué. Mais mes aïeux ne se laissaient pas intimidés, la survie de leur communauté n’était pas négociable.

J’ai appris que le vaillant peuple numide a enfanté des hommes et des femmes qui se sont dressés contre la puissante Rome, tandis que d’autres réussirent à se hisser au sommet des instances de l’empire.

Menacé, assailli et humilié par les puissances de l’époque, mon pays a cherché àse protéger contre l’envahisseur. Ses dirigeants qui n’ignoraient pas le rapport de force dans le monde méditerranéen au moins, n’avaient pas voulu ou n’avaient pas pu s’unir et unir leurs forces sous la même bannière. Aussi, ont-ils préférés sauvegarder jalousement les privilèges que leur procuraient leurs dérisoires royautés au mépris de l’avenir commun. Ils récoltèrent, en conséquence, humiliation et soumission pour eux-mêmes, pour leur descendance ainsi que pourleur noble peuple.

Siècle après siècle, seul face à son destin, le peuple s’organisait malgré les conditions effroyables quelui imposait l’occupant. A chaque époque des hommes et des femmes émergeaient de son sein pour contester le joug de l’envahisseur au prix de leurs vies. Le rapport de forces était toujours à l’avantage de l’agresseur implacable. Les mères regardaient, impuissantes face à la barbarie de l’envahisseur,l’étranger. Seules leurs mémoires purent enregistrer les images de leurs vaillants combattants pour les raconter aux générations futures. Les enfants piaffaient d’impatience pour s’engager aux côtésde leurs parents et de leurs frères,à peine sortis de l’adolescence, dans les batailles sanglantes.Les larmes aux yeux, les images de la voie à suivre pour sauvegarder « l’honneur dela tribu », et la liberté de leur pays s’incrustaient dans leurs mémoires.

Le hasard, la conjoncture et l’éveil ont permis aux hommes libres de comprendre les origines de leurs échecs : La désunion et l’absence d’une communauté de destin. Ils en vinrent à s’organiser autour departis politiques pour construire une conscience nationale. Infatigables, déterminés et convaincus deleur noble but, ils sillonnèrent le pays au risque de leur vie pour recoller les morceaux d’une culture authentique que l’occupant s’attela à démanteler systématiquement. L’Algérie politique était en marche, l’union sacrée du peuple s’affirmait. Guerre après guerre, l’esprit combattant réémergea et s’exprima vaillamment un certain glorieux1erNovembre 1954, lorsque, à l’initiative de nos Six éternels et sous le commandement de nos glorieux Vingt-deux, les jeunes algériens se jetèrent finalement dans la bataille. Ils tombèrent nombreux au champ d’honneur le fusil à la main pour un seul idéal : libérer l’Algérie.

De mes réminiscences remontent les manifestations des années soixante. Alors enfant, je regardais et parfois y participais même, comme tant d’autres enfants de mon âge. Accroché au voile ‘’ la m’laya’’ de ma défunte mère, brandissant le drapeau national dessiné maladroitement de ma main sur une feuille de papier je criais à tue-tête « Tahya El Djazaïr, à bas Salan ».

Après l’euphorie de la joie exprimée dans les liesses populaires, du rêve refoulé des siècles durant, l’histoire enregistre une nouvelle page sombre sur laquelle se dessine la fracture non encore colmatée entre les frères d’armes, entre combattants des wilayas 2, 3 et 4 et l’armée des frontières soutenue par les wilaya 1 et 5. Des tirs de l’artillerie lourde furent entendus non loin de Aïn Oussera, des accrochages eurent lieu à Sour El Ghouzlane… Le peuple, fortement meurtri par la guerre, sort pour donner sa sentence « Septannées nous suffisent ». Si Les armes se taisent, la lutte pour le pouvoir commence subrepticement. L’ANP s’organise et complète ses effectifs par les hommes de « la Force locale » et autres nouvelles recrues de la dernière heure c’est-à-dire incorporées après la proclamation du cessez-le-feu, le 19 mars 1962. Plusieurs combattants de la liberté des wilayas 2, 3 et 4 sont démobilisés, forcés ou déçus par l’impasse où la Révolution est poussée par la déraison des hommes, démissions et arrestations de grandes figures de la Révolution brouillent la perception de l’avenir du pays. Un régime autoritaire s’installe.

Aujourd’hui, après plus d’un demi-siècle d’indépendance, l’état de la nation renvoie au pouvoir les résultats de ses choix exclusifs. Au fil des ans la déception gagne de larges franges de la société. Nos brillants enfants quittent le pays, des familles entières s’exilent ailleurs. De jeunes algériens désespérés traversent la Méditerranéebravant la furie des eaux et le risque denoyade, tandis que d’autres noient leur désespoir dans la consommation effrénée de stupéfiants. Le jeune algérien destiné à reprendre le flambeau des Six se meutalors en Hitiste, Harag, drogué… situation qui renseigne par ailleurs sur le drame profond de nombreuses familles et sur l’état d’esprit de larges franges de notre jeunesse.

Mais comme attendu, j’ai vu un certain 22 Février 2019 le peuple, toutes générations confondues, se soulever contre l’oppression, mobilisé et uni dans un grandiose Hirak, clamant haut et fort sa sentence « Vingt ans ça suffit » et revendiquantle recouvrement légitime de ses droits. Enivré par l’imminence d’un changement heureux pour notre pays, particulièrement lorsque la foule prenait à témoin Ali La Pointe, j’avais écrit : « Il est des moments où le temps s’arrête, le destin exige le sacrifice, alors les nations lancent un regard vers leurs belles jeunesses pour relever les défis. »

A ce jour, je me demande, comme beaucoup de mes compatriotes, si le pouvoir a fait une bonne lecture des 58 années de gabegie  sous la férule d’un système gangréné par la corruption et même, chose rarissime ailleurs, entaché de l’opprobre de la trahison.

Les observateurs de la scène politique algérienne n’ont pas manqué de comparer les marches du Hirak aux liesses populaires post indépendance. L’indifférence vis-à-vis des appels du peuple donneraitalors tout sonsens à l’adage insultant « … la caravane passe » répété à l’envie à son  adresse par certains responsables véreux dont aujourd’hui certains croupissent en prison, d’autres sont en fuite etles plus chanceux tapis encore dans les arcanes du pouvoir.

L’état de décomposition de certains Etats voisins nous invite à examiner la situation régionale sous un angle novateur, à l’aune du nouveau paradigme qui sous-tend les relations internationales. Cette nouvelle approche doit  objectivement s’adapter à nos capacités et à nos intérêts. En effet, la Libye, engluée dans une guerre imposée par des agendas étrangers, ne retrouvera le chemin de la paix que lorsque les forces en présence, extérieures et intérieures, s’accorderont sur un compromis mutuellement avantageux ; l’instabilité chronique au Mali exacerbe les tensions locales ; Il estencore loin d’une solution consensuelle et réalisable ; l’affaissement continue du monde arabe révèle un recentrage d’intérêts qui fait voler en éclats les principes fondateurs de sa Ligue et menace à long terme notre propre sécurité.

Une des réponses à cette conjonction de risques internes et de menaces à nos frontières est l’unité nationale portée par le mouvement populaire. Les experts s’accordent à penser que les dynamiques transfrontalières sont des vecteurs de diffusion et d’amplification des facteurs de crises et de conflits pour le Sahel et de menaces directe à notre propre sécurité. L’erreur est alors de se considérer l’exception dans un monde qui se recompose partout ailleurs sous la férule de forces externes hégémoniques.

Officier de l’ANP à la retraité

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