Dans un message à la direction politique, l’Armée sioniste estime que les conditions sont réunies pour un accord avec le Hamas concernant les otages. Le quotidien Yediot Aharonot a expliqué, lundi, qu’il existe plusieurs facteurs susceptibles d’ouvrir la voie à un accord entre Israël et le Hamas, parmi lesquels : le cessez-le-feu sur le front libanais, la pression interne à Gaza et en Israël, le changement d’administration américaine, et des développements sécuritaires dans la région, comme les événements en Syrie. Tous ces éléments “modifient l’équilibre des forces dans la bande de Gaza.”
Dans ce contexte, Yediot Aharonot rapporte que des dirigeants de l’armée israélienne estiment qu’il existe une opportunité de relancer les négociations et recommandent au gouvernement d’accepter un cessez-le-feu temporaire dans la bande de Gaza afin de récupérer les otages, en parallèle aux efforts égyptiens visant à relancer les discussions.
Le journal hébreu cite un haut responsable militaire israélien, dont l’identité n’a pas été révélée, déclarant que le facteur déterminant est l’arrêt des hostilités avec le Hezbollah. Il ajoute : «Bien que certains cercles au sein de la sécurité israélienne considèrent un cessez-le-feu au Liban comme une occasion stratégique ratée, ils le voient comme un moyen crucial de pression sur le Hamas dans la bande de Gaza. Le Hezbollah a agi comme une sorte de police d’assurance pour le Hamas depuis octobre 2023. Maintenant, le Hamas voit la fermeture du front libanais comme une trahison à l’axe de résistance et un abandon de Gaza face à Israël. »
Selon Yediot Aharonot, l’institution de sécurité israélienne estime que de nouveaux facteurs influencent Gaza et les décideurs israéliens concernant un échange de prisonniers, notamment: l’attention israélienne concentrée sur le front sud, le rétablissement de l’équilibre militaire à Gaza, et l’unité du front israélo-américain, particulièrement avec la nouvelle administration.
Entre Netanyahu et Trump
Le journal cite également un autre responsable israélien prévoyant que, après les frappes sévères subies, le Hamas est particulièrement soucieux de son public à Gaza, qui souffre de faim, de maladie et de bombardements. Il considère l’accord actuel comme une opportunité pour stabiliser la situation et maintenir sa position dans l’opinion publique gazaouie, tout en écartant les factions opposées, telles que les grandes familles qui se disputent avec lui et s’opposent à lui militairement sur la distribution de l’aide humanitaire.
Cependant, Yediot Aharonot souligne que les responsables de la sécurité israélienne sont conscients que le Hamas ne cédera pas facilement les otages, car ils représentent sa dernière carte de négociation. Ce sont “le seul obstacle empêchant un démantèlement total de ses structures militaires et de son pouvoir”, précise le journal. Il est estimé que le Hamas pourrait faire preuve de flexibilité sur certains aspects d’un futur accord, comme la présence militaire dans le corridor de Philadelphie et la zone tampon frontalière, mais il n’est pas clair en Israël s’il acceptera un retrait militaire du secteur de Netzarim, ce qui signifierait un retrait total des forces israéliennes de Gaza.
Le journal note également qu’il existe une autre difficulté potentielle : la libération de prisonniers palestiniens. « L’armée et le Shin Bet travaillent depuis plus d’un an à purger Gaza des éléments subversifs, tandis que cet accord, s’il voit le jour, injecterait du sang neuf dans leurs rangs en libérant des éléments ayant les mains couvertes de sang, directement dans les bras du Hamas. »
Mais la crainte des prisonniers palestiniens libérés n’est pas seulement une menace sécuritaire pour Israël, elle représente surtout un danger pour son gouvernement. Leur image, lorsqu’ils sortiront des cages et regarderont par les fenêtres des bus en brandissant des signes de victoire, constitue une menace immédiate pour la position et l’avenir de la coalition extrémiste de Netanyahu, dans une bataille féroce pour l’opinion publique israélienne.
Officiellement, Netanyahu continue de dire qu’il cherche à récupérer les otages, et hier soir, il a tenu une réunion consultative à cet effet. Toutefois, il n’est pas exclu qu’il continue de tergiverser et de mentir, en refusant un cessez-le-feu pour des raisons idéologiques et politiques, souhaitant éviter la scène évoquée ci-dessus.
Il semble que le changement d’attitude de Netanyahu résulte d’un seul facteur : le désir du président américain élu, Donald Trump, de clore le dossier de la guerre à Gaza, comme le suggère une caricature publiée par Yediot Aharonot, où Netanyahu mijote un accord dans une marmite sur le feu, tandis que Trump tient une cuillère et une assiette, en disant : « Tu peux finir cette cuisson d’ici le 20 janvier. »
Il est à noter que Trump a accueilli hier Sarah Netanyahu dans sa station balnéaire de Miami et lui a offert un dîner. Cette visite a été officiellement décrite comme privée, visant à rencontrer son fils Yair, qui vit à Miami depuis plusieurs années. Il est possible que Netanyahu lui ait transmis des messages différents en accord avec les désirs de Trump, mais il n’est pas exclu que Netanyahu continue de mentir et de manœuvrer. C’est ce qu’évoque le fils de l’ex-Premier ministre Ariel Sharon, Gilad Sharon, qui met en doute les intentions de Netanyahu dans un article publié par Yediot Aharonot, où il se demande : « Pourquoi pouvons-nous reprendre la guerre au Liban, mais pas à Gaza ? La seule explication est une soumission politique aux fous du gouvernement. »
Dans ce contexte, Haaretz cite un général de réserve, dont l’identité n’a pas été révélée, qui affirme que “la récupération des otages doit être l’objectif principal de la guerre”. Il ajoute : « Si nous arrêtons la guerre, nous avons les moyens de ne pas courir des risques insoutenables. Nous aurions dû planifier pour le jour suivant à Gaza : un gouvernement civil alternatif au Hamas, car un régime militaire est trop lourd pour nous. Le statu quo actuel ne nous est pas favorable. »
Préparatifs opérationnels
L’institution de sécurité israélienne, selon Yediot Aharonot, estime qu’en dépit des difficultés et des obstacles que le Hamas et l’Égypte pourraient poser à un futur accord, c’est le moment le plus propice pour tenter un accord.
Par ailleurs, le même journal révèle que l’armée israélienne se prépare, en cas d’échec de l’accord, à intensifier les efforts opérationnels dans le reste de la bande de Gaza, en dehors de Khan Younès et des zones de Mawasi, où vivent aujourd’hui 90 % des Gazaouis, avec probablement le soutien américain.
Sur fond de diffusion d’une nouvelle vidéo d’un soldat israélien détenu par le Hamas, qui parle de ses souffrances, le président israélien Isaac Herzog a déclaré qu’il y avait des négociations en cours en coulisses, et que des signes d’un possible accord étaient visibles, estimant que cela représentait une chance de parvenir à un accord pour les otages.
Cependant, les déclarations de Herzog doivent être prises avec prudence, car elles pourraient être une tentative de se défendre contre les critiques croissantes qui l’accusent de se conformer aux positions du gouvernement Netanyahu sur la guerre et l’échange de prisonniers, ainsi que sa position timide face à la reconquête du système politique.
Souplesse du Hamas
L’expert israélien en affaires palestiniennes, Michael Milshtein, chercheur à l’Université de Tel Aviv, estime que le Hamas pourrait montrer plus de souplesse dans sa position actuelle, mais ne franchira pas ses lignes rouges. Il est prêt à modifier l’image et la structure du régime dans la bande de Gaza en coopération avec l’Égypte et l’Autorité palestinienne, mais refusera de se désarmer et de renoncer à son pouvoir.
Répondant à une question de la radio israélienne, aujourd’hui, Milshtein poursuit : « Après 14 mois, il est évident qu’il n’est pas possible de changer l’ADN politique du Hamas. Malgré les lourdes frappes, le Hamas reste la force dominante dans la bande de Gaza. »
R.i