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La politique commerciale de l’Algérie avait souffert d'”incohérence”

Client: KAWNEER

L’économiste et universitaire, Youcef Benabdallah

La crise au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), caractérisée
par une guerre commerciale entre grandes puissances, risque d’entraver le
développement de l’économie mondiale, a indiqué hier à Alger l’économiste et
universitaire, Youcef Benabdallah.

La crise au sein de l’OMC et les risques
Parmi les causes directes de cette crise, figure le fait que sur le plan
fonctionnel, les Etats-Unis bloquent actuellement la nomination de
remplacement des juges de l’Organe de règlement des différends (ORD), dont
les mandats sont arrivés à échéance. L’ORD qui ne fonctionnant qu’avec 3
membres (nombre minimal autorisé) au lieu de 7, voit ainsi son existence
menacée, a-t-il expliqué dans un entretien accordé à l’APS.
S’agissant des pratiques commerciales de la Chine, le Professeur enseignant
à l’Ecole supérieure des statistiques et de l’économie appliquée de Koléa
(Blida), a fait savoir qu’elles étaient “discutables” de l’avis-même des Etats-
Unis de l’Union européenne (UE) et le Japon (entreprises et banques d’Etat,
propriété intellectuelle, transferts de technologie forcés, etc.).
Il a, dans ce sens, rappelé que depuis le début de 2018, les Etats-Unis
appliquaient des droits de douane additionnels de 25% sur les produits en

acier et de 10% sur les produits en aluminium, ajoutant que certaines
évaluations établissent qu’une taxe de 1% impacterait négativement les
exportations de l’UE et du monde de 2.2 et de 11.5 milliards de dollars
respectivement.
A plus long terme, cette baisse des exportations, compte tenu de ses effets
indirects, pourraient atteindre 50%, a-t-il estimé.
Selon le Pr Bouabdallah, à la différence du GATT (Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce), l’OMC, tout en exigeant de ses nouveaux
membres une forte adaptation structurelle et institutionnelle, a fini, sous
l’influence des pays en développement, de plus en plus nombreux dans les
arènes internationales, par tenir compte de la question du développement et
de la lutte contre la pauvreté, devenues des thèmes majeurs partagés.
Il est de plus en plus admis que le libre échangisme est une opération
déloyale, a-t-il avancé, poursuivant qu’à ce titre l’OMC accordait des
traitements différenciés aux pays en développement.
“On ne peut s’empêcher de penser que les pays développés acceptent mal la
mondialisation, initiée par eux-mêmes, qui a permis à de nouvelles puissances
d’émerger avec de sérieuses prétentions concurrentielles”, a-t-il soutenu.
A une question sur les conséquences de cette crise sur le système
commercial mondial, le Professeur a répondu: “On ne peut imaginer l’abandon
des règles du multilatéralisme. Faut-il rappeler que les pays, particulièrement
développés, produisent davantage pour les marchés extérieurs que leurs
marchés intérieurs. Il est facile de vérifier que la croissance des exportations
mondiales a été nettement plus rapide que celle du PIB mondial.

L’adhésion de l’Algérie : “hésitations”

Un abandon des règles multilatérales, a-t-il poursuivi, “n’est pas envisageable
sachant ses effets sur la croissance mondiale et les conséquences en
découlant sur la restructuration, voire l’abandon de secteurs économiques
entiers. C’est à un nouveau rapport de force qu’il faut s’attendre à l’issue
duquel émergera un système multilatéral réformé”.
S’agissant du retard de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, il a indiqué que malgré
qu’elle soit confirmée comme une “nécessité”, cette adhésion, qui dure depuis
trois décennies, continue à susciter “questionnements” et “hésitations”.

