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La Chronique d’Anouar El Andaloussi / Ressources minières de l’Afrique : des surenchères

Au cours de la semaine précédente, Trump a organisé une scène théâtrale comme à son accoutumée
pour mettre en valeur des acteurs venant d’un autre Continent. Ce continent ignoré par les grands de
ce monde et lui-même se fait tellement petit par ses dirigeants qu’il accepte de ne pas être visible.
Trump reçoit ses homologues africains au nombre de cinq, dont le dénominateur commun est leur
position géographique sur le continent : Afrique Subsaharienne de l’Ouest (sauf peut être le Gabon).
Donc étaient conviés la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée Bissau, le Libéria et le Gabon. L’organisation
physique de la rencontre suffit pour tirer les premières conclusions : les cinq présidents africains
placés en face du président américain ; c’est un peu le modèle d’organisation d’un jury d’examen,
mais cette fois tous les candidats sont présentés en même temps ; ils peuvent communiquer entre
eux, s’échanger des idées ou des réponses, ils peuvent même copier les uns sur les autres. Trump
lance les enchères. D’habitude dans ce genre d’appels d’offres, ce sont les vendeurs qui organisent
les enchères ; mais avec les africains, on préfère leur faire la politesse de les laisser présenter leurs
offres de vive voix. Une seule question posée : qu’est ce que vous avez à offrir à l’Amérique qui vous
découvre ? Avant de répondre à la question, donner votre nom et le nom de votre pays, pour des
raisons de traçabilité et de transparence ; quant à la confidentialité et les secrets, pas de problème.
L’Amérique est votre ami, dites-lui tout même en présence des autres convives. Les Chefs africains
étalent leurs catalogues l’un après l’autre. Chacun insiste sur la qualité de sa collection de ressources
naturelles. Ainsi le Mauritanien dira que son pays est petit mais dispose de ressources minières
considérables, le Gabonais expose ses ressources en hydrocarbures. Mais le Gabon était le puits de
pétrole de la France depuis plus de 60 ans. Il veut changer de main. Les autres suivront, chacun en
vantant la qualité et la profondeur de son catalogue (minerais, minéraux, terre rares, …). Les cinq
présidents africains ont bien joué leur rôle de VRP (Voyageurs, Représentants et Placiers), une
fonction qui existe toujours dans le commerce, mais cette fois-ci en VIP.
L’acheteur qui a organisé les enchères a finalement obtenu la surenchère, c’est tout bénef.
Des compliments et gratifications ont été distribuées aux candidats. Le Président du Libéria a obtenu
la meilleure distinction pour son anglais parfait qui a étonné même le maitre du moment : un Bonus
obtenu pour avoir su parler sa langue maternelle devant l’Américain, ce n’est pas rien. Le
mauritanien a été rappelé à l’ordre pour écourter sa prise de parole. Les présidents francophones ont
été discriminés pour avoir utilisé la langue du colonisateur européen. L’Amérique (surtout Trump)
n’aime pas l’Europe.
Derrière cette pérégrination des Chefs africains, deux demandes fortes : Une « cession », à l’amiable,
des droits sur le sous-sol et une recommandation pour l’attribution du Prix Nobel de la Paix au
Président américain. Rien que ça. Le Premier Ministre Israélien a déjà formulé sa recommandation
pour Trump. Un sanguinaire, génocidaire recommande son fournisseur d’armes et d’autres choses
pour recevoir le Prix Nobel de la Paix. Le comble de l’ironie et de l’histoire. Au mauritanien, on
demandera un petit effort pour reprendre les relations diplomatiques avec Israël. On ne sait pas à ce
jour, si les africains ont répondu aux attentes de l’Américain.
En matière d’investissements en Afrique, les USA sont très en retard par rapport aux européens et
asiatiques et même aux russes.
L’ouverture du Trésor africain des matières premières est bien annoncée et les prédations vont
s’organiser. Les Etats africains ont -ils les moyens institutionnels, techniques et d’ingénierie pour se
défendre dans les négociations à venir ? Le Sud Global est -il suffisamment mûr et organisé pour
empêcher cette prédation ? ou au contraire il va participer au partage (Représenté par la Chine,
L’Inde, le Brésil, l’Indonésie, la Turquie…). L’avenir nous le dira. Les BRICS nouvelle forme

d’expression du Sud Global est déjà minée par des dissensions internes tant que son positionnement
politique n’est pas encore bien ancré dans les rouages des relations internationales. Leur visibilité est
encore floue.
En 1962, R. Dumont publie un livre assez provocateur : « L’Afrique noire est mal partie ». L’histoire lui
a donné raison.  Soixante ans après, l’Afrique a-t-elle retrouvé la bonne trajectoire ? ou elle erre
encore ? Des élites africaines, civiles et militaires, ont émergé ces dernières années avec une prise de
conscience forte et en totale rupture avec leurs ainés. Mais là aussi, ont-ils pris consciences des
enjeux qui planent sur leur tête quant à l’exploitation des réservoirs de richesses naturelles ; une
prise de conscience collective entre Etats est-elle possible ? Un leadership national ne suffit pas. Il ne
s’agit pas pour le moment de mobiliser les capitaux et la technologie nécessaires, mais de négocier
des partenariats qui protègent leurs intérêts à long terme. L’activité minière est très complexe et les
contrats d’exploration et d’exploitation sont complexes en raison de l’incertitude qui les caractérise
et des conditions d’exploitation souvent imprévisibles, d’où les difficultés d’anticiper sur les
rendements et ainsi sur les revenus des concessions et de la fiscalité qui lui est rattachée. Dans ce
genre de contrat, il y a toujours une asymétrie d’information ; en effet, l’exploitant ou le
concessionnaire est souvent mieux informé que le propriétaire, d’où l’avantage exorbitant que peut
se procurer le premier. Les Minéraux les plus nobles qui sont utilisés dans les activités à haute
technologie (télécom, énergie-batterie, aéronautique, automobile…) sont bien-sûr les plus
recherchés et c’est sur ces minéraux que l’appétit des USA est porté pour rattraper un tant soit peu
le retard par rapport à la Chine qui dispose elle de ses propres ressources minières en grande
quantité ; ce qui ne l’empêche pas d’aller en chercher ailleurs. L’Algérie est dans cette
problématique ; la valorisation de ses ressources minières suppose des dispositifs institutionnels et
juridiques et des capacités technologiques et industrielles. Des partenariats stratégiques bien
négociés seraient un atout pour affronter les géants mondiaux, souvent prédateurs et surtout dotés
de capacités de nuisance lorsque leurs intérêts sont contrariés. L’expérience nous apprend que dans
ce secteur, les résiliations de contrats, l’abandon de travaux, les renégociations fréquente sont des
pratiques courantes.
Après plus de 60 ans d’indépendance, l’Afrique doit bien repartir. Mais à quelles conditions.

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