Dans le cadre théorique et même dans les expériences historiques, le libéralisme économique s’est toujours accompagné de la libre entreprise et du libre marché. Dans ce schéma, la politique semblait dériver de l’économie et non l’inverse. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. Il est vrai que les politiques, jusqu’aux chefs d’Etat faisaient de la communication, du marketing et même du Lobbying pour leurs entreprises dans un cadre politique. Aujourd’hui, les guerres commerciales sont lancées par les Chefs d’Etat, sans que les entreprises du pays n’en demandent une quelconque protection sur un marché ou face à une réglementation jugée contraignante. Il en est ainsi de la guerre commerciale déclenchée par le président américain qui a choqué de nombreux investisseurs, car elle semble très irrationnelle selon les normes de l’économie néolibérale. Or, elle reflète l’évolution d’un monde où l’économie passe au second plan derrière les enjeux géopolitiques. Il reste à savoir si les entreprises adopteront réellement cette idée.
Jamais, dans l’histoire économique, un pouvoir politique n’a été aussi présent dans la vie des entreprises, faisant fi des engagements, des stratégies, des alliances de ces dernières. Trump a effectivement dans son aéropage des chefs d’entreprises et des plus grandes ; à l’image du plus médiatique et l’un des plus controversés de la scène mondiale (Elon Musk). Le retour du protectionnisme dans le monde libéral est une remise en cause du modèle de libre –échange précurseur de la mondialisation d’après-guerre. Ainsi les vertus tant clamées du libre-échange et de la mondialisation sont battues en brèche.
Alors s’agit-il d’une tendance lourde ou d’un simple effet d’annonce et de la Com ?, comme savent faire les agences et les conseillers dans ce domaine. A priori, les deux phénomènes coexistent. Trump n’est pas le seul à agir dans ce sens. Beaucoup d’autres le suivent ou l’ont précédé, mais ils n’avaient pas sa puissance. D’autre part, une contestation s’organise dans les milieux d’affaires et des entrepreneurs pour dire « ni le protectionnisme, ni le populisme ne peuvent être des politiques sérieuses pour renouveler le capitalisme en crise. » Une chose est sûre, l’hégémonie américaine sur le monde économique en général et la technologie en particulier est réellement remise en cause ; les autres compétiteurs, comme la Chine dans l’économie et la technologie et la Russie dans la technologie militaire et spatiale, sont très présents sur la scène internationale et veulent imposer ou du moins participer à la définition des nouvelles règles de l’organisation et de la régulation du commerce mondiale. L’OMC, instrument central du commerce mondiale, est totalement absente, alors qu’elle avait l’habitude de rappeler à l’ordre les petits pays lorsqu’ils introduisent des protections de leur économie face à des déficits de leur balance commerciale.
Cette conception de l’économie (ultralibéralisme, protectionnisme, étatisme) n’est pas de nature à conduire à des optimums même partiels dans les économies. Elle rappelle une forme d’organisation déjà expérimentée, mais d’une tout autre nature, sur une grande échelle en près de 70 ans et qui a abouti à un échec en matière d’efficacité économique. Cette expérience est celle de l’ex URSS et ses satellites de l’Europe de l’Est en particulier. Le mode de fonctionnement de cette économie centralisée et sans marché a été assimilé par un économiste écossais d’origine russe (Alec Nove) à une Société Anonyme « URSS. SA. », dont le Conseil d’Administration serait le Politburo du PCUS (Parti Communiste de l’Union Soviétique). On peut aujourd’hui appliquer cette métaphore à l’Amérique de Trump, « USA. SA », dont Trump serait à la fois le CA et le PCA. A vouloir tout régenter y compris certains pays qu’il veut intégrer dans l’Amérique, il risque de ne rien contrôler et ainsi subir le sort de l’Union Soviétique. On ne gère pas une économie, de surcroit la première dans le monde, avec la distribution des droits de douanes. Libre-échange, protectionnisme et populisme ne font pas toujours bon ménage. Parce que, à un moment donné de l’évolution de cette combinaison, le capital sera contraint dans son développement et sa circulation à la fois spatiaux et financiers.
La Chine est un challenger sérieux qui fait peur aux américains ; il leur crée des complexes et leur fait perdre la raison. L’américain a vécu jusqu’à maintenant sur sa puissance économique et son hégémonie politique ; il refuse de se défaire de ce statut et en luttant pour le sauvegarder il risque de tout perdre. « …l’amour de Trump pour les droits de douane est bien ancré ». Mais lorsqu’il trouve une résistance ou une réciprocité, il lâche du lest et propose la négociation, son domaine de prédilection ; l’économie transactionnelle est sa marque de fabrique. Elle lui est favorable tant que l’Amérique est forte ; elle ne le sera plus avec la moindre faiblesse de l’économie américaine. Et c’est là où les pays du Sud-Est Asiatique l’attendent de pied ferme, pour négocier s’il le souhaite.