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Sous un ciel bas et gris : le climat d’Alger se politise

Alger vit dans une ambiance morose alors qu’elle devrait danser de joie. Les pluies de mai ont rassuré les agriculteurs et amélioré le niveau des barrages. Le changement de saison s’accompagne aussi d’un renouvellement du parlement qui, lui, ne satisfait pas tout le monde.

C’est un climat étrange qui enveloppe le pays depuis des semaines maintenant, alternant grisaille et éclaircies ; bouffées de chaleur et brises rafraîchies. Comme si le ciel voulait délivrer un message, en cette fin de printemps, il s’exprime dans une variété de tons et change tous les instants d’aspect. Il a même déversé sur la Terre, à la fin de mai, des torrents de pluie.

Il s’agit d’un bon présage pour les cultivateurs de céréales. Le secteur arboricole et fruitiers craint en revanche l’allongement de ses délais. Car un mois de juin humide signifie la multiplication de maladies susceptibles d’attenter à la santé de certaines cultures. Fort heureusement, la grêle s’est abstenue de tomber sinon la saison des fraises, des pommes et des raisins aurait été compromise.

L’équation de l’eau est au cœur du développement de l’Algérie qui est formée d’un désert couvrant 90% de sa superficie. Soumise à une pluviométrie capricieuse, elle a, de surcroît, souffert cette année d’un stress hydrique qui a fait baisser le niveau des barrages. D’ailleurs, les coupures d’eau se multiplient depuis des mois et on nous annonce officiellement que les réserves d’eau risquent de s’amenuiser si de nouvelles précipitations ne les renouvellent pas.

Sans eau, la situation générale du pays pourrait compliquer davantage les problèmes que vit la population, déjà survoltée par des tensions politiques depuis deux ans. L’inquiétude de manquer d’eau avait créé, il y a quelques mois, une mini panique dans la capitale à la suite de l’avertissement de Seaal à propos d’une longue perturbation dans l’approvisionnement de la ville en ce liquide vital. Conséquence : en l’espace de deux ou trois jours, la vente de jerrycans, de citernes, de bâches d’eau et de moteurs y avait explosé.

Mue par un devoir de transparence, la compagnie a récidivé un peu plus tard en annonçant un nouveau plan de rationnement mais elle s’est tout de suite ravisée par un autre communiqué. Il est vrai que l’ultimatum précédait de quelques jours le début de la campagne électorale des législatives du 12 juin. L’émotion qu’il a provoqué dans l’opinion juste avant une échéance décisive a failli conduire à une montée d’adrénaline nationale. Et c’est, sagement ou sous l’injonction des autorités, que Seeal a reporté sa décision.

Reporté et non annulé, car la question de l’eau se posera avec plus d’insistance durant les années à venir. Le réchauffement climatique, l’accroissement de la population, l’augmentation des activités industrielles, agricoles et d’élevage en consommeront de plus en plus.

Pour assurer sa sécurité hydrique, l’Algérie a envisagé de nombreuses solutions notamment le dessalement de l’eau de mer. Ce palliatif est cependant énergétivore et polluant. Il nécessite également une maintenance régulière et coûteuse.

La tentation est par ailleurs grande de pomper les réserves souterraines du Sahara comme l’avait fait feu Mouammar Kadhafi en creusant la Grande rivière artificielle. Sauf que l’exploitation de cette mer quasi fossile renferme de nombreux dangers. Non seulement elle peut empoisonner la plus grande étendue d’eau douce de la planète mais aussi provoquer des dolines et des affaissements en surface.

Ce péril, conjugué à la colère des habitants du Sud, a d’ailleurs poussé le gouvernement à suspendre l’exploration des gisements de gaz de schiste jusqu’à la découverte d’une technologie respectueuse de cet environnement extrêmement fragile.

Toutefois, la menace de la pénurie d’eau semble préoccuper modérément gouvernants et gouvernés. Les premiers donnent l’impression de prioriser les dossiers de l’automobile et de l’énergie. Les seconds gaspillent allègrement la denrée rare et polluent ses sources par des rejets toxiques inconsidérés. Même les candidats au prochain parlement n’abordent pas la question. D’ailleurs, aucun d’eux n’a de programme pour l’écologie.

Hier, le ciel d’Alger était d’un gris indéchiffrable. Il était bas et couvrait une population terne, aux traits rigides. L’air était tiède en fin de journée et charriait des effluves anesthésiants dont se nourrissait l’ambiance d’attente qui ankylosait la ville. Une soif de joie était perceptible dans l’attente de l’averse capable de l’étancher.

Mohamed Badaoui

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