Dans une chronique récente (13 octobre 2023), que nous avions consacrée au génie du peuple de Gaza
dans sa lutte contre l’occupation sioniste, nous avions expliqué comment ce peuple né dans sa grande majorité dans des camps de réfugiés a su faire face à toutes les contraintes de toute nature, économiques, sociales, sanitaires par des innovations au quotidien et une organisation de type « économie de guerre».
Il a creusé des tunnels donnant accès au Sinaï en territoire égyptien pour approvisionner la population et la résistance soumises à un blocus total depuis plus de 17 ans. Ce peuple génial a organisé son économie,
créé des usines, conçu des systèmes de distribution, organisé un système de soutien à la population vulnérable et construit un système de défense des plus sophistiqué ; l’attaque en territoire israélien le 7 octobre a surpris et étonné tous les analystes et observateurs du Moyen Orient et du Monde. Si on met côte à côte les ressources disponibles et les réalisations à Gaza, nous ne pouvons qu’être étonnés par cette efficacité et cette efficience. Si maintenant, on transpose ce raisonnement sur tous les autres pays arabes (ressources face aux résultats), on serait étonné de la catastrophe tant dans les réalisations que dans l’usage des moyens mobilisés. A partir de là, on peut, sans risque d’erreur, conclure sur l’avenir de l’économie du monde arabe aujourd’hui et surtout dans un horizon pas très loin.
La quantité de dollars dépensée au cours des 50 dernières années (depuis 1970) est astronomique pour un résultat qui ne permet même pas de tenir debout plus de cinq ans sans pétrole et autres ressources naturelles. Face à une crise et une baisse des ressources des hydrocarbures, tous ces Etats tomberaient comme un château de carte. Les pays arabes sont toujours les derniers dans classements mondiaux en matière de production, de productivité, de compétitivité, de recherche développement etc. Et quand un pays se classe honorablement, c’est au prix de ressources colossales employées. En face (ou au milieu) un petit Etat de moins de 10 millions d’habitants sans ressources naturelles et enclavé au sens politique, dispose d’une économie moderne, productive, compétitive et hautement sophistiquée. On a l’habitude d’entendre l’explication rapide : les américains et les européens sont derrière ce succès. Soit. Mais les israéliens n’ont pas reçu autant d’argent que ce que procurent les revenus des hydrocarbures (ou autres ressources naturelles) dans le Monde arabe.
Economiquement parlant, ce monde arabe n’a aucune base économique d’accumulation et d’innovation, mais seulement des trous noirs pour engloutir des milliards de $. L’arrêt ou juste la baisse de longue période des ressources des hydrocarbures mettrait en faillite ces économies rentières.
Dans leur état économique actuel, aucun pays arabe, seul ou en coalition avec d’autres, n’est en mesure de faire face au génocide commis contre la population de Gaza. Les seuls résistants à cette barbarie sont des groupes indépendants des Etats. La faiblesse économique du Monde arabe va entrainer sa chute politique et donnerait l’occasion aux puissances régionales (Iran, Turquie entre autres) de prendre le contrôle sur certains pays. Les pays arabes n’auront pas la possibilité de garder leur souveraineté, d’ailleurs elle n’a jamais été entière (à l’exception de quelques-uns) et seront d’une manière ou d’une autre soumis à une «tutelle régionale », d’abord économique (alimentaire) et ensuite sécuritaire et politique. La ligue arabe, une organisation en mort cérébrale, est maintenue artificiellement pour masquer/cacher toutes les lâchetés et les déshonneurs accumulés depuis des décennies et confirmés par la situation à Gaza.
On doit poser la question suivante : pourquoi le peuple de Gaza est performant, résilient et a du génie et les autres peuples de la région sont tout le contraire ? Pourtant ils sont tous de la même extraction socioculturelle, religieuse, ayant presque la même histoire et subissant les mêmes conditions climatiques. A Gaza (à distinguer aussi de la Cisjordanie), le peuple a un idéal, un défi, et surtout n’a pas un potentat à sa tête, il est autogouverné. Des régimes autoritaires, corrompus, inféodés aux puissances étrangères pour assurer leur propre sécurité face à leurs propres peuples, imposant des restrictions aux libertés, au libre arbitre, à la liberté d’expression etc. On ne construit pas une économie avec/sur des corps inertes, sans défis, sans volonté, sans horizons. C’est pourquoi Gaza a un avenir économique grâce aux génies de son peuple, ailleurs aucun.
Anouar El Andaloussi