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Emeutes en France : aux origines de la colère

L’explosion sociale qui secoue la France depuis quelques jours bout, en réalité, à petit feu depuis des décennies. Elle puise son origine dans le passé colonial de ce pays et dans sa politique migratoire opportuniste et ségrégationniste.

Il n’est un secret pour personne que le caractère rebelle des banlieues françaises est alimenté par l’esprit frondeurs de la communauté algérienne et d’origine algérienne, de loin la plus nombreuse et la plus remplie de ressentiments, envers la France.

Sa prise de position découle logiquement de la colonisation puis de la Guerre de libération. Elle fait également écho au traitement infligé, jusqu’au début des années 1980, aux premiers travailleurs émigrés qui formaient une main-d’œuvre taillable, corvéable et faiblement rémunérée.

Cette population discrète, effacée, qui faisait tourner les usines du pays, qui extrayait le charbon de ses mines, cultivait ses champs, construisait ses immeubles, vivait en marge de la société dans des bidonvilles et, dans le meilleur cas, dans des foyers Sonacotra. Une ségrégation qui ne l’épargnait pas des humiliations au quotidien et des privations dues à la faiblesse de ses revenus.    

La présence algérienne en France est vieille de plus d’un siècle. Elle remonte à la seconde moitié du XIXe siècle même si le flux était timide au début. A l’époque, les Algériens étaient en majorité considérés comme des «indigènes» même sur leur terre natale.

L’occupation de peuplement instauré par la France avait, dès 1830, à exproprier les habitants de leurs terres, de les exclure du contact avec la civilisation européenne qu’elle a imposée par les armes. Elle les a ainsi transformés en étrangers chez eux et en une masse de sous-prolétaires sans instruction et sans droits, asservis par les nouveaux seigneurs. Les conditions d’existence des Algériens s’étaient alors rapidement dégradées : extrême pauvreté, famines récurrentes, maladies infectieuses, analphabétisme…

Leur souci de survie et de subsistance a dès lors facilité la tâche des recruteurs d’ouvriers et de soldats. C’est ainsi qu’une véritable traite de journaliers agricoles, de terrassiers, de colporteurs ou de manœuvres a commencé pour pourvoir les fermes et les champs outre Méditerranée, en particulier à Marseille.

Ces travailleurs étaient en majorité jeunes et célibataires, mais la plupart ont fini par prendre épouse au bled pour fonder une famille qu’ils ne voyaient qu’une fois par an. Le mouvement s’est accéléré à la veille de la Première Guerre mondiale. Un recensement réalisé en 1901 fait état d’environ 5.000 «travailleurs originaires d’Algérie» à Paris et sa grande région. En plus de l’agriculture, ils étaient employés dans l’industrie, les chantiers, les mines du nord, les ports. Le patronat y recourait également pour briser les grèves.

Entre 1914 et 1918, la France en guerre a importé près de 100 000 de ces travailleurs dociles en plus de 175 000 soldats. Une grande partie retourne chez elle faisant que leur nombre tombe à 35 000 en 1921 pour atteindre 85 000 en 1936, puis 72 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

L’administration a alors pris des mesures strictes pour réguler cette implantation, ce qui a eu pour effet de réduire la venue des Algériens en métropole. Toutefois, leur présence devient un fait de société accompli qui a conduit à la construction de la Grande Mosquée de Paris (1926) puis de l’hôpital franco-musulman (1935) et du cimetière musulman (1937).

De leur côté, les nationalistes algériens n’ont pas tardé à encadrer cette population pour l’impliquer dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. C’est ainsi que Messali Hadj a fondé, en juin 1926 à Paris, l’Étoile nord-africaine dont les militants ont essaimé par la suite sur tout le territoire formant un groupe de près de 4.000 membres dont une grande partie a rejoint plus tard la Fédération de France du Front de libération nationale.

A l’indépendance, la France comptait 350 000 Algériens. A cela s’ajoutent les dizaines de milliers de salariés qui, à partir du milieu des années 1960 ont émigré, pour travailler en France avec l’idée de revenir ensuite au pays. Cependant, la plupart sont restés malgré le climat raciste qu’ils ont subi dans les années 1970 quand des expéditions punitives étaient organisées contre eux par des nostalgiques de «l’Algérie française» et par les ultras de l’extrême-droite. Pourtant, ceux qu’on appelle aujourd’hui les «Chibanis» faisaient tout pour passer inaperçus. Mais leur enfants ont gardé dans leur mémoire cette maltraitance dont ils ont fait une culture du refus, à plus forte raison qu’eux-mêmes sont parqués dans des ghettos où ils s’abreuvent jusqu’à la lie de chômage, d’exclusion, de manque de chances de promotion sociale, de harcèlement policier et de dédain médiatique.

Mohamed Badaoui

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