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La chronique d’Anouar El Andaloussi / Face à la crise mondiale : les économies en développement sont les plus vulnérables

Les problèmes géopolitiques persistent et leurs impacts sur l’économie mondiale deviennent de plus en plus pressants. Le commerce mondial a été le fer de lance de la mondialisation. Cette dernière était  impulsée et  admirée par les uns et attaquée et vilipendée  par d’autres. L’OMC a été portée aux cimes du système des Nations Unies. Elle est dotée de pouvoirs exceptionnels de régulation de l’économie mondiale.

La quasi-totalité des pays ont adhéréà celle-ci, y compris des pays réputés anticapitalistes comme la Chine ou la Russie. L’OMC  a pour objectif « d’aider à l’amélioration du niveau de vie et des revenus des populations grâce au commerce mondial et aux opportunités qu’il offre à tous les pays, y compris les moins avancés, grâce au libre-échange qui démantèle les barrières douanières pour faciliter la libre circulation des marchandises. »

Aujourd’hui, surtout depuis la crise sanitaire, beaucoup de ces règles de libre-échange ont fait l’objet de contournement ou même de suppression par de nombreux pays. Le coup de grâce vient d’être donné par Trump lorsqu’il a décidé de manière unilatérale d’imposer des taxes douanières aux plus grands partenaires de l’Amérique : Canada, Mexique, UE, Inde, Chine…Une décision d’un pays présenté comme le  chantre du libre-échange et grand bénéficiaire de celui-ci. 

Au cours des trente dernières années, le commerce mondial a connu une expansion exceptionnelle, mais on observe entre la crise de 2008 et celle du Covid-19 un ralentissement des échanges qui s’explique essentiellement par le rééquilibrage de la croissance en Chine.

La composition des échanges a toutefois évolué. Les exportations de biens ont retrouvé leur niveau d’avant crise dès décembre 2020, contre septembre 2021 pour les services. La reprise rapide du commerce a particulièrement bénéficié à la Chine qui a vu son excédent commercial augmenter, porté par ses exportations. Cette expansion a bénéficié des nouvelles organisations des systèmes productifs en « Chaînes de valeur mondiales» éclatées souvent sur plusieurs régions ou pays.

C’est cette organisation qui va subir dans les années à venir les contrecoups des restrictions imposées aux échanges internationaux par les pratiques protectionnistes. Les tensions géopolitiques en cours et à venir seront aussi un facteur contraignant pour l’optimisation de ces chaînes de valeurs nationales ou mondiales.

L’organisation des chaînes de valeur mondiales repose avant tout sur la recherche de l’efficacité économique dans des cadres institutionnels et géopolitiques donnés.

On a observé aussi au cours des dernières années, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un redéploiement profond des échanges commerciaux. Le même auteur note que « Malgré l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le commerce international de marchandises a augmenté de 3,5 % en 2022. Cependant, on constate une réorganisation significative des échanges. Tout d’abord, les échanges entre les pays alliés de l’Ukraine et la Russie ont fortement diminué notamment sous l’effet des sanctions ». Depuis le début de la guerre, les exportations russes vers l’Europe, le Japon et les États-Unis ont chuté de 80 % en valeur et les importations russes depuis ces pays se sont réduites de 47 %. Cette baisse traduit la volonté des pays alliés à l’Ukraine d’« isoler » la Russie du système financier international et de leurs économies via l’application de sanctions.

En parallèle, on observe un accroissement des échanges russes avec les pays émergents, plus particulièrement avec l’Inde et la Chine. Les échanges de la Russie avec l’Inde ont été multipliés par 5 tandis que les échanges avec la Chine ont augmenté de 75 %. ».  Ce sont les pays les moins avancés qui subiront le plus les conséquences de ces recompositions : exportation de matières premières, dont la valorisation se fait sur les marchés mondiaux contrôlés par les plus puissants, et importation de produits alimentaires et des équipements des pays avancés dont les prix sont fixés chez ces derniers.

Les tensions géopolitiques à venir (voire même qui sont en cours) vont exacerber davantage les impacts négatifs sur le commerce mondial ; d’ailleurs on note le blocage du fonctionnement de l’instrument central de cette mondialisation qu’est l’OMC. Plus grave, le commerce est aujourd’hui utilisé comme un moyen de pression sur les décisions politiques, voire même sur la souveraineté des pays (canal de Panama, Menaces sur le Mexique et le Canada…) et depuis peu l’exercice d’un chantage par les USA sur le Brésil s’il n’arrête pas ses échanges commerciaux avec la Chine, ou encore sur l’Inde pour qu’elle n’achète pas le gaz russe.Ainsi, les tensions sino-américaines ont conduit à l’adoption croisée de mesures de contrôle des échanges commerciaux qui pourraient affecter les chaînes de valeur mondiales. En premier lieu, les deux puissances appliquent des droits de douane additionnels sur plus de la moitié de leur commerce bilatéral. La guerre commerciale USA-Chine canalise toutes les attentions, car elle affecte presque toute l’économie mondiale. On assistera bientôt à des guerres violentes sur certains produits : guerre des semi-conducteurs, guerre des terres rares, guerre des batteries, guerre de l’automobile…Ces produits où les productions sont aujourd’hui concentrés dans  quelques pays. Ces guerres commerciales peuvent conduire à une vraie guerre. D’ailleurs celle-ci se prépare particulièrement en Europe où on projette un programme d’armement  de plus de 1000 Mds de $ et dont le financement pose un sérieux problème à beaucoup de pays.

Les accusations réciproques sur l’origine des drones qui circulent dans le ciel est-européen (Pologne, Lituanie, Finlande…) est un indice de la frilosité des rations Est-Ouest qui rappellent la guerre froide. Encore une fois, les économies en développement ou émergentes sont sommées de choisir leur camp au moins au plan commercial. Les Brics+ sont encore peu structurés en union économique et leur positionnement sur l’échiquier mondial est très complexe dans le contexte géopolitique actuel. Le clivage Nord-Sud est encore vivace.

In fine, l’économie mondiale va mal. L’Europe qui jouait un rôle tampon entre l’Amérique et la Chine est devenue très vulnérable. Elle joue sa survie entre un client qui lui impose des barrières douanières (USA) et un fournisseur qui ne lui fait plus confiance (Chine). Les effets collatéraux de ces guerres commerciales entre puissants seront désastreux pour les autres économies et en particulier celles en développement.

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