Dans un tournant historique et radical de la politique des grandes puissances occidentales, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont annoncé ce dimanche, de manière coordonnée et simultanée, leur reconnaissance officielle de l’État de Palestine, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.
Les déclarations synchronisées depuis les trois capitales ont envoyé des messages clairs quant aux motivations de cette décision :
Le Premier ministre britannique a déclaré que cette reconnaissance visait à « raviver l’espoir de paix entre Palestiniens et Israéliens », mettant ainsi fin à une politique vieille de plusieurs décennies.
L’agence Reuters a rapporté que le Premier ministre canadien avait confirmé que son pays «reconnaîtra aujourd’hui (dimanche) l’État de Palestine », s’alignant sur la dynamique internationale en cours.
Un communiqué officiel australien a annoncé la reconnaissance des « aspirations légitimes et durables du peuple palestinien à disposer de son propre État », tout en ajoutant une condition claire: « le Hamas ne devra jouer aucun rôle dans la future Palestine.»
Avec ces annonces, le nombre de pays reconnaissant officiellement la Palestine devrait atteindre 159 sur les 193 membres des Nations Unies.
Une reconnaissance aux implications politiques et juridiques majeures
Ces reconnaissances représentent une étape importante pour la Palestine, tant sur le plan politique que juridique. Elles ont immédiatement provoqué l’ire de membres extrémistes du gouvernement sioniste, certains allant jusqu’à menacer que « ces pays ne trouveront rien à reconnaître ». Sur le terrain, Israël multiplie les actions : extension des colonies, annexions et fragmentation accrue de la Cisjordanie.
Une dynamique internationale en cours
Lors d’une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères à Ramallah, la ministre palestinienne des Affaires étrangères Farsin Shahin a confirmé que le Royaume-Uni, le Portugal, l’Australie et le Canada allaient annoncer leur reconnaissance de l’État palestinien ce jour-là (hier dimanche NDLR). D’autres pays suivront prochainement : le Luxembourg, Saint-Marin, la Belgique, Andorre, la France et Malte.
Cette vague de reconnaissance intervient environ deux mois après la tenue du “Sommet pour la solution à deux États”, coprésidé par l’Arabie saoudite et la France au siège des Nations Unies, sans la participation des États-Unis. Un nouveau sommet sur la solution à deux États est prévu aujourd’hui à l’ONU, cette fois au niveau des chefs d’État.
L’ambassadeur Ahmad al-Deek, conseiller politique du ministre palestinien des Affaires étrangères, a salué ces reconnaissances comme des “actes de courage” en accord avec le droit international et les résolutions onusiennes. Il les considère comme un soutien à la fin de l’occupation, à la paix et à la reconnaissance des droits du peuple palestinien, en particulier le droit à l’autodétermination.
Il a ajouté que cette reconnaissance est à la fois un devoir moral et une obligation juridique, notamment pour les pays qui affirment soutenir la solution à deux États. Selon lui, la paix ne peut être construite que sur le droit international, et non par les chars, les bulldozers, les bombardements, les massacres ou les politiques d’annexion.
Vers la pleine adhésion de la Palestine à l’ONU
Al-Deek a précisé que la Palestine s’appuiera sur ces reconnaissances pour demander son adhésion pleine et entière aux Nations Unies, en remplacement de son statut actuel d’État observateur. D’autres démarches politiques, juridiques et diplomatiques sont en cours, notamment : Tenir Israël responsable de ses crimes; Mettre fin à toutes les mesures unilatérales d’occupation; Mettre en œuvre les résolutions onusiennes et l’initiative de paix arabe; Renforcer la personnalité juridique et le statut international de l’État de Palestine en attendant sa concrétisation sur le terrain; Développer les relations bilatérales avec les pays ayant reconnu l’État palestinien.
Conséquences concrètes des reconnaissances
Les reconnaissances internationales entraîneront plusieurs implications :
Élévation du statut des représentations diplomatiques palestiniennes (de missions à ambassades); Le drapeau palestinien sera officiellement hissé sur ces ambassades; Cérémonies officielles seront organisées pour marquer ces étapes, avec la présence de responsables palestiniens et des gouvernements concernés; Nouvelle remise des lettres de créance des ambassadeurs palestiniens, cette fois au plus haut niveau protocolaire dans les pays concernés.
Même les reconnaissances qui ne précisent pas explicitement les frontières (contrairement à la France, qui reconnaîtra la Palestine sur les frontières de 1967) sont considérées comme une mise en œuvre de la solution à deux États.
Appels à Washington et inquiétudes face à la réponse israélienne
Al-Deek a appelé les États-Unis à rejoindre les pays ayant reconnu la Palestine, et exhorté la communauté internationale à accroître la pression sur Israël pour qu’elle se conforme à la volonté internationale de paix.
Selon Bilal al-Shubaki, professeur de sciences politiques à l’Université d’Hébron, la multiplication des reconnaissances est très significative, surtout venant de pays encore attachés à la solution à deux États, alors qu’Israël multiplie les tentatives de faire disparaître l’idée même d’un État palestinien.
Il souligne toutefois que, malgré leur importance symbolique, ces reconnaissances ont peu d’effet concret immédiat, car la priorité actuelle des Palestiniens est d’arrêter le génocide en cours à Gaza. Il estime que certaines capitales occidentales ont agi par souci de mettre fin à la guerre, plus que par conviction profonde.
Pour lui, certains gouvernements utilisent la reconnaissance comme outil de pression sur Israël, davantage que comme soutien sincère à la cause palestinienne.
Une réaction israélienne redoutée
Al-Shubaki et d’autres analystes s’attendent à une réaction israélienne sévère en Cisjordanie. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, avait déjà déclaré que le jour où la communauté internationale reconnaîtra la Palestine, « il ne restera rien sur le terrain à reconnaître ».
De fait, la stratégie israélienne semble viser à vider ces reconnaissances de leur sens, en multipliant les colonies, en morcelant la Cisjordanie et en affaiblissant l’Autorité palestinienne.
Le projet d’annexion avance sur le terrain
Selon Suhail Khalilieh, expert des politiques de colonisation, Israël accélère le projet E1 à l’est de Jérusalem, tout en imposant des mesures destinées à annexer de facto plusieurs villages palestiniens.
Il estime que les autorités israéliennes vont profiter de ces reconnaissances tardives pour avancer des mesures visant à transformer cet élan international en victoire rhétorique sans impact concret, notamment par le démantèlement progressif de la gouvernance palestinienne et la division géographique accrue de la Cisjordanie.
R.I