Invité par l’organisation nationale des enfants de Chouhada (ONEC), le diplomate et ancien ministre Abdelaziz Rahabi, s’est longuement exprimé, lors d’une soirée ramadanesque organisée ce dimanche au siège de l’organisation, sur la crise qui secoue les relations algéro-françaises.
Rahabi a, d’emblée, rappelé que la crise actuelle n’est ni la première ni la plus importante. Au printemps 1973, plus de 50 émigrés algériens ont été assassinés en France, dont une bonne partie dans la région de Marseille. Cette vague d’assassinat avait plongé les relations des deux pays dans une crise profonde. Cette crise est survenue, à peine deux ans avant celle de 1971 relative à la décision algérienne de nationaliser les hydrocarbures. Le défunt président Houari Boumediene avait qualifié ce jour du 24 février 1971 de «nouveau 1er novembre démocratique». Imaginons la crise qui s’était ensuivie avec l’ancienne puissance coloniale qui considérait le pétrole et le gaz algériens comme sa chasse gardée.
L’ancien ministre rappelle, également, la décision du président Valéry Giscard d’Estains qui voulait refouler plus de 30.000 algériens vivant en France. C’était une décision susceptible de plonger l’Algérie dans une crise économique et sociale lourde de conséquence.
Ces différentes crises sont la conséquence de la façon avec laquelle est gouvernée la France depuis toujours. Ce pays a été, depuis l’indépendance de l’Algérie, gouvernée par une droite colonialiste et ce jusqu’à l’arrivée de la gauche en 1982.
Le président Giscard d’Estains exprimait bien cet esprit colonialiste en déclarant à l’aéroport d’Alger, lors de sa visite le 27 février 1975 : «La France historique salue l’Algérie indépendante».
Pour Abdelaziz Rahabi, la scène est toujours la même : Une France colonialiste qui ne veut pas regarder la vérité en face. L’attitude du ministre français actuel de l’intérieur ne diffère en rien de celle adoptée par ses prédécesseurs.
Cependant, la crise actuelle prend d’autres formes. Après le revers de sa majorité politique lors des dernières élections législatives, le président Emmanuelle Macron s’est retrouvé l’otage d’une extrême droite qui ne lui laisse aucune marge de manœuvre. C’est elle qui lui dicte sa conduite. C’est pourquoi, ajoute Rahabi, qu’il est peu probable que la crise actuelle trouvera son épilogue avant le début de la campagne électorale pour les élections présidentielles de 2027.
Il se trouve que l’émigration est le sujet de prédilection des candidats, tous les candidats, de droite et de gauche. Et l’émigration algérienne en France se place au cœur des enjeux.
L’intervenant a rappelé que cette émigration ne représente qu’un peu plus de 12% de la totalité des communautés étrangères qui vivent en France. Mais la classe dirigeante et les médias ne parlent que des Algériens. Le but est d’exporter l’image d’une Algérie responsable de tous les problèmes que vit la France.
L’invité de l’ONEC explique que le ministre français de l’intérieur ne connaît pas l’Algérie. Il ne sait pas comment fonctionne l’Etat algérien quand il s’agit de la gestion de ce genre de crises. Les consulats de l’Algérie en France ne fonctionnent pas comme s’ils étaient au service des préfectures françaises. Bruno Retailleau pense qu’il lui suffisait de donner des ordres pour que les consuls algériens exécutent les yeux fermés. Non, a dit Rahabi, les consuls d’Algérie appliquent les lois algériennes et ne délivrent de laissez-passer consulaires que lorsque la personne concernée remplit les conditions exigées par la loi. Voilà en quoi on peut résumer la question des OQTF.
C’est pourquoi, il est impossible que l’Etat algérien donne suite à la demande du gouvernement français concernant la délivrance de laissez-passers consulaires des 80 personnes que constitue la liste annoncée par Retailleau.
In fine, conclut l’ancien ministre de la communication, il ne s’agit pas d’une crise diplomatique entre la France et l’Algérie. Encore moins de la façon avec laquelle l’accord de 1968 est appliqué et que les dirigeants français veulent réviser. Les mécanismes de révision sont contenus dans l’accord. Il suffit de les lire. Pour Rahabi, ces accords ne représentent que peu de choses pour les ressortissants algériens. Si la France souhaite leur révision, la voie diplomatique est tout indiquée… Le reste n’a pas de sens.
Sid Ali