La chronique d’Anouar El-Andaloussi
Nous savons tous que le transport est le premier consommateur d’énergie fossile. Le moteur thermique est le premier consommateur de l’énergie pétrolière. A partir de là, l’arrêt de l’usage du moteur thermique en Europe va avoir de grandes conséquences sur l’industrie pétrolière et gazière.
Le pétrole et le gaz représentent plus de 30% des consommations d’énergie totale dans les transports (moteurs thermiques et électriques). Avec la fin du moteur thermique, décidée par l’UE à l’horizon 2035, nous allons vers une réduction drastique de la demande des énergies fossiles. Que deviendront les productions de ces énergies ; les excédents de l’offre sur les marchés entraineront, par conséquent, une baisse permanente des prix. Le tiers de la production des hydrocarbures (si on garde la tendance actuelle de la structure de consommation de l’énergie) ne trouvera pas de débouchés. La décision de l’UE n’est pas motivée seulement par des considérations écologiques ou environnementales (réduction des émissions de CO2) mais aussi par des considérations de sécurité énergétique et de dépendance au marché des hydrocarbures. Une telle décision doit concerner plus les pays exportateurs d’hydrocarbures que les pays consommateurs. S’il y a des substituts à l’énergie fossile, il y a moins de possibilités de trouver des substituts aux marchés européens et à l’usage du pétrole et du gaz comme combustibles pour le transport. Les pays producteurs d’hydrocarbures doivent réfléchir sérieusement à l’après 2035. D’autres pays non producteurs d’hydrocarbures vont suivre la décision de l’UE pour les mêmes raisons. La fin du moteur thermique aura aussi des implications en termes de fabrication des véhicules thermiques même à destination des pays non producteurs d’automobiles et autres moyens de transport à combustion thermique. Il y aura fatalement un effet « boule de neige ». Le secteur des hydrocarbures sera lourdement affecté. Le risque de voir les prix chuter fortement est réel et la perspective de voir la production baisser est certaine. C’est maintenant, et pas demain, de tracer une vision avec des scenarii et des options quant aux usages futures des hydrocarbures, aux nouveaux marchés et aux autres implications en matière de développement économique et social des pays à forte dépendance aux hydrocarbures, dans un horizon de 20 ou 30 ans.
L’enjeu est de taille, les risques le sont aussi pour notre futur à moyen et long terme ; car la sortie de la dépendance des hydrocarbures de notre économie demande du temps, de l’ingénierie, de la vision, de la préparation et la diversification de notre économie est encore balbutiante, plombée par la désindustrialisation du pays et dont l’effort de ré industrialisation doit être entrepris sans délai pour ne pas aggraver le retard. Ce sont ces questions et d’autres de même importance que les études prospectives sont destinées et qui les traitent selon une démarche à la fois heuristique et planificatrice. La prospective est une fonction éminemment politique (au sens stratégique) et doit être inscrite dans les missions de l’Etat.
A.E