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Par Anouar El Andaloussi : une géopolitique de la violence.

Au cours des trente dernières années, les phénomènes ayant marqué les Etats, les économies, les populations … ont été assez imaginables, voire envisagés. Ainsi, les attentats du 11 septembre n’étaient pas inconcevables, ni totalement inimaginables ; certainement pas prévisibles. La géopolitique économique qui en a émergé était aussi dans les tablettes des analystes politiques et économiques.

Nous avons toujours considéré que la Géopolitique relève du temps long. Elle est une construction d’hypothèses plus ou moins solides, mais sans réelle consistance scientifique. Elle fait partie de ces approches hypothéco-déductives dont la validité procède plus par un exercice intellectuel factuel, puisant dans l’histoire et les disciplines des sciences sociales. Bref, le propos n’est pas de débattre de la reconnaissance épistémologique de la géopolitique, mais de l’observation et de la manifestation de celle-ci dans les relations internationales.

Les phénomènes (de toute nature) deviennent de plus en plus imprévisibles, l’incertitude s’aggrave et les tendances lourdes, chères aux prospectivistes (autre domaine encore spéculatif), n’ont plus de trajectoires continues, mais caractérisées par des lignes brisées, des cassures, appelées des ruptures et parfois même des trous noirs.

La géopolitique qui explique ou qui est expliquée par des positionnements, des recompositions et des déconstructions s’apparente plus à un jeu (disons un art) qu’à un exercice scientifique. Pour cette chronique, nous nous limitons à la géopolitique dictée par l’évolution des facteurs économiques ou l’influence des autres facteurs sur l’économie. En effet, il y a une relation circulaire ou de cause à effet.

A titre d’exemple, au cours des trente dernières années, les phénomènes ayant marqué les Etats, les économies, les populations … ont été assez imaginables, voire envisagés. Ainsi, les attentats du 11 septembre n’étaient pas inconcevables, ni totalement inimaginables ; certainement pas prévisibles. La géopolitique économique qui en a émergé était aussi dans les tablettes des analystes politiques et économiques. Les attentats de 2001 ont façonné un nouveau monde économique et politique créant une rupture dans le système mis en place après la deuxième guerre mondiale et surtout anéanti les processus de convergence nés de la fin de la guerre froide (la fin du mur de Berlin).

Les Grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale, les États-Unis, imposent leur domination au monde à l’issue du conflit. Cette « pax americana » repose, entre autres, sur l’instauration d’un système monétaire dominé par le dollar et dont les accords de Bretton Woods organisent dès juillet 1944 les modalités. La monnaie américaine sera la seule à être directement convertible en or et jouera le rôle de pivot autour duquel tous les taux de change seront définis.

Les recompositions se sont faites, sur les mêmes logiques, celles de l’affrontement Nord/Sud et de moins en moins de celui dit Est/ouest. Aujourd’hui, au plan économique, nous avons les deux confrontations qui ont donné naissance à une autre terminologie : le Grand Nord face au Grand Sud. Mais ce Grand Sud comprend une partie de l’Est du Nord (La Russie) et de l’extrême Est (La Chine) et aussi du Sud –Est (Inde, Indonésie, Malaisie … ) et même du Nord Est (Turquie…). Les lignes de démarcation ne sont pas nettes, mais les flux le sont.   La crise de l’épidémie de la Covid19 renforce l’hypothèse de l’imprévisibilité générale, et surtout l’émergence du nationalisme économique (on appelle ça le patriotisme) qui en fin compte instaure le souverainisme. Au plan économique, cette crise a complètement transformé les relations internationales. Le dernier numéro du Monde Diplomatique (daté juin-Juillet 2024) consacre un dossier spécial sous le titre : « des non-alignés aux Brics, le Sud existe-t-il ? ». Plusieurs contributions à ce numéro retracent l’évolution de la lutte du Sud pour une émancipation des deux blocs. Un autre titre très évocateur « Le Nord s’organise, pourquoi pas le Sud ? ». (Les citations sont tirées de ce numéro)

Les Brics ne sont qu’un résultat de la confrontation Nord-Sud.  Assisterons-nous à la fin du libre-échange, fondement même de la « Mondialisation heureuse ».

