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Rentrée sociale : l’Algérie, un eldorado qui s’ignore

L’été tire à sa fin et l’Algérie s’apprête à sortir de sa torpeur pour entamer une nouvelle saison studieuse et industrieuse dans un pays au potentiel énorme, mais dont la performance et l’attractivité reste à parfaire.

Rien que le nombre d’élèves qui rejoindront l’école cette année peut donner le tournis. Onze millions d’Algérien sont âgés de 6 à 16 ans. C’est l’équivalent des populations danoise et norvégienne réunies. Il s’agit donc d’une force humaine inouïe, dynamique, pleine de rêves et de capacités.

L’instruction jusqu’à la fin du cycle moyen est obligatoire en Algérie. Elle y est gratuite jusqu’à l’université. La probabilité de voir éclore des pépites d’intelligence sont, de ce fait, importantes.

C’est la plus grande revanche d’un pays qui a souffert un siècle et trente-deux ans d’analphabétisme généralisé et organisé sous la colonisation. A l’indépendance, le taux des habitants qui ne savaient ni lire ni écrire dépassait 90%. Le nouvel Etat a donc lourdement investi pour rattraper le retard en matière d’éducation.

Deux décennies plus tard, les universités, les écoles et les instituts supérieurs ont fourni à tous les secteurs d’activités de milliers de cadres, d’encadreurs, de professionnels ; une élite intellectuelle qui n’avait rien à envier à celle formée dans les pays développés. D’ailleurs une bonne partie de cette matière grise s’est exilée et, avec un léger effort d’adaptation, a pu réussir à l’étranger dans des environnements concurrentiels et exigeants que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord.   

Les écoles de formation professionnelle ont, elles aussi, sorti des dizaines de milliers de techniciens, d’ouvriers spécialisés et d’artisans. Jusqu’aux années 1980, le diplôme était le label du succès dans la vie. La famille algérienne poussait alors les enfants à se distinguer par le savoir ou, à défaut, par un métier.

Argent et signes extérieurs de richesse

Les choses ont changé, aujourd’hui seule la possession de l’argent et des signes extérieurs de richesse (voitures, maisons, accessoires, vêtements et bijoux de marque…), sont dignes de respect pour la multitude. Même la célébration en grande pompe des résultats gagnants au baccalauréat fait partie de cette quête d’apparat.

Paradoxalement, la réalité économique ne récompense pas le mérite, la compétence et la valeur. Pour s’enrichir en Algérie, il faut souvent passer par des chemins détournés : népotisme, corruption, triche, passe-droits et d’autres délits.

Une situation qui se nourrit de la faiblesse des salaires et des pensions, même si les pouvoirs publics ont consenti cette année une revalorisation des revenus et crée en même temps une allocation-chômage pour les primo-demandeurs d’emploi. La majorité des Algériens disposent de peu de ressources financières pour faire face à la cherté de la vie qui progresse beaucoup plus rapidement que leurs indemnités.

La conjonction de ces facteurs engendre la frustration et démobilisation chez une grande partie des individus. Certains d’entre eux tentent, pour en finir avec la mal-vie, d’émigrer clandestinement sur des embarcations de fortune croyant qu’en Europe leur destin s’améliorerait. D’autres utilisent les ficelles du marché noir pour arrondir les fins de mois difficiles. Les jeunes qui ne trouvent pas la place qu’ils désirent se réfugient dans la drogue et la violence ou dans des croyances déviantes. Le chômage touche autant les diplômés que les sous-qualifiés et constitue une bombe à retardement dont on ne peut anticiper les retombées.

Halo du chômage

L’Algérie compte officiellement un peu plus de 1,5 million et demi d’Algériens chômeurs (du moment qu’ils perçoivent l’allocation dédiée). A ceux-là s’ajoutent 500 mille autres oisifs qui échappent aux radars puisqu’ils ne cherchent même pas un travail et se complaisent dans cette situation. Désœuvrés, à vie pour certains, ils font partie de ce qu’on appelle le «Halo du chômage», un concept qui définit des personnes inoccupées mais qui ne demandent plus d’emploi. Ces individus ont peut-être demandé un poste à un moment ou un autre de leur existence avant de baisser définitivement les bras pour vivoter au jour le jour.

Leur nombre est estimé de manière approximative parce qu’ils ne figurent dans aucun registre officiel. Ils sont probablement le fruit de l’échec et de la déperdition scolaire précoces ; des recalés qui, de surcroît, n’ont pas bénéficié de formation professionnelle. Résultat, ils restent à la charge de leur famille ou, pour une partie d’entre eux, rejoignent la rue. D’ailleurs, on peut voir dans toutes les villes et les villages du pays de jeunes inactifs presque analphabètes qui ne semblent espérer plus rien de la vie.

Beaucoup d’Algériens compétents et talentueux choisissent aussi de partir sous d’autres cieux pour augmenter leurs rentrées et donc leur standing de vie. Le Canada, ce désert glacé pendant plusieurs mois de l’année, est conçu comme un Eldorado pour les candidats au départ. En raison des chances de promotion, de liberté, mais aussi de statut de citoyen d’un membre du G7 qu’il offre aux têtes bien faites et aux poches bien remplies, il agit comme un aimant sur les cerveaux et sur ceux qui sont en quête d’épanouissement. Les Emirats arabes unis et le Qatar, des déserts de sable et de terre, sont eux aussi prisés par les amateurs de Dolce Vita.

L’Algérie possède tous les atouts pour devenir à son tour un nouvel Eldorado. D’ailleurs des milliers d’Occidentaux y gagnent très confortablement leur vie et ne la changeraient en aucun cas pour une autre destination. Il suffit d’un bouleversement de la perspective et de l’état d’esprit en matière de gouvernance du pays pour en faire un pays non seulement agréable pour ses autochtones et attractif pour les ressortissants de toutes les nationalités.

Mourad Fergad  

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