Il a précisé, cependant, que les textes existants ou proposés ne concrétisaient
pas l’adhésion comme une “option stratégique”, ajoutant qu'”il est ainsi de la
question notamment de l’investissement étranger, des marchés publics, des
licences d’importations et d’exportations.
Dans son analyse, le Pr Bouabdallah a estimé que la politique commerciale de
l’Algérie avait souffert d'”incohérence” tout comme la politique économique
globale, dont elle n’est qu’un élément, relevant que “la preuve de cette
assertion est la dépendance accrue à l’égard des importations, résultat
contraire à la politique de substitution d’importation prônée ouvertement ou
indirectement”.
La seconde preuve, a-t-il dit, est “la spécialisation dans la mono exportation
d’hydrocarbures, affirmant que c’est à l’aune de ces deux fortes
caractéristiques qu’il faut se prononcer sur l’adhésion ou non aux règles
multilatérales”.
“Il parait évident que l’Algérie s’est marginalisée du processus de
mondialisation, dont beaucoup de pays en développement ont su profiter pour
s’approprier la technologie, élargir leurs parts sur mes marchés intérieurs et
internationaux et restructurer leurs économies vers le haut des chaines de
valeur globales”, a-t-il avancé.
Pour lui, les dispositions de la loi de finances complémentaires (LFC) pour
2009 et plus récentes (remise en cause des libertés concédées aux IDE, de
certaines dispositions liées à la clause du traitement national, l’interdiction de
certaines importations etc.) s’inscrivent en faux par rapport aux engagements
bilatéraux, régionaux et multilatéraux signées par l’Algérie en la matière
d’investissement et remettent en cause les réformes accomplies.
L’ouverture commerciale, a-t-il souligné, “n’est qu’un élément de toute la
politique économique du pays. Elle ne conduit pas automatiquement au
développement mais le développement ne peut se passer d’elle. Aussi, son
issue devient tributaire de la capacité à modifier l’environnement des affaires
(flexibilité du marché du travail, mise en place d’institutions économiques
efficaces, système d’incitation, etc.). Ces considérations font en sorte que
l’avantage comparatif est le résultat et le non fondement des échanges”.
Il a, par ailleurs, estimé que le tarif douanier de l’Algérie “ne semble pas avoir
joué un rôle dans l’‘affectation/réaffectation des ressources. Une simple
comparaison avec les deux pays voisins le met en évidence”.

“Alors que le décideur algérien a marqué une indifférence quant au choix des
secteurs à protéger au moyen de tarifs plus élevés, le Maroc et la Tunisie ont
joué de cet instrument pour développer et consolider leurs avantages
comparatif (amont et aval de l’agriculture, textiles et confection, etc.).
D’entrée de jeu, l’Algérie avait ramené le tarif douanier à la fin des années
1990 à un niveau plus faible que celui appliqué par de nombreux pays déjà
membres de l’OMC et ayant mis en œuvre l’Accord d’association avec l’UE, a-
t-il rappelé.
A cela venaient s’ajouter d’autres incohérences: la première a consisté à
soumettre, au moyen de l’accord d’association avec l’Union européenne, aux
règles de l’OMC 50% du commerce sans être membre de celle-ci.
La deuxième a consisté à soumettre le capital étranger à la règle dite
“51/49%” (introduite dans la LFC 2009) laquelle eut pour effet d’attirer le
capital étranger vers la sphère commerciale et constitue de fait un
encouragement aux importations et une renonciation aux effets positifs qu’on
prête habituellement aux IDE.
Pour conclure, le Pr a estimé que l’absence d’une stratégie de diversification
des exportations était la troisième incohérence, affirmant que le déséquilibre
de la balance des paiements s’inscrit dans la durée et obligera le pays à
accepter dans le moyen terme des réformes dans un contexte difficile.
Pour rappel, la commissaire européenne, Cecilia Malmstrhöm avait annoncé
la semaine passée que l’OMC traversait une “crise profonde” qui pourrait
provoquer une paralysie de son organe de règlement des différends (ORD)
d’ici la fin de l’année.
Gita Gopinath, l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI)
avait lui aussi affirmé que la guerre commerciale sino-américaine demeurait
“le risque majeur” pour l’expansion économique mondiale.
Salim A A

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