Tandis que l’étroite bande verte au Nord du pays est saturée par l’implantation de plus de 80% de la population, le Sud désertique, quasi vide, est de plus en plus sollicité pour la production de l’énergie et de la nourriture. Situation paradoxale.
L’Algérie ressemble à un vaisseau où la quasi-totalité des passagers s’agglutine dans une partie exigüe de l’avant, laissant vide le reste de l’espace. Plus de 80% de sa population, la majorité de ses villes et villages, de ses usines, de ses administrations et de ses équipements est située sur l’étroite bande littorale au climat méditerranéen formant 10% seulement du territoire.
Cette expansion humaine qui se poursuit d’ailleurs a des conséquences économiques, sociales, politiques et environnementales d’ampleur. La première, concerne la réduction de la superficie des plaines et des terres fertiles sous l’effet des constructions massives publiques ou illicites. Une urbanisation qui s’est, de plus, accompagnée d’une augmentation fulgurante de la pollution, de la mal-vie et des maux sociaux, dont la délinquance, la consommation de drogue et parfois des troubles, comme ceux du 5 octobre 1988.
L’engorgement des villes a généré, d’autre part, une explosion de la demande sociale en matière d’emploi, d’éducation, de soins, de loisirs et d’autres services, le tout concentré dans un mouchoir de poche. En revanche, les campagnes se sont considérablement dépeuplées. Des métiers comme ceux de l’agriculture traditionnelle qui favorisaient le lien organique, fusionnel, avec la nature ont été ainsi perdus. Les Algériens qui, à l’indépendance, vivaient dans leur écrasante majorité du travail de la terre, de l’élevage et de l’artisanat se sont mué en un temps record en ouvriers et en fonctionnaires. L’industrie n’a pas gagné, pour autant, en vigueur puisqu’elle participe à un taux infime du Produit intérieur brut et l’administration est devenue avec le temps une machine bureaucratique des plus sophistiquées.
Pour toutes ces raisons, le Sud du pays qui se caractérise par un climat désertique aride et par un grand vide démographique est regardé par certains comme l’Eldorado qui assurera un avenir radieux à l’Algérie. Cette vaste région de près de deux millions de kilomètres carrés fournit déjà les hydrocarbures qui rapportent aux caisses de l’Etat près de 95% de ses recettes extérieures et se présente aussi comme un gisement de minerais précieux, tels que l’or. Il renferme, en outre, un immense réservoir d’eau douce, sous un sol fécond permettant le développement de l’agriculture et peut devenir une destination d’aventure pour les touristes internationaux en quête de nouvelles sensations.
«L’agriculture dans le Sud, un atout majeur»
La production agricole saharienne, dans laquelle les pouvoirs publics encouragent l’investissement, approvisionne, depuis des années, le marché national de grandes quantités en fruits et légumes, un domaine qui prédestine la région à un bel avenir.
Le ministère de l’Agriculture et du développement rural a consacré, hier à Adrar, une rencontre, la première du genre, au thème de «l’agriculture dans le Sud, un atout majeur pour la sécurité alimentaire».
Une brochette de ministres a assisté à l’événement. En plus du premier concerné, Youcef Cherfa, les travaux ont vu la participation du ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, celui de l’Industrie et de la production pharmaceutique, Ali Aoun, ainsi que celui de l’Hydraulique.
Étaient également présents, le président directeur général de Sonelgaz, des directeurs généraux des banques publiques, des organisations patronales, d’agriculteurs et de professionnels, et un groupe d’opérateurs économiques.
C’est dire toute l’importance accordée par les autorités au développement de cette activité, d’autant plus que le sous-sol du Sahara renferme l’une des plus grandes nappes d’eau douce au monde. A cheval entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye, l’Albien contient plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, dont 70% en Algérie. Cette réserve a mis près de 1 million d’années pour se former. Son exploitation requiert, de ce fait, la plus grande prudence pour éviter une catastrophe écologique d’envergure historique.
Toutes ces richesses que le Sud du pays recèle, en plus de grands atouts en matière de tourisme, profitent cela dit peu à ses habitants. Le chômage, en particulier chez les jeunes diplômés, y est plus élevé que dans le reste du pays et il en va de même pour les prix des marchandises du fait de l’éloignement.
Cette situation paradoxale crée, tout naturellement, du mécontentement au lieu d’un sentiment de bien-être et d’opulence. Elle conseille de moins dorloter les gens du Nord et prendre soin, un peu plus, de ceux du Sud.
Mohamed Badaoui