Le président français Emmanuel Macron a consacré une partie de l’interview accordée au quotidien parisien le Figaro au récent coup de froid qui gèle les relations en son pays et l’Algérie.
L’interminable feuilleton des bouderies-réconciliations algéro-françaises se poursuit et prend à chaque une nouvelle couleur le long d’une intrigue qui ne cesse de s’allonger. Le dernier épisode a eu pour vedette le président français Emmanuel Macron qui, au détour d’une interview accordée au quotidien parisien Le Figaro, a, entre autres chose, évoqué les relations alambiquées entre son pays et son ancienne colonie.
Les récents développements ont apparemment froissé l’orgueil du coq au français au point que le chef de l’Elysée en prenne ombrage. Ainsi, la définition de la France par El Hachemi Djaâboub comme étant « l’ennemi éternel et traditionnel » des Algériens a provoqué une forte émotion de l’autre côté de la Méditerranée.
« C’est inacceptable » s’est offusqué Emmanuel Macron. D’autres personnalités politiques françaises en avaient pris avant lui la mouche, montrant plus que de l’agacement. D’ailleurs, on ne sait pas si l’annulation de la visite du premier ministre Jean Castex qui devait venir à Alger le 11 avril a été, en partie, motivée par la déclaration du ministre algérien du Travail. Il se peut aussi qu’El Hachemi Djâaboub a décoché sa pique, certainement au nom du gouvernement algérien, après qu’il a eu vent d’un probable coup de Trafalgar fourbi par la délégation française.
Quoi qu’il en soit, les relations entre Alger et Paris ne sauraient s’arrêter aux émotions. Les intérêts qui les lient sont colossaux et déterminants pour leur avenir. En matière d’échanges économiques, l’Algérie demeure un grand marché des entreprises françaises et un des principaux fournisseurs d’hydrocarbures de l’Hexagone.
En matière de sécurité, les services de renseignements de deux pays coopèrent souvent en parfaite entente sur tout ce qui concerne la lutte antiterroriste, les migrations clandestines et les trafics en tous genres. Sur le plan culturel, la France manœuvre délicatement pour garder son influence sur une partie de la jeunesse algérienne à travers ses centres culturels. Politiquement, les autorités françaises ont rarement montré un penchant pour tel ou tel courant, même si elles ont souvent exprimé leur sainte horreur de l’islamisme politique et de l’éventualité de sa prise de pouvoir en Algérie. Evidemment, elles s’abstiennent de s’immiscer dans les affaires internes algériennes mais expriment parfois à demi-mots leur préférence pour tel ou tel scénario. Ainsi, à la veille de la chute retentissante d’Abdelaziz Bouteflika, l’Elysée et le Quai d’Orsay avaient applaudi la proposition de transition que le président déchu avait rendue publique. Cette accointance avait été perçue à l’époque comme une ingérence de la part de l’ancienne force d’occupation et un soutien à l’autocrate grabataire qui voulait, coûte que coûte, se maintenir contre la volonté d’un peuple en marche pour son émancipation.
Quelques questions géopolitiques demeurent sujettes à caution entre les deux régimes. On peut citer la position de la France sur le Sahara occidental, les activités de son armée au Sahel et le paiement de rançons contre la libération d’otages aux mains de groupes terroristes. Cependant, la discorde enflamme les joutes à chaque fois qu’il s’agit d’histoire et de mémoire. A la partie algérienne qui réclame de la France des excuses officielles pour la colonisation et pour les exactions commises lors de la Guerre de libération dont les essais nucléaires, les différents chefs d’Etats français ont tous opposé une fin de non-recevoir. Jacques Chirac avait même fait la promotion de l’apport positif de la colonisation.
En revanche, depuis sa campagne de candidature à la présidence de la république, Emmanuel Macron n’a cessé de bousculer les tabous sur l’épineuse question. Il a multiplié les gestes symboliques dans le but de tenter de « réconcilier les mémoires ». Il a, entre autres, chargé l’historien Benjamin Stora de lui préparer un rapport dans ce sens sur la base duquel il a déjà reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la torture et la mort du nationaliste algérien Ali Boumendjel en attendant d’autres actions.
Cela dit, Emmanuel Macron a tenu à préciser que son action n’était pas purement altruiste et qu’il s’agissait, d’abord, d’un travail de la France sur elle-même. « Ne vous y trompez pas, derrière le sujet franco-algérien il y a d’abord un sujet franco-français », a-t-il souligné. « Au fond, nous n’avons pas réconcilié les mémoires fracturées ni construit un discours national homogène (…) La mémoire fracturée, c’est celle des pieds-noirs, celle des harkis, celle des appelés du contingent, celle des militaires français, celle des Algériens venus ensuite en France, celle des enfants de cette migration, celle des binationaux… ». Il a enfin livré le véritable fond de sa pensée en disant « je ne suis ni dans la repentance ni dans le déni. Je crois dans une politique de la reconnaissance qui rend notre nation plus forte ».
Mourad Fergad