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Au cinquantenaire de leur nationalisation : les ratés d’un développement tiré par les hydrocarbures

L’histoire récente de l’Algérie est marquée par plusieurs dates importantes. Le 24 février 1971 en est une. Ce jour-là, feu Houari Boumediene prend une décision qui déterminera l’avenir du pays : La nationalisation des hydrocarbures.

C’était un Houari Boumediène au faîte de sa puissance qui a, le 24 février 1971, annoncé que désormais l’Etat algérien allait devenir le propriétaire exclusif de ses ressources énergétiques. Le colonel, qui n’était pas encore élu président de la République, cumulait alors les fonctions de président du Conseil de la révolution, de chef de gouvernement et le poste de ministre de la Défense.

Boumediène était également un leader très influent dans le Tiers-Monde et l’une des têtes d’affiche du mouvement des Non-alignés. Socialiste convaincu, il voulait que la richesse du sous-sol du pays bénéficie d’abord aux Algériens et soit exploitée pour développer le pays.

Il se lance, juste après, dans une vaste politique d’industrialisation « industrialisante », inspirée des travaux de l’économiste français Gérard Destanne De Bernis. L’Etat algérien étend ainsi son monopole sur tous les secteurs de l’économie en devenant le seul patron des entreprises de production mais aussi des services. Il achète des usines clés en main en contrepartie d’un lourd endettement. Il réforme dans la foulée l’agriculture par « une révolution agraire » basée sur le principe « la terre revient à celui qui la travaille » et exproprie, pour ce faire, plusieurs propriétaires considérés à l’époque comme des féodaux pratiquant le servage.

Bouleversement démographique

Ce chambardement est dû directement ou indirectement à l’assise pétrolière de l’économie. Car durant toutes ces années, c’est Sonatrach qui finançait tous ces chantiers. La part des autres secteurs, particulièrement l’agriculture, rétrécissait à vue d’œil. D’ailleurs, comme dans d’autres pays socialistes de l’époque, les pénuries étaient devenues structurelles.

Ce modèle a, d’autre part, favorisé le dépeuplement des campagnes car les habitants de l’intérieur du pays préféraient s’installer en ville ou à sa périphérie pour travailler dans des unités manufacturières au lieu de s’échiner à labourer la terre. Cela s’est traduit par un bouleversement démographique rapide qui a totalement reconfiguré le paysage urbain.

A la mort de Boumediène, Chadli a stoppé brutalement cette dynamique en déstructurant les ensembles créés sous son prédécesseur et libéralisé les activités économiques pour les orienter vers la création d’une économie de marché et de consommation. L’Algérie, qui s’appuyait toujours sur une seule ressource, les hydrocarbures, vivait à l’époque dans l’aisance puisque l’or noir se négociait à 40 dollars le baril tandis que le dinar valait plus que de nombreuses devises étrangères.

En 1986, à l’occasion du premier contrechoc pétrolier, le rêve d’un développement rapide prend subitement fin. Le pétrole est tombé en quelques jours à 10 dollars mettant ainsi l’Algérie dans une situation de désastre économique.

Le poids de son endettement extérieur l’étouffait pendant que la population croissait à un rythme effréné. Il ne restait, dès lors, que la sollicitation de la mansuétude des institutions financières internationales pour espérer desserrer l’étau.

Endettement et violence politique

Commencent alors des négociations très dures avec le FMI, les Clubs de Paris et de Londres ainsi qu’avec des pays « frères » et « amis », mais aucune démarche n’a abouti. C’est, en fin de compte, un plan d’ajustement structurel extrêmement sévère qui est imposé à l’Algérie. Le rééchelonnement de sa dette était assorti de mesures draconiennes, telles que la fermeture d’unités de production, la compression de personnels, la réduction de la dépense publique sur les services sociaux, l’éducation, la santé, la culture et tant d’autres nécessités.

En parallèle, le pays connaissait une spirale de violence politique inouïe provoquée par une multitude de groupes terroristes qui avaient mis le pays à feu et à sang. Bilan : 200 mille morts, un nombre élevé de blessés, d’estropiés, de traumatisés en plus d’un exode massif de cadres algériens vers l’étranger. A cela s’ajoute la destruction de plusieurs infrastructures et un retard technologique dû au boycott du marché algérien par les firmes étrangères qui prétextaient la crainte des attentats contre leurs intérêts et leurs personnels.

Sous l’ère Bouteflika qui a été élu président en 1999, les choses commençaient à se calmer sur le front sécuritaire mais les moyens de paiement de l’Etat ne se sont pas améliorés pour autant. Il a fallu attendre 2004 pour assister à une remontée des cours du pétrole au grand soulagement du pouvoir et de la population.

Une manne au profit de l’oligarchie

Les autorités ont alors ouvert aussitôt le portefeuille pour rembourser rubis sur ongle les dettes qui pendaient avant de se lancer dans de grands chantiers, notamment de construction, financés exclusivement par l’argent public. La manne qui a atteint 1000 milliards de dollars américain n’a pas bénéficié cela dit aux secteurs créateurs de richesses mais à une oligarchie qui s’est rapidement enrichie et transféré ses profits à l’étranger. Cette saignée s’est fait cruellement ressentir lorsque, en 2014, le prix du pétrole a, une nouvelle fois, baissé et réinstallé le pays pour de longues années dans la crise.

Pour atténuer artificiellement les effets de cet échec, le gouvernement Ahmed Ouyahia a recouru à la planche à billets maquillée sous le terme de « financement non conventionnel », une décision qui a aggravé l’inflation déjà dopée par les dépenses inconsidérées consenties durant les années d’embellie.

Depuis quelques semaines, le cours des hydrocarbures semble amorcer une tendance haussière pour une longue période. Cela dit, les réserves de l’Algérie sont en déclin, selon de nombreux spécialistes, et suffiront à peine, dans un avenir proche, à sa propre consommation.

Laissés en friche, les autres secteurs, hormis l’agriculture qui donne des résultats satisfaisants du moins en matière d’autosuffisance, peinent à conquérir les marchés internationaux. Au même moment, le poids des importations continue de former un lourd fardeau sur le budget de l’Etat. Une situation qui s’est de plus compliquée par le soulèvement de la population depuis le 22 février 2019 pour réclamer un changement radical du personnel et des mœurs du pouvoir et, également, par la paralysie qui affecte l’économie à cause de la pandémie mondiale.

En cinquante ans de « politique de développement » conduite par plusieurs présidents et gouvernements, l’Algérie tire toujours 98% de ces recettes extérieures du commerce des hydrocarbures. Rien ne présage, cependant, un changement de cap pour sortir son économie de cette mauvaise posture.

 

Mohamed Badaoui 

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