L’évasion et la fraude fiscales privent l’Algérie d’une ressource financière importante. En plus de l’informel, du gonflement des factures et de la corruption, ces deux fléaux minent dangereusement les chances de développement du pays.
Chaque année, ce sont plus de 27 milliards de dollars qui échappent au fisc, selon une estimation de Boubekeur Sellami, conseiller fiscal qui était, hier, l’invité de la rédaction de la Chaîne 3 de la Radio Algérienne.
L’expert qui a pointé du doigt le secteur informel où, d’après lui, 90 milliards de dollars sont en circulation a évalué à 30% la partie qui aux services fiscaux. Il a également établi un parallèle entre cette saignée et le déficit budgétaire «qui est de l’ordre de 4 mille 6 cents milliards de dinars », a-t-il dit.
On comprend mieux les niveaux «intolérables» atteints par le phénomène dont parlait le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane devant les membres du Conseil de la nation lors de la présentation du projet de loi de finances 2022.
La législation algérienne définit l’auteur d’un tel délit en des termes généraux, aux yeux des professionnels et des observateurs avertis. Il s’agit de «quiconque [qui] s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, droits et taxes».
Ainsi, lors d’une journée d’études organisée en juin dernier par la Cour d’Alger, le juge d’instruction près le pôle pénal national économique et financier (Sidi M’hamed), Mouissi Abdelmoumen a souligné que le législateur algérien n’a pas déterminé la fraude fiscale. Il s’est abstenu, de même, de définir «les moyens de fraude» et les manœuvres frauduleuses utilisées par le contribuable pour éviter le paiement, laissant aux directions des impôts le pouvoir de le faire.
Dans le cas des impôts directs et des taxes similaires, le législateur «n’a pas désigné les parties habilitées à confirmer le crime de fraude fiscale», a ajouté le même intervenant avant de qualifier cette situation de «vide juridique».
De ce fait, a-t-il fait remarquer, cette confusion écarte «la compétence des officiers de la police judiciaire», or «ces derniers sont en droit de confirmer les cas de fraude fiscale, à condition de soumettre les procès à l’administration fiscale pour la mise en mouvement de l’action publique». Car, a indiqué pour sa part Zahra Benatallah, enseignante à l’Ecole nationale des impôts, «le parquet ne peut procéder à la mise en mouvement de l’action publique dans le domaine fiscal qu’après le dépôt de la plainte par l’administration fiscale et l’approbation de la direction régionale des impôts».
La législation algérienne prévoit de lourdes sanctions pécuniaires et pénales contre les contrevenants, mais ces mesures ne semblent pas les dissuader. C’est pourquoi Boubekeur Sellami a recommandé sur les ondes de la chaîne 3 de simplifier le régime fiscal, de vérifier ses textes, et d’éliminer les vides juridiques. «Si nous arrivons à éliminer les vides juridiques, nous pourrons fermer la porte des interprétations et des lectures de chaque responsable».
Il a par ailleurs plaidé pour la numérisation qui peut, selon lui, «résoudre beaucoup de problèmes, pour l’administration fiscale, comme pour le Trésor public et les contribuables». Les deux institutions seront à même de «contrôler l’impôt, de connaître les contribuables, de leur permettre de payer leurs impôts dans de bonnes conditions».
Mohamed Badaoui