Le Sud se trouve, de ce fait, en position très défavorable dans ses relations avec le Nord. Cette faiblesse est aussi préjudiciable au processus de coopération Sud-Sud. Cette déficience est ressentie à l’heure actuelle de façon plus aiguë. Cela est dû, d’une part, aux difficultés que les pays en développement ont éprouvées à travailler ensemble et à adopter une position de groupe. Le Nord, bien mieux armé pour les négociations internationales, devient plus enclin à mettre son poids. Le droit international censé garantir un minimum d’équilibre et de sécurité pour les plus faibles, dans les faits, il n’a jamais servi que les intérêts des grandes puissances.

D’ailleurs, s’agit-il vraiment d’un « droit » ? L’exemple des décisions des deux cours internationales (CPI et CIJ) sur Gaza est l’illustration de cette situation : le droit au service du plus fort. Israël, l’enfant gâté du Nord ne peut être puni suite à une plainte venant du Sud (Afrique du Sud). Le Nord est très soudé derrière Israël, alors que le Sud est très désuni pour soutenir Gaza, c’est le cas notamment de l’Inde, des Emirats Arabes Unis, entre autres qui soutiennent Israël.

Au plan économique, la confrontation est encore plus rude par groupes internationaux interposés. En effet, « les grands groupes internationaux sont des champions de l’évasion fiscale. Leurs stratagèmes privent injustement les pays du Sud, pourtant riches en matières premières, des ressources financières qui leur permettraient de s’affranchir, au moins en partie, de l’aide extérieure. »

Le 1er janvier 2024, les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont adjoint cinq nouveaux membres : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Ensemble, ils représentent désormais 36 % du produit intérieur brut et 46 % de la population de la planète. Assez pour peser sur la gouvernance mondiale ? Derrière la volonté ca­chée de peser davantage sur la scène internationale, le « partenariat stratégique » des Brics + est fissuré par de nombreuses dissensions. La rivalité qui oppose la Chine à l’Inde n’est pas la moindre d’entre elles. Aussi compétitifs que soient leurs rapports, il a bien fallu que la Chine et l’Inde, de concert avec leurs trois autres partenaires des Brics, s’accordent pour élargir leur cercle à de nouveaux membres à l’issue du sommet de Johannesburg.

Pékin et Moscou se montraient depuis longtemps favorables à une ouverture, l’Inde était plus réticente. Chacun des Cinq avait sa propre liste de candidats. Sans qu’aucune information n’ait filtré sur le processus de cooptation, ils ont finalement transigé pour accueillir l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran.

« L’élargissement du partenariat, rebaptisé Brics +, n’a pas manqué de faire apparaître de nouveaux points de friction. Égypte et Éthiopie, par exemple, sont à couteaux tirés sur le dossier de la gestion des eaux du Nil. Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, perpétuels rivaux dans la course au leadership proche-oriental. L’Argentine, fraîchement intronisée dans les Brics+, a préféré décliner l’invitation pour rejoindre son allié les USA et faire une demande d’adhésion à l’OTAN.

« Les pays du Sud multiplient les discours plaidant pour l’émergence d’un monde multipolaire. Mais au sein des instances internationales, ils ne défendent pas toujours leurs revendications de manière cohérente. Leur volonté d’agir en vue de servir des intérêts collectifs est aussi sujette à caution ». Dans le passé (pays du tiers monde, groupe des 77…) il y avait une convergence politique et même idéologique très forte dans le cadre d’un combat de libération et d’émancipation, aujourd’hui la recherche d’une convergence économique pour lutter contre le sous–développement se trouve contrariée par l’érosion de la convergence politique. Le Nord Global s’organise, pourquoi pas le Sud Global ? Mais le Sud Global existe-t-il réellement ?

Anouar El Andaloussi

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