Papicha , film algérien qui relate la vie de jeunes étudiantes pendant la décennie noire , est doublement primé aux cérémonies des Césars . Prix du meilleur espoir féminin pour Lyna Khoudri et celui du premier film pour Mounia Meddour . Le film nominé aux oscars et déjà primé également à la Mostra de Venise ( Lyna Khoudri , élue meilleure actrice du festival ) fut pourtant censuré dans son propre pays pour on ne sait pour quelle raison . A cause de son titre…Papicha qui désigne une fille coquette et de son temps ? Porte-t-il atteinte à l’image du pays ou des femmes algériennes ? Ou tout simplement , l´Algérie a décidé de ne pas être cinéphile pour un sou ?
Ah le cinéma dans l’Algérie post-indépendance ! Souvenirs de salles obscures dans tous les quartiers et jeunesse prématurément cinéphile qui voyage dans les films hindous , égyptiens , français , américains . La ballade rythmée par la permanence des séances nous faisait croire qu’aucune vie n’a une fin et que tout recommençait dans le prochain film . Cela pourrait s’intituler : il était une fois le cinéma ! L’Odéon , minuscule cinéma qui trônait sur le parvis de la place de Chartes ( basse Casbah) fut le déchiffreur de notre compréhension de la vie . Dans ce ciné , la mention interdit au moins de 18 ans ne franchit jamais les alentours . Et vogue la vie sur pellicule . Le train sifflera trois fois avec Gary Cooper , la vengeance aux deux visages avec Brando insurpassable , Vadim internationalisant Bardot dans Et Dieu créa la femme , Grégory Peck jouant les alpinistes dans les canons de Navaronne, Dilip Kumar crevant l’écran dans Mangala filles des Indes et Farid El Atrache roucoulant dans Taxi El gharam. Splendeurs dévorées des yeux par les mômes d’une Algérie goûtant les premières saveurs d’une liberté offerte par l’indépendance.
Puis vint Boumedienne et l’après 19 juin 1965…L’état s’empare de la pellicule.
Le train ne sifflera plus 3 fois et Dieu ne créera plus la femme de la même manière . Nationalisation des salles et de la création cinématographique .
La mairie s’empare des salles. Ce sera l’Atlantide du cinéma.
L’ONCIC…office national du cinéma devient l’actors-studio made in système .
Les metteurs en selle du régime se voient accorder des sommes colossales pour nous faire revivre sur argent du contribuable , les histoires sur mesure de la guerre d’indépendance . Omar gatlatou nous tira d’une sieste légendaire . Hirondelle dans le ciel des vautours , ce ne fut pas le printemps .
Boutef vint…On vit un vrai cinéma politique . Gangsters en col blanc dans la jungle impénétrable du pouvoir.
2019…Un film fait par une femme et mettant en exergue les femmes est censuré . Le film sprinte vers la consécration… mais ailleurs . Nul n’est prophète en son pays. Un soir de février 2020 , dans les travées de la salle Pleyel à Paris ,un film algérien , obtint 2 Césars…Et Papicha créa la femme !