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Célébration de la Journée internationale des droits des femmes : un mini Hirak féminin dans les rues d’Alger

Le centre-ville d’Alger était égayé, hier, par les sourires des femmes qui célébraient le 8 mars mais également animé par un mini Hirak de femmes. La marche était fermement encadrée par un grand dispositif policier mais qui n’a donné lieu à aucun incident. Les manifestantes n’ont pas scandé des slogans spécifiquement liés à la condition féminine mais repris ceux du mouvement populaire.

Les harceleurs des femmes, tout le temps collés aux murs du centre-ville d’Alger, trouvent, une fois par an, quelque chose d’intelligent à adresser à celles qui passent devant eux : « bonne fête ». Ce vœu est à la fois ironique et intéressé puisqu’au fond d’eux les mâles, dans leur majorité, rechignent à  l’idée que la femme soit leur égale. « Elles veulent devenir des hommes » commente justement l’un d’eux. « Cette fête est contraire à nos traditions », renchérit un autre. « Je suis d’accord avec les droits, acquiesce une vieille dame, mais il ne faut pas que ça aille trop loin. Trop de liberté peut mener à la dérive ».

Le patriarcat qui a imposé un statut inférieur à la femme algérienne date de plusieurs millénaires et il est extrêmement ardu de le faire évoluer. C’est lui qui lui a assigné le rôle de procréatrice puis de gardienne du foyer et des enfants. Jusqu’aux dernières décennies, la femme n’était respectée que dans ce cadre : elle est petite fille puis, sans transition, épouse, mère, grand-mère.

Marche à Alger

Ce conditionnement atavique semble avoir été entendu par le mouvement féministe algérien. Certaines activistes haussent, certes, le ton mais savent que leur voix ne porte pas très loin et en profondeur.

Ainsi les centaines de femmes qui ont marché hier à Alger n’ont pas levé des slogans pour demander plus de droits aux femmes. Elles ont préféré organiser une sorte de mini Hirak, où il y avait d’ailleurs beaucoup d’hommes, pour exiger comme lors du rassemblement hebdomadaire le départ de la direction politique du pays et l’instauration d’un « Etat civil ». Sur une vidéo qui circule sur Youtube, une manifestante voilée dans la cinquantaine a déclaré à un homme qui lui demandait si elles étaient dans la rue pour réclamer l’abrogation du Code de la famille : « nous sommes sorties contre le régime et pour avoir notre indépendance. Nous ne parlons ni du Code de la famille, ni du Code de l’homme, ni de Code de la femme. Notre problème est avec le régime. Il faut qu’il tombe. C’est au peuple que revient la légitimité. »

Sentant le coup venir, la police n’a pris aucun risque. Elle a ainsi déployé un impressionnant dispositif de sécurité au quartier de la Grande Poste et le long de la rue Didouche Mourad, particulièrement à la place Maurice Audin. Plusieurs fourgons et voitures ainsi que des sections d’agents anti-émeutes étaient visibles à différents endroits de la capitale.

Le souvenir du 8 mars 2019

Le souvenir du 8 mars 2019 est apparemment encore frais dans les mémoires. Cette date qui avait coïncidé avec un vendredi, au tout début du Hirak, a donné lieu à une démonstration de force du mouvement populaire où hommes et femmes s’étaient unis pour réclamer la chute du règne de Bouteflika. Ce jour-là, ils étaient des millions à prendre d’assaut quasiment tous les centres urbains du pays pour réclamer, à l’unisson, la fin de partie d’un régime qui s’apprêtait à organiser la réélection d’un moribond pour un cinquième mandat.

Ironie du sort, Bouteflika a été le président qui a le plus instrumentalisé la question féminine. C’est durant son ère que la représentation féminine dans les institutions, notamment l’Assemblée nationale, s’est considérablement accrue. Evidemment, le choix des représentantes ne faisait pas l’unanimité. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui accusées d’avoir servi son pouvoir avec autant de zèle que les hommes.

Deux ans plus tard, les choses ont bien changé en Algérie, où la contestation ne faiblit pas, mais pas les droits des femmes, du moins pas avec l’intensité et la rapidité réclamée par les féministes. Celles-ci savent comment faire entendre leur voix bien qu’elles n’aient pas acquis suffisamment de force pour devenir un phénomène politique de premier ordre. Elles se contentent, pour l’instant, d’occuper l’espace à l’instar du carré qu’elles ont conquis au sein du Hirak et font avancer leur cause petit à petit. Elles savent que, sur certaines questions telles que le Code de la famille, la majorité des femmes algériennes ne sont pas prêtes à affronter leur père, leurs frères et leurs maris.  Car, au fond, elles tiennent elles-mêmes à la structure sociale du pays par crainte de l’inconnu que constituerait le relâchement des mœurs, croient-elles, et la dislocation des familles si les femmes accèdent rapidement à une liberté à l’occidentale et à une modernité débridée.

Le mariage, une institution sacrée

Le mariage demeure une question sacrée en Algérie. Selon la charia musulmane, cette institution constitue « la moitié de la religion ». Et c’est à la femme que revient la responsabilité de maintenir l’équilibre du foyer, selon tous les théologiens. Elle est également la garante de l’honneur de toute sa lignée et, de ce fait, doit se soumettre à l’autorité des mâles qu’ils soient ses propres parents, sa fratrie  ou même n’importe quel quidam dans la rue.

Cela dit, la femme algérienne a par son propre effort, sa pugnacité et son talent arraché, sans le crier sur les toits, de nombreux acquis. Le premier de tous est l’éducation. En effet, à l’indépendance, elles étaient extrêmement rares celles qui fréquentaient l’école. La colonisation leur a été plus dommageable qu’à l’homme. Rabaissée au statut de poule pondeuse ou, dans le meilleur des cas, à celui de bonne chez les colons, elle a rapidement, une fois le pays libéré, investi l’école puis l’université et le monde du travail.

Le nombre d’écolières, de lycéennes et d’étudiantes en Algérie se chiffre aujourd’hui par millions. Le signe de cette ascension sociale se voit aussi dans toutes les entreprises et les institutions. Elles ont, pour la plupart, accédé à l’autonomie financière en travaillant en dehors de la maison. Elles avancent, en somme, beaucoup plus rapidement que la société mais la mentalité patriarcale a du mal à accepter ce développement.

Mohamed Badaoui